Chapitre 4

8.2K 644 64
                                    

Son départ me rendit larmoyant. La culpabilité qui jusqu'ici enserrait mon cœur enfla dans ma poitrine si fort que cela m'empêcha de respirer et je ne pus que prendre de grandes inspirations paniquées.

-Je...je ne veux pas que vous partiez.

La voix d'Egio, bien que chevrotante et timide, fut entendu à la perfection par le démon qui s'arrêta.

-S'il vous plait, ne partez pas, supplia alors mon compagnon en surgissant devant moi.

Il s'approcha du démon et le retint par le bras, le faisant se retourner. Il se blottit soudain contre lui sans demander son reste et cela suffit pour faire disparaitre toute trace de colère des yeux du démon. Il sourit tendrement au brun et lui répondit d'une voix douce.

-Ce n'était qu'une ruse. Je ne partirais pas, mon tendre. Je n'abandonnerais jamais mes saikens, aussi insolents soient-ils.

Je vis les bras de l'homme se refermer autour de mon semblable et entendit distinctement mon cœur se briser. C'était lui que le démon cajolait, pas moi. En même temps, Egio avait toujours attiré les regards, et je ne pouvais que le comprendre.
Je passais moi-même le plus clair de mon temps à l'observer. Je n'étais que l'ombre au-dessus de lui, plus âgé, moins mignon, certainement pas beau, qui veillait à ce que rien ne lui arrive. Et il était évident que le démon veuille garder Egio pour lui.

Je n'étais que le capricieux humain qui l'avait mis en colère et ils allaient sûrement partir tous les deux, ne laissant seul ici.

-Mon saiken, murmura précipitamment le démon, ne pleure pas, tu ne peux imaginer la tristesse qui s'empare de moi lorsque je vois ton visage si bouleversé.

Je sursautai en entendant le démon s'adresser à moi et touchai mes joues, incrédule. Je ne m'étais pas rendue compte que j'avais à nouveau le contrôle de mon corps et mes larmes étaient passées inaperçu.

-Vous me voulez moi aussi ? demandais-je incrédule.

-A quel moment ai-je pu te faire croire le contraire ? Vous m'appartenez, vous êtes mes saikens, tous les deux.

Le démon enjamba les mètres qui nous séparaient si vite que je ne le vis pas et la main qui ne tenait pas Egio caressa affectueusement ma joue, effaçant mes larmes et réchauffant mon cœur.
Elle glissa ensuite le long de mon dos avant de se poser sur mes reins pour m'attirer à lui.
Ma tête se posa sur son torse, tout près de celle de mon compagnon, et le son sourd et lent de son cœur me parvint, m'apaisant. Ses doigts passèrent sous ma tunique et le contact de sa peau électrisa mes sens, me faisant frissonner de bonheur.

Je sentis ses griffes m'effleurer sans jamais me faire mal et j'eus la certitude que jamais il ne les utiliserait contre nous.

-Excusez-moi, je ne voulais pas vous mettre en colère, balbutiais-je les yeux encore humides. Je ne voulais pas mais j'avais si peur pour Egio, et nous savons si peu de choses sur ce qu'il advient des humains qui sont acceptés au domaine.

Le démon s'écarta et empoigna mon visage de ses deux mains.

-Je sais, mon doux. Je comprends ta réaction. Il est difficile de baisser la garde lorsqu'on a passé sa vie sur le qui vive, mais je te promets que tu n'aurais plus jamais à te soucier de quoi que ce soit. Tu es pardonné si tu me promets que plus jamais tu n'essayeras de t'éloigner de moi.

Je ne pus qu'hocher la tête en signe d'assentiment, envouter par son regard qui faisait monter en moi à nouveau ce sentiment puissant de sécurité et de confort.

Puis il rompit le contact, se redressa et d'un geste de la main, mit feu à nos affaires sans remords. Mon camarade poussa une exclamation étouffée et le démon s'empressa de le rassurer.

-Vous n'en aurez plus besoin. Je saurais vous combler au-delà du possible. A présent, montez sur Alda, je vais vous conduire à ma demeure.

