Chapitre 2

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Hier soir, j'ai fait un rêve étrange. Je t'ai vu revenir. Tu te rappelles ? Je t'avais promis de t'embrasser à oublier ton nom.

Je me rappelle encore ce jour-là. Nous étions chez tes parents. Nous étions assis sur les balançoires qui faisaient valser nos pieds dans le vide. Ces balançoires qui nous donnaient l'impression d'avoir la tête dans les nuages et le cœur enfui dans l'horizon.  J'étais à côté de toi. Tu m'avais regardé dans les yeux et puis tu avais souri, juste avant de t’exclamer :

-J'aime quand je suis avec toi. Lorsqu'on oublie le monde et tout ce qui pourrait nous entourer. Lorsqu'il n’y a que nous. Que nos cœurs qui palpitent dans le vide.

Je me suis penché vers toi, pour t'embrasser comme promis. Mais nous n'avions pas pu. Nous étions incapables de planifier les baisers, nous nous les donnions tout simplement. Dans une simplicité parfaite où, au lieu d'un baiser, nous passions des heures, engloutis dans le silence, à regarder le ciel, y dessinant partout les nuages de nos cœurs.

C'était à ces moments-là que je réalisais comment j'ai toujours été seul. Comment tu étais indispensable à mon être. J'avais seulement besoin d'entendre ton cœur à quelques pas de moi pour que mon esprit se mette à tourner à cent à l'heure. Et surtout pour qu'on soit deux, contre l'éternité.

Cela était bien plus que l'amour, c'était la complicité. La simplicité des gestes, pour s'exprimer d'une façon que les mots trouvaient étrange. D'une façon où l'on pouvait tout se dire, sans rien dire.

Tu t'endormais souvent blottie contre moi, enfouie dans ma chaleur et mes doigts se promenant dans tes cheveux. Vers minuit, je te portais jusqu'à notre lit. Si j'étais trop fatigué, je restais dans le canapé avec toi. Là où ton parfum vivait éternellement.

***

Je ne vais plus travailler. Pendant ce temps, tu es en train de sauver des vies. Je te vois dans mes rêves, j'ai envie de savoir si tes yeux ont la même lueur. S'ils sont toujours aussi profonds. Toujours aussi bavards, comme lorsque nous nous disputions.

J'ai décidé de ne plus te téléphoner parce que tu ne voulais pas m'expliquer qui était ce type qui se trouvait dans ton appartement. Quand je te parlais de lui, tu changeais de sujet. Et moi, je jouais le jeu. Tu préférais passer le temps à parler de moi. Tu ne m'as jamais demandé si j'ai connu d'autres femmes depuis que tu es partie. Tu ne m'as jamais demandé si je te suis resté fidèle. Ou plutôt, si je me masturbais seulement.

Tu me demandais des choses qui n'avaient pas de sens. Si j'avais mangé, si j'avais bien dormi la veille. Bien que pour toi, c'était une belle façon de nous dire "Je t'aime " sans utiliser les mots "Je t'aime".

 - Ces petites attention disent bien plus qu'un Je t'aime. Sandro.

J'avais compris ce que tu voulais insinuer en me disant ça.

Même si parfois, nous nous rongions de silence au téléphone. Nous restions là, à nous écouter silencieux. Et les minutes s'écroulaient

Une fois, je t'ai demandé au téléphone :
   
-Laura, est-ce que tu m'aimes toujours?

Cette question était absurde. Bien sûr que je savais que tu m'aimais. Je ne doutais pas de ton amour. Je voulais seulement t'entendre dire :

" Mais bien sûr que je t'aime, comment peux-tu douter de notre amour ?"

Mais après un silence que je trouvais trop long, tu as murmuré :

-Oui.

  Un « Oui » qui ressemblait comme deux gouttes d'eau à un « OK ». C'était frustrant mais je n'osais pas de te le dire. Tu venais de refroidir mon cœur, me blessant de tes épines. Tu m'avais encore une fois froissé, tué.

Ce soir-là, j'ai passé la nuit à repasser nos moments dans ma tête. Je n'arrivais plus à dormir. J'étais livré à une insomnie continuelle. Dans un tête à tête ultime avec nos souvenirs. Mais surtout dans un gouffre qui s'était formé dans mon cœur.

Aujourd'hui, j'ai passé le temps à regarder le soleil s'écrouler sous un coton de nuages. Je pensais à ces fins d'après-midi, lorsque je passais te chercher à l'hôpital. On s'achetait des glaces et on se promenait.

C'était toujours toi, ma meilleure amie. C'était avec toi que je voulais brûler tout le reste de mes jours. J'aimais te voir briller aux dernières lueurs du crépuscule, te voir me regarder, lorsque poignait la nuit, afin que nous puissions conter à notre étoile, les plus belles promesses du monde. Du-moins, les mensonges que nous nous murmurions lorsque nous étions trop heureux.

Tu te souviens, du livre que tu m'avais acheté le jour de mon anniversaire ? Je ne le lis presque pas, je n'arrive jamais à me souvenir du titre. Comme je n'arrive jamais à me souvenir d’aller acheter des cigarettes. Je me suis toujours dit que j'étais un fumeur. Mais j'oubliais toujours les cigarettes.

Lorsque j'avais envie de lire le livre, il n’y avait pas d'électricité. Quand j'avais envie de fumer, j'avais encore oublié d'acheter les cigarettes.

Et c'est le couvre-feu. Je ne sais plus quoi faire de mes journées, la télé n'a plus de goût. Et je trouve les livres trop longs. Les nuits sont trop tristes et les jours trop lugubres.

«Encore cinq nouveaux cas enregistrés dans le département du Nord. Il paraît que le présumé infecté s'est enfui du centre médical grâce à l’aide de sa famille qui serait venue menacer les médecins avec des pioches, des machettes et des couteaux. »

Et je fis fermer sa gueule à cette radio. Puis, j’allai me pencher sur le balcon. J’étais torse nu, comme tu aimes. J'avais comme un remords, une frustration incomprise. Je voulais réagir, mais je ne savais pas comment. Je voulais dire mais je ne savais pas quoi dire. Je vivais, comme un simple citoyen du système. Je n'ai rien à revendiquer, et pourtant on me vole. Je voudrais savoir, est-ce comme cela, là où tu es ? As-tu peur de mourir ? Sinon, tu sais, si je vis c'est pour toi que je vis. Car, si tu vis, je vis. Rappelle-toi simplement que je suis toi. Et que tu es ma raison de vivre !

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