Chapitre 9

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J'étais nu, allongé de tout mon long sur l'immense lit à baldaquin de mon maitre.

Mon maitre. Cela me faisait toujours rougir. Je ne réalisais pas encore tout à fait que ma vie venait de prendre un tournant étrange, que j'appartenais à quelqu'un qui n'avait pas l'air d'être sur le point de m'abandonner et que par-dessus tout, je vivais tout ça aux côtés d'Egio.

Il y a encore quelques jours, je travaillais à la taverne en face de l'orphelinat pour avoir de quoi survivre lorsqu'on décrèterait que j'étais trop vieux pour rester sous le joug de Madame Theresa. J'avais des tas de projets.

Je voulais continuer à travailler avec Edmund le temps qu'Egio se fasse à son tour virer de l'institution, puis je l'aurais embarqué, lui, nos affaires, notre courage, et nous serions partis loin.

J'avais prévu de me rapprocher de la côte, parce qu'il avait toujours rêvé de voir la mer, puis nous aurions improvisé. Qu'importe ce que nous aurions fait tant que nous serions restés ensemble.

Je tournai la tête et l'observai, enroulé dans la serviette douce que lui avait donné le démon. Il somnolait doucement, adossé aux imposants coussins qui recouvraient le lit.

Léandre nous avait séché avant de nous annoncer qu'il sortait quelques minutes se servir dans les cuisines du domaine. Apparemment, la cuisinière était  une mégère qui n'appréciait pas qu'on lui dérobe sa nourriture et que l'on grignote en dehors des heures de repas mais elle faisait une exception pour notre maitre car il faisait partie de sa horde, de ce fait elle le connaissait depuis sa naissance.

-J'ai pris un peu tout ce que j'ai vu et qui m'avait l'air appétissant, s'exclama le démon en poussant la porte du pied. Personne n'a cherché à vous nuire durant mon absence ?

Je secouai la tête et sautai du lit puis j'hésitais, pas encore sur de l'attitude que je devais adopter.

-Euh...maître ?

-Oui ?

-Comment dois-je m'habiller ?

Maitre posa le plateau sur son bureau, éloignant les parchemins d'une main, et me sourit tendrement.
Il me détailla de la tête au pieds et je détournais les yeux, n'osant pas le regarder.

-Ne sois pas gêné, mon doux. J'adorerais te voir te balader en tenu d'Adam lorsque nous sommes seuls, mais je ne veux pas te rendre l'adaptation plus difficile. Il y a des peignoirs dans le meuble de la salle d'eau. Tu pourras tenter de rester nu lorsque tu te sentiras à l'aise.

Je me dirigeai précipitamment vers le lieu indiqué et ouvris le battant du meuble, cherchant le peignoir.
J'en trouvais un d'un bleu rois qui me plut aussitôt et je l'enfilais avant de m'approcher de mon démon, bien décidé à m'empiffrer.

-Alors ? De quoi as-tu envie ?

Je parcourrai les mets des yeux, émerveillé. Il y avait trop de plats différents, trop de couleurs variées, et je ne sus où porter mon attention. C'était comme un rêve éveillé, et je me rendis compte que ça encore, je voulais le vivre avec mon acolyte.

Alors, réprimant ma curiosité, j'accourus vers Egio et le secouai doucement pour le sortir de sa torpeur. Ses petits yeux fatigués papillonnèrent et il me regarda, interrogatif.

-Viens, Maitre nous a ramené plein de choses, je veux tout gouter !

-Je suis fatigué, Adriel, geignit-t-il en se frottant les yeux.

-Mais je veux tout gouter avec toi.

Il me lança un regard agacé et je me sentis égoïste d'avoir tenté de l'obliger à faire les choses comme je le souhaitais. Après tout, s'il préférait se reposer un peu avant de se sustenter, je n'avais pas à l'en empêcher.

-Excuse-moi, je voulais juste...je suis désolé, oublie.

Je me redressais avec déception et fit profil bas jusqu'au bureau où s'étalaient toutes les friandises.

Je m'assis sans oser me tourner vers le démon et attrapai rapidement une tranche de pain que je me mis à grignoter.

-Ne sois pas aussi triste, mon tendre, souris-t-il doucement. Vous avez eu une nuit rude et une matinée pleine de rebondissements. Il est normal que ses nerfs le lâchent. Les humains sont des êtres magnifiques mais ils ne sont pas parfaits, il arrive qu'ils soient moroses.

Il attrapa mon morceau de pain avant que je ne l'enfourne une nouvelle fois dans ma bouche et ajouta en riant :

-Tu m'as l'air si tourmenté ! Met au moins quelque chose sur ton pain, je n'ai pas traversé tout le domaine pour te voir manger piteusement ce que cette Dame Theresa devait vous servir.

Je récupérai ma tartine généreusement garnie de confiture d'une couleur violine et croquais dedans avec bonheur, laissant ma tristesse de côté.

-En fait, c'est Madame Lyse qui s'occupait des repas. Et on avait le droit a un verre de lait pour accompagner la tranche de pain.

Il me lança un regard amusé et saisit une carafe dangereusement remplie.

-Bon eh bien, pour tenter d'atteindre le niveau de Madame Lyse, j'accepte de te servir un verre de jus de pomme. Tu es satisfait ?

Je gloussai en hochant la tête et mastiquai ma tartine. C'était vraiment bon. Le goût était doux, indescriptible, et la texture rappeuse me plut automatiquement. Même pour les fêtes du printemps, lorsque madame Lyse faisait son possible pour nous faire plaisir, je n'avais jamais gouté de choses aussi délicieuses. Et pourtant, elle passait la journée derrière les fourneaux pour égayer nos papilles !

-A quoi est la confiture ?

Il laissa un silence s'installer et me fit un sourire charmeur.

-C'est un petit secret. J'aime particulièrement ce fruit, on l'appelle le gyanier. Il est originaire de mes terres et est souvent offert aux saikens.

Ces mots éveillèrent ma curiosité.

-Pour quelles raisons ?

-Tout simplement parce que les démons aiment les plats très épicés et ce fruit est une des seules choses provenant des enfers que peuvent manger les saikens qui n'en sont pas originaires. Et puis, il a une caractéristique que j'affectionne tout particulièrement et que tu ne vas pas tarder à découvrir.

Puis, il attrapa une des chaises sur laquelle il s'assit et posa son menton sur sa main, soutenant sa tête. Il me fixa alors avec attention, semblant attendre quelque chose.

Sa réaction m'inquiéta et je posai ma tartine, observant mon ventre. Je sentis une douce chaleur s'installer dans mon bas ventre et posai mes mains dessus, craignant la suite des évènements.

-Je vais tomber enceint ?

-Non, pouffa-t-il.

-Je vais disparaitre ?

Cette chaleur commençait tout de même à m'inquiéter.

-Mon tendre, j'ai dit que l'on en offrait souvent aux compagnons des démons. Crois-tu qu'on passe une éternité à vous chercher pour tous vous faire disparaitre ?

-On ne sait jamais, bougonnai-je pragmatique. Les démons peuvent être contradictoires.

-Pas lorsqu'il s'agit des saikens.

Je ne comprenais pas ce qui m'arrivait. Mes cuisses se mirent à fourmiller et me voir me creuser les méninges l'amusa.

-Je vais devenir bleu ? m'enquérais-je en dernier recours.

-Non.

Il s'esclaffa avant de repousser sa chaise et s'approcha de moi comme un prédateur s'approcherait de sa proie.

-Mais je retiens que c'est une des premières choses à laquelle tu penses lorsque tu es excité.

Saikens Où les histoires vivent. Découvrez maintenant