L'agent Johnson est venue me voir sur mon lieu de travail le lendemain de l'interrogatoire de Ryder. Elle m'a remerciée d'être venue lui parler de tout ça au commissariat. Apparemment, Carter était à la tête d'un trafic de sédatifs. Elle et son équipe sont toujours en train d'enquêter et de fouiller le bureau de Carter. Je suis plutôt fière d'avoir fait une bonne action comme ça. Bon, ça doit peut-être vous surprendre que cette affaire soit aussi grave, mais on ne rigole pas avec les sédatifs.
Quand elle est repartie, c'est Ryder qui est apparu dans mon champ de vision. Aujourd'hui, tout s'est déroulé à merveille puisqu'il n'a fait aucune crise. Ça m'étonne de le voir puisque c'est vraiment rare qu'il sorte de sa chambre. Ryder arrive et s'appuie sur le comptoir pour me voir derrière celui-ci, puisque je suis plutôt petite comparé à ce bureau très imposant qui me cache.
- Je peux t'aider, Ryder ?
Il continue à me regarder sans parler durant quelques instants et je soupire.
- Tu vas bien ?
- Je peux sortir prendre l'air ? questionne-t-il directement.
- Oui, bien sûr. Tu peux aller dans la cour extérieure de l'établissement.
- Et tu veux venir avec moi ?
- Oh... Oui, si tu veux.
Je me lève et fais le tour du bureau. Je ne sais même pas s'il sait où se trouve la sortie pour la cour. On descend l'étage en silence avant de se retrouver dans la cour où peu de personnes sont présentes. Il y en a quand même quelques-unes avec des soignants. On marche sans parler avant de se poser sur un banc en fer forgé.
- Alors, ça fait du bien de prendre l'air ?
- Ouais, ça faisait longtemps.
- Tu peux sortir quand tu veux, tu sais. Tu n'es pas un prisonnier non plus. Il faut juste nous avertir de ta sortie.
Il hausse simplement les épaules et je décide que c'est le moment de lui parler de son frère.
- J'ai appelé ta mère pour lui donner des nouvelles de toi hier. Elle aimerait savoir si tu souhaites voir ton frère. Il aimerait beaucoup te revoir, d'après elle.
Son corps se tend lorsque je prononce ces paroles. Je redoute une nouvelle crise de sa part, mais il tourne finalement la tête vers moi pour me détailler du regard.
- Lequel ? lâche-t-il.
Je lève un sourcil d'interrogation et il sourit, amusé. Ça me rassure, je pense qu'on a évité la crise puisqu'il sourit. Mais attendez... Comment ça, lequel ? J'ai mal entendu hier ? Elle a parlé au singulier ou au pluriel ?
- Lequel de mes frères ? reprend-il.
- Ryder, hier encore j'ignorais que tu avais un frère. Je suis censée savoir le nombre de frères que tu as ?
- J'ai deux frères, on est des triplés. Et sache qu'ils se déplacent toujours ensemble. Avant, tu m'aurais toujours vu avec eux, mais comme je suis ici, tu les verras à deux.
Je lâche un rire en l'entendant. C'est pas commun, ça ! Surtout que sa mère n'a pas précisé de prénom lors de son appel. Et elle a uniquement dit « son frère ». Est-ce qu'elle n'est en contact qu'avec l'un de ses fils ? Ou j'ai tout simplement mal entendu ?
J'aime beaucoup le fait que Ryder m'ait fait une petite confession sur sa vie. Pas concernant le fait qu'il ait deux frères, mais sur le fait qu'ils soient inséparables. C'est beau comme relation, des triplés qui ne vont nulle part les uns sans les autres.
- Je ne sais pas, mais tu aimerais quand même les voir ?
- Pas maintenant.
Je hoche la tête avant de regarder devant moi.
- Et toi, t'as des frères et sœurs ?
- J'ai une petite sœur de vingt-et-un ans.
Si vous vous demandez, Ryder a le même âge que moi. Je me demande si ses frères souffrent de Trouble Explosif Intermittent également. Si c'est le cas, ça devait être très explosif chez eux.
- Pourquoi tu continues toujours à m'aider ?
- Je te l'ai déjà dit, Ryder. Tu mérites mon aide. Et regarde, aujourd'hui tu n'as fait aucune crise, j'en suis plutôt fière.
- Tu crois qu'un jour, tout... Ça va s'arrêter ?
- On va continuer à t'aider pour que tu ailles de mieux en mieux. J'espère que ce nouveau traitement fonctionnera.
- Et si ça ne fonctionne pas ?
- Je crois en toi, ça peut fonctionner. Même si la psychothérapie t'aurait appris beaucoup de choses, je respecte le fait que tu ne veuilles pas d'une aide extérieure. Ton nouveau traitement va fonctionner.
Il hoche la tête puis regarde dans le vide. Il semble très pensif et soucieux. Je suis sûre que son trouble l'atteint au plus profond de lui, il s'en veut de réagir de cette manière. Malheureusement, ce n'est pas sa faute s'il s'emporte de cette façon et il doit désormais apprendre à gérer sa colère.
- Est-ce que c'est ma faute si Carter a été renvoyé ? reprend-il au bout de quelques instants.
- Ils mènent une enquête sur lui actuellement. Au contraire, tu as peut-être arrêté un trafic de sédatifs. En s'en prenant à toi, il a simplement aggravé son cas. Je ne sais pas quel est son problème avec toi et moi, mais il s'en est pris aux mauvaises personnes.
Il hoche de nouveau la tête. C'est rare de le voir aussi bavard, et je commence à apprécier cette nouvelle facette de sa personnalité. C'est sûrement dû au fait qu'il soit enfermé ici, il a besoin de voir des gens, de discuter. Et comme je suis la seule personne à qui il adresse la parole, voilà pourquoi il a demandé ma compagnie. Oui, c'est sûr même, ça explique tout. Rester silencieux entre quatre murs vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept ne doit pas être facile, même s'il n'est pas là depuis plusieurs mois.
- Pourquoi est-ce que je suis l'unique personne que tu acceptes de voir, Ryder ? Je me le suis toujours demandée.
Il hausse simplement les épaules. D'accord, il ne faut pas trop lui en demander apparemment. Je prends note. Dommage, j'espérais vraiment une réponse de sa part. Mais je cache ma déception et je le détaille du regard.
- Y a que des vieux ici, comment ça se fait que tu puisses bosser dans un endroit pareil ?
Je lève les yeux au ciel. Vous le savez, Ryder est réputé pour ses exagérations, et voilà la plus énorme exagération qu'il aurait pu faire.
- Il n'y a pas que des « vieux », comme tu dis. Je suis toujours en stage, et je le serai encore pendant trois ans si tout se passe bien.
- Ça te déprime pas, un endroit pareil ?
- Pourquoi ça me déprimerait ? J'aime travailler ici et voir mes patients. C'est important pour moi d'aider les gens. Et surtout les gens comme toi, Ryder. Beaucoup plus délaissés que ceux des hôpitaux basiques.
Je n'aime pas employer le terme « normal » concernant les hôpitaux autres que psychiatriques. Rien n'est normal dans ce domaine non plus, après tout si on s'y trouve, c'est que tout ne va pas bien. Que ce soit pour soi-même ou pour ses proches, bien entendu.
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Eyes in Eyes
RomanceL'histoire d'amour d'une psychiatre et de son patient. *** Denasia est stagiaire dans un hôpital psychiatrique. De nature douce et altruiste, elle se dévoue corps et âme pour ses patients qu'elle désire aider plus que tout au monde. Son quotidien ba...