Chapitre 35

2.8K 318 44
                                    

J'avais du mal à garder mes yeux ouverts. Le réveil avait été difficile et maitre avait dû nous trainer jusqu'aux chevaux pour que nous avancions.

Depuis, Egio somnolait contre moi, son dos appuyé contre mon torse tandis que je tentai de tenir correctement les rennes d'ocre.

Son pas était mesuré, rythmé et je laissais mes hanches tanguer au rythme de ses pas. Heureusement qu'il n'était pas bien difficile de la guider, il suffisait de suivre ses mouvements. Elle semblait toujours savoir exactement où notre maitre souhaitait qu'elle se rende et cela rendait cette matinée bien plus facile.

Je n'avais pas l'énergie pour une chevauchée trop épuisante.

Notre démon était juste à côté, sur une autre bête massive d'une couleur aussi sombre que sa crinière.

-Nous n'avons que quelques heures de voyage devant nous, m'assura-t-il en se tournant dans notre direction. 

Il avisa Egio d'une œillade tendre.

-S'il devient trop lourd prévient moi, nous pourrons échanger de place.

Je hochai la tête en étouffant un bâillement. Je resserrai mon emprise sur le petit corps complètement relâché de mon frère. Sa peau était couverte de frisson causé par la fraicheur matinale. Les feuilles qui nous frôlaient étaient humides.

Maitre nous avait couvert d'un châle afin que nous ne soyons pas trop mouillés mais je voyais déjà le soleil poindre sous le brouillard, cela serait sans aucun doute une bonne journée.

Egio se réveilla en milieu de matinée en sembla surpris d'être sur Ocre.

-J'ai l'impression d'avoir comaté des heures, geignit-il.

-C'est un peu le cas, plaisantai-je.

Mes mots lui arrachèrent un sourire.

Il étira doucement ses bras vers l'avant et avisa ce qui nous entourait. Son air ravi ne laissait que peu de doute quant au plaisir qu'il prenait à se balader en forêt. Il avait toujours aimé évoluer au milieu des arbres, marcher sur la mousse. C'était son élément et ça en avait toujours fait un chasseur prometteur.

-ça y est, nous sommes bientôt arrivés ?

Sans surprise, il avait beau être à peine sorti du sommeil, l'excitation de cette nouvelle aventure n'était pas bien loin et il se tourna vers moi l'œil brillant.

Je haussai les épaules, malheureusement je ne pouvais pas répondre à cette question. Je n'en savais fichtrement rien. Maitre ne m'avait donné aucune indication durant son sommeil.

Celui-ci d'ailleurs se tenait droit sur son cheval. Il faisait mine de ne pas voir le regard que dardait Egio sur lui, un sourire mutin bien en place sur son visage.

Au bout de quelques secondes, le brun comprit qu'il ne lui soutirerait rien et abandonna. Il enfonça son dos dans ma poitrine, se collant un peu plus contre moi, et laissa dériver son regard sur la route qui s'étendait en face de nous.

Je sentais la tension dans ses muscles, signe qu'il n'était pas aussi relâché qu'il tentait de s'en donner l'air. Il boudait très certainement de n'avoir toujours pas percé la surprise de notre démon et cela m'amusait beaucoup. Il n'aimait pas ne pas être dans la confidence et le fait que je ne le sois pas non plus n'adoucissait en rien sa frustration.

Mais sa manière de serrer durement ses lèvres était bien trop adorable pour que je ne l'ignore.

Je serrai mon étreinte et me baissai comme je le pouvais pour avoir mon visage à sa hauteur et embrasser affectueusement sa joue, déridant un peu sa moue d'enfant capricieux. Je lui glissai quelques autres baisers qui achevèrent de le faire sourire et je ne fus satisfait que lorsque je le sentis s'enfoncer complètement dans mon étreinte.

Nous passâmes quelques minutes dans un silence tranquille, Egio s'étant déridé sous mes attentions.

Très vite, il fut émerveillé par tout ce qui nous entourait. La forêt que nous traversions était plus dense que celle que nous avions l'habitude de côtoyer à l'Institution, l'orphelinat où nous avions grandi.

Les plantes grimpantes se multipliaient çà et là, si bien que rare furent les arbres donc nous arrivions à apercevoir les troncs. Le brun laissait la place au vert, et une douce moiteur se faisait sentir dans l'air. Le temps était plus humide de ce côté-ci du continent. De grandes feuilles, plus épaisses encore que celles que nous connaissions, barrait le passage des rayons du soleil en nous enfermant dans une bulle envahie seulement par le bruit des sabots contre la terre battue.

A nouveau surexcité, Egio ne tenait pas en place. Il passait son temps à se tordre à droite et à gauche pour observer le lieu qui nous entourait.

-C'est si beau maitre !

-Oui, le lieu est luxuriant, je savais que ça vous plairait, commenta le démon en nous couvant d'un regard tendre.

-Nous allons faire une pause ici ?

Les yeux pleins d'espoir il se tourna vers l'homme aux cornes noires.

Il sembla hésiter mais secoua la tête négativement.

-Nous devons rallier rapidement notre destination pour avoir le temps de profiter de notre après-midi. Mais, tenta-t-il de rassurer le brun, celle-ci est tout aussi, si ce n'est plus, magnifique que ce qui nous entoure. Tu ne seras pas déçu mon tendre.

D'un mouvement de rênes contrôlé, il fit se rapprocher son cheval d'Ocre et ébouriffa les mèches d'Egio, s'attardant lentement sur sa joue. Sans se préoccuper de quoi que ce soit, mon frère se blotti contre cette main volontaire en soupirant. Puis en un coup de talon, le démon coupa ce contact et s'avança pour se mettre devant nous.

La parenthèse de douceur était terminée.

A l'horizon, les arbres semblaient s'éloigner, la lumière se frayait un chemin entre les branches avec plus de facilité. Je donnais un petit coup dans l'épaule d'Egio qui somnolait contre moi.

-Je pense qu'on est bientôt arrivés, lui chuchotai-je.

Aussitôt il se redressa les yeux écarquillés. « Dieu que je l'aime », pensai-je affectueusement en passant mon bras sur ses hanches pour le caler contre les miennes. Je ne voulais pas qu'il risque une chute de cheval à force de s'agiter sur Ocre.

Tant bien que mal, je tentais de le retenir alors qu'il n'avait qu'une envie : descendre pour courir droit devant découvrir ce que nous réserver notre maitre.

-Attends Egio, pouffai-je. Tu vas te faire mal si tu tombes maintenant.

-Je m'en fiche, geignit-il. Je veux voir.

J'embrassai sa tempe avec tendresse, en profitant pour respirer l'odeur que dégageai ses cheveux. C'était mon péché mignon. Il sentait lui et c'était une odeur qui me plaisait.

Il trépignait encore lorsque nous sortîmes enfin du sentier. 

Le cheval se stoppa à cote de celui de notre maitre et nous regardâmes devant nous avec incrédulité.

A quelques mètres de nos pieds, le sol semblait s'arrêter brusquement. L'angoisse me tenailla le ventre et je raffermis ma prise sur le blond. Qu'était-ce donc que ce vide ?

Je levai un peu plus les yeux. A perte de vue il n'y avait que du bleu. Comment le ciel faisait-il pour venir aussi bas, aussi proche de la terre ? Y avait-il du ciel sous nos pieds ?

Egio avait arrêté de s'agiter et se contentait de fixer devant lui l'air ébahi.

Le maitre comprit notre incompréhension. Il ricana et rejeta ses longues mèches en arrière avant de nous lancer un sourire éblouissant.

-Mes saikens, je vous présente la mer.

Et on souhaite un Joyeux Anniversaire à jeon_hyang (j'ai pas eu le temps de répondre aux commentaires hier soir mais j'ai lu ça en diagonale 😌)

Saikens Où les histoires vivent. Découvrez maintenant