A ces mots, je me tournai brusquement vers la jument, les yeux écarquillés. J'aurais préféré ne plus faire de manière mais c'était plus fort que moi. Je me voyais dans l'incapacité de cacher quoi que ce soit au démon.

-Je...je préfèrerais marcher, si cela ne vous ennuis pas.

Je sentis une main empoigner mon menton, et le démon tourna doucement ma tête vers lui pour plonger à nouveau ses yeux dans les miens.

Son toucher me fit frissonner de bien-être et malgré moi, j'appuyai un peu plus ma joue contre sa main, à la recherche de plus de contact.
Une envie subite s'empara de moi, une envie qui me fit me sentir honteux. C'est comme si tout mon être espérait plus de caresses de sa part.

Je sentis mes joues s'empourprer et cela s'intensifia lorsque je croisais le regard goguenard du démon et que je compris que, par enchantement ou magie ou que sais-je encore, il avait compris mon trouble et sa raison. Et que ça le rendait fou de joie. Cependant, il eut l'air de ravaler son bonheur et reprit rapidement contenance.

-Mon doux, ma jument est la plus sûre de tout le domaine. Et puis je serais juste à côté, je tiendrais les rênes. Vous êtes tous les deux trempés, sûrement éreintés et j'aimerais pouvoir vous plongez le plus rapidement possible dans un bain chaud amplement mérité. Le repos viendra lorsque vous serez propres, secs et rassasiés.

C'est ainsi qu'Egio se retrouva entre mes jambes, sur le dos de cet immense animal, ses cheveux me chatouillant la mâchoire. Le démon enleva le lourd manteau qui couvrait préalablement son torse nu et le posa sur mes épaules.

-Il est assez grand pour vous envelopper tous les deux. Cela aurait été mieux si vous aviez pu vous débarrasser de vos vêtements. Vous auriez eu le temps de sécher avant que l'on arrive et au moins, nous aurions été sûrs qu'aucun de vous n'attrape le mal. Cependant, je pense que vous infligez cela aurait été cruel. Il est encore trop tôt pour vous demander de sacrifier votre pudeur humaine.

Ma honte revint en force et j'imaginai un instant la scène. Moi, me déshabillant dans la forêt, devant un parfait inconnu. Puis j'imaginai quelle aurait été ma réaction si j'avais dû tenir Egio contre moi alors que nos corps se seraient parfaitement épousés, peau contre peau. Je me réchauffai à cette idée et repoussai l'image loin de moi.

Nous nous étions déjà vu nus. Nous dormions souvent ensemble, nous prenions notre bain ensemble. Nous nous caressions souvent lorsque nous étions en vadrouille mais je n'avais jamais vraiment réfléchi à la raison de tout cela. Je désirais caresser Egio, c'était réciproque, nous nous adonnions donc tout simplement à cela, sans rendre les choses plus compliquées qu'elles ne l'étaient.

Je me demandai si, là où nous allions, le démon me laisserait faire preuve de tendresse avec le brun. Et les mots m'échappèrent sans que je ne puisse les retenir.

-Je pourrais continuer à caresser Egio ?

Il me jeta un coup d'œil surpris tandis qu'un sourire taquin étirait ses joues.

-Evidemment, mon tendre. Votre dame Theresa l'interdisait peut-être, mais dans mon antre, aucun plaisir ni désir n'est proscrit.

Son sourire s'étira encore, dévoilant se crocs et il reprit.

-Et je serais grandement déçu de ne pas vous voir vous caresser.

-Mais Adriel m'a dit que les mœurs n'acceptaient pas ce comportement, murmura le brun avec incompréhension.

-Les mœurs humaines, oui. Mais rassure-toi, vous apprendrez bien assez vite celles qui régissent mon monde et vous comprendrez que vous ne serez jamais jugés pour avoir laissés libre cours à un désir. Si tant est que celui-ci ne fasse de mal à personne !

Il termina sur un petit rire, et nous continuèrent en silence. Les mouvements d'Alda me berçaient doucement et je resserrai mes bras autour de mon compagnon, luttant contre le sommeil.

Saikens Où les histoires vivent. Découvrez maintenant