Travailler dans un hôpital psychiatrique a toujours été difficile. Bien que la psychiatrie soit un domaine qui m'a toujours fascinée, surprise, elle reste très difficile à vivre. Les personnes qui s'y trouvent sont toujours jugées, alors qu'elles n'y sont pour rien. En aidant tous ceux qui sont ici, je les juge à leur juste valeur. J'ai déjà vécu beaucoup de choses depuis que je suis ici, que ce soit des insultes ou encore des coups, mais lorsque ces personnes sont sorties soignées, elles se sont excusées. Nous sommes là pour les aider, même si on doit subir leurs problèmes.
Je me trouve actuellement en train de remplir un compte-rendu sur les progrès d'un de mes patients, lorsque j'entends des cris dans l'hôpital. Ça me fait toujours frissonner, je ne sais jamais à quoi m'attendre avec les nouveaux arrivants. Les uns sont violents, d'autres traumatisés et certains ne veulent juste pas se retrouver dans cet endroit pourtant fait pour les aider.
- Dégagez, putain ! hurle un homme. Je vais bien, me touchez pas bande de tarés ! Et toi la grosse, au lieu de me parler et de me toucher, ferme ta gueule et tu te fous les doigts où je pense !
- Du renfort ! crie l'une de mes collègues.
Je pose ma pochette sur le comptoir et avance prudemment dans les couloirs en suivant les cris. Lorsque ma collègue me voit, elle m'indique d'apporter des sédatifs. Je pars rapidement dans le local et reviens avec l'injection préparée, dans le respect des doses préconisées pour que ce ne soit pas trop fort pour l'organisme.
Je vois enfin l'homme à l'origine de ces cris et insultes. Il a l'air d'une bête sauvage à l'instant où je le vois. Il a une musculature très imposante, ses cheveux sombres tombent devant ses yeux, teintés par la rage, tandis qu'il respire vite et fort. Il se débat contre les médecins qui essaient de le tenir, ce qui est sans succès, mais il n'abandonne pas pour autant.
Je donne la seringue à Daya, la collègue qui a appelé les renforts, m'approchant plus près de lui. Je garde tout de même mes distances, puisque plusieurs de mes collègues s'occupent déjà de lui.
- Putain, je t'ai dit quoi ?! T'approche pas de moi, grosse vache !
Il se dégage vite des médecins dans un excès de rage et pousse Daya qui tombe au sol, la seringue subissant le même sort. Elle se brise directement lorsqu'elle rencontre le sol, et l'homme me regarde, plein de rage. Sachant pertinemment que je vais être sa prochaine cible, je pars rapidement dans le couloir pour chercher d'autres soignants, certainement occupés avec d'autres patients. Une poigne ferme saisit mon poignet et je suis plaquée contre le mur. Sa main passe autour de ma gorge pour relever ma tête dans sa direction. Il ne me serre pas, mais me regarde dans les yeux. Et je remarque à quel point les siens sont sombres. Pourtant, il ne parvient pas à m'effrayer, au contraire. Je pense juste à l'aider, parce que c'est la raison pour laquelle il est ici.
- Pourquoi t'es venue avec ça ?
- Monsieur, vous n'allez pas bien, laissez-nous vous soigner.
Il continue à me regarder dans les yeux pendant quelques secondes, sans faire un geste, sans resserrer sa prise sur mon cou. Je n'ose faire aucun geste non plus, parce qu'il pourrait prendre ça pour de l'agressivité, et me blesser par la suite. D'un coup, il est éloigné de moi grâce à des collègues dotés d'une forte musculature. Je repars dans le local au pas de course, afin de prendre une nouvelle dose de sédatifs. J'avance de nouveau vers eux et enfonce l'aiguille dans son bras pour injecter le produit. Il se débat très puissamment une seconde fois, faisant voler les hommes qui le tenaient, et avance de nouveau vers moi. Il tombe finalement à genoux alors que le produit fait effet dans son organisme, avant de m'atteindre. Je m'avance légèrement et m'accroupis, face à lui.
- On va s'occuper de vous monsieur, lui promets-je.
Il marmonne plusieurs choses que je ne cherche pas à comprendre pour répondre. Mes collègues masculins le portent afin de l'emmener vers une chambre libre, qui sera la sienne pendant tout son séjour ici. Je me tourne rapidement vers Daya pour lui demander si elle va bien. Elle me répond positivement avec un léger hochement de tête, et j'en suis vraiment soulagée.
- Qu'est-ce qu'il a ?
- TEI.
Je hoche la tête suite à ses propos. Ça explique toute cette violence physique et verbale.
Le Trouble Explosif Intermittent est un trouble comportemental qui est réputé par des crises de colère extrême qui tournent souvent à la violence. La réaction des personnes atteintes est souvent disproportionnée par rapport à la situation.
- Et toi, il t'a fait mal ?
- Non, il ne m'a rien fait.
Elle hausse un sourcil d'interrogation. C'est vrai, il ne m'a pas fait mal. En soit, il a juste relevé ma tête vers lui tout en me détaillant de son regard sombre. Et justement, vu la violence qu'il a eu envers mes collègues, c'est plutôt surprenant qu'il ne m'ait pas blessée ou renversée sur son passage. Enfin bon, je vais m'estimer heureuse de ne pas avoir été l'une des personnes subissant de la violence de sa part, qu'elle soit physique ou verbale. Et j'espère de tout cœur que cela continuera comme ça pendant tout le temps où il sera ici...
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Eyes in Eyes
RomanceL'histoire d'amour d'une psychiatre et de son patient. *** Denasia est stagiaire dans un hôpital psychiatrique. De nature douce et altruiste, elle se dévoue corps et âme pour ses patients qu'elle désire aider plus que tout au monde. Son quotidien ba...