Chapitre 16

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 Après le dîner, Martin s'était laissé tomber sur son lit en poussant un long, très long, très très long soupire de soulagement. Il grogna un instant, gêné par la mollesse du matelas, avant de s'installer sur le ventre, la tête entre ses bras. Il ne désirait rien d'autre que dormir pour oublier cette maudite journée.

Le repas au réfectoire avait été un véritable calvaire pour un loup solitaire comme lui. Situé dans une grande salle tout près de la Commanderie, longue et recouverte de voûtes en plein cintre, il pouvait accueillir plus d'une centaine de personnes. Des douzaines de tables carrées sur lesquelles n'étaient dressés que quatre couverts, s'articulaient autour d'un buffet central. Martin, qui n'avait jamais vu autant de nourriture au même endroit, songea avec une moue écœurée que c'était un véritable gâchis. Il s'était servi une toute petite portion de choux et quelques pommes de terre, avant de s'installer aux côtés de Valentine – puisque visiblement, ils devaient fonctionner à quatre pour les dix années à venir ! Tu parles d'une joie !

- Et je peux savoir pourquoi on est relégués dans le fond de la salle ? avait-il demandé avec humeur.

- Toute cette partie est réservée aux Gardes, lui répondit Valentine en accompagnant la remarque d'un vague geste de la main. On a pas le droit de s'y installer.

- Enfin, ce n'est pas tout à fait une vraie règle, crut bon de préciser Étienne non sans cette pointe d'arrogance qui agaçait profondément Martin. C'est l'usage ! Les Aspirants n'ont rien à y faire ! Une question de respect !

- Je m'en serai douté, siffla Martin. Mais merci d'éclairer ma pauvre lanterne !

Il avait cherché du regard Yann Bellerin. Il avait brillé cependant par son absence, pour son plus grand désespoir.

Trop énervé pour dormir, Martin roula sur le dos, et contempla la petite ampoule qui pendouillait misérablement du plafond. L'image d'une Emma en larmes le hantait. Il ne pouvait s'empêcher de se sentir coupable. Il savait qu'auprès d'Ali, cette petite peste serait en sécurité, et que son vieil ami veillerait sur elle comme s'il s'agissait de sa propre fille, malgré tout... Martin avait le sentiment de la trahir.

« Tu fais ça pour elle, ne l'oublie pas ! » se rasséréna-t-il en fermant les yeux. « Pour pas qu'elle ait la même vie que toi ! Et c'est ce que t'as toujours voulu être ! T'as pas le droit d'abandonner maintenant, mon gars ! »

Un instant, il s'imagina portant fièrement son manteau noir orné de somptueuses broderies sur les épaules, faisant face à une Ombre gigantesque. Il se vit esquiver un coup de croc avant d'utiliser ses pouvoirs de glace pour la terrasser, et ce, sans la moindre difficulté.

« Capitaine Martin, songea-t-il non sans orgueil. Ça sonne bien ! » 


*


- DEBOUT LÀ-DEDANS !

Martin sursauta, s'emmêla entre les draps avant de bondir hors du lit. Ses pouvoirs s'éveillèrent et le recouvrirent de givre des pieds à la tête, dressant ses courtes mèches au-dessus de sa tête. Un instant perdu, il examina cette pièce qu'il ne reconnaissait pas, cherchant d'où pouvait provenir le danger. Lorsque la lumière se fit dans son esprit embrouillé, lorsqu'il comprit qu'il était bien à l'abri à l'Académie, il passa une main sur son visage fatigué. Non sans pousser un grognement, il se tourna vers une Valentine appuyée contre le chambranle de la porte, hilare.

- Et tu trouves ça drôle ? s'agaça Martin.

- Oh oui ! Je me rappelais que tu avais tendance à geler, mais pas à ce point là !

ALLÉGEANCE {Tome 1} Les Murmures du BastionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant