Chapitre 8

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-Embrasse-moi,

Une force indescriptible m'enfonçait dans le canapé. Une autre rongeait la distance entre nous. Jusqu'à ce que nos lèvres se cherchèrent et se touchèrent. Ses lèvres n'avaient pas le même goût que toi. Ses lèvres avaient un goût de bière, un goût d'ailleurs, un goût étrange… Un goût de "faire l'amour comme des bêtes". Ma main commençait à se perdre sur sa peau. Nos souffles tremblaient et nos corps se consumaient. Je pense à toi mais mon corps avait besoin d'être brûlé, à en être grillé.

-Sandro ! Stop ! On ne peut pas faire ça. Tu aimes Laura, non?

Dans ma tête, je commençais à me demander si Laura m'aimait et si j'aimais Laura. Et si c'était Justine l'amour de ma vie ? Et si c'était avec elle que viendrait la fin ?

Je me suis éloigné d'elle, j'avais l'impression qu'elle se sentait nue, complètement nue. Elle était elle, Justine. Nous étions tous les deux perdus dans un immense silence. Nous réfléchissions chacun dans notre tête. Justine finit par casser ce silence.

-Tu aimes Laura ?

-Oui.

J'ai prononcé ce mot comme ça, comme lorsque tu as répondu à mon « Je t'aime ! » la dernière fois. Justine s'est levée du canapé et est remontée à l'étage. Elle est partie sans rien dire- elle croyait que je viendrais la chercher dans la chambre pour lui faire l'amour à en mourir, pour lui faire oublier son nom.

Je me suis levé, j'ai attrapé la radio et je l'ai allumée.

''Coronavirus, les États-Unis ont déporté une centaine de personnes ce 5 mai. […] Haïti dépasse désormais le seuil fatidique de deux cents contaminations. Depuis que le gouvernement distribue des masques sur le territoire national, les cas de contamination ne font qu'augmenter."

Je changeai de station :

« Le premier ministre canadien a salué le soutien des haïtiens vivant au Canada contre le Coronavirus. Il a achevé son discours avec des expressions en créole haïtien : Kenbe la pa lage, avè nou map mache »

Ma tête pesait, je pensais à toi. Je pense à notre mariage et je pense à Justine. Je scrute la lueur de l'ampoule que Justine avait laissé allumer. Plein d'images défilent, se faufilent entre les clôtures de ma subconscience.

Ce soir-là, tu rentrais de l'hôpital, tu étais crevée et c'était ton père qui t'avait conduite jusqu'à la maison. Tu étais entrée, m'avais regardé et avais lâché :

-Il a volé ma pureté !

J'avais tout compris, quelques semaines avant. Tu me parlais de cet infirmier qui t' espionnait. C'était un jeune connard barbu aux épaules larges. Il avait même un flingue. Et lorsqu'un con à un flingue et qu’il se prend pour le maître du monde…

Tu t'étais ensuite jetée dans mes bras. Tu avais de la fièvre et tu étais toute tremblante. Tu avais desserrée ta prise et filé dans la salle de bain pour t’y enfermer. J'entendais l'eau couler sur les murs, je parvenais à entendre tes pleurs.

Une force incroyable s'était emparé de moi, mes poings s’étaient crispés et mes dents avaient claqué.

"La méchanceté engendre la violence, m’étais-je dit."

Je m’étais habillé et m’étais rendu chez Titi à Cité Soleil. C'était un rasta, le chef d'un gang. C'était aussi mon ami d'enfance. Il avait une couleur de nuit. Il avait demandé à un de ses hommes de m'accompagner à l'hôpital. Je m’y étais rendu et mon compagnon avait fusillé ce cornard qui t'a violée.

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