Chapitre 34

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  Martin déambula sans but le long des remparts, là où il venait s'entraîner chaque jour avec les autres Destructeurs. Dans l'obscurité, cet endroit qui lui était pourtant si familier avec quelque chose de chaotique et de cauchemardesque. Ça lui convenait : il trouvait sans doute un écho dans le remous des vagues qui s'écrasaient sur les roches à ses pieds.

Le chemin était assez étroit, on ne pouvait s'y tenir à deux de front. Il commençait aux pieds de l'escalier glissant qu'il empruntait tous les jours, et se terminait de l'autre côté de Bastion par une petite plate-forme où étaient amarrées une dizaine de barques. C'est là que Martin choisi finalement de s'asseoir. D'un œil absent, il observa les silhouettes sombres des canaux qui dansaient sur la mer agitée.

Il était frigorifié, et trempé par l'écume qui se brisait tout prêt de lui, mais qu'importe. C'était un maigre prix à payer pour ce qu'il venait de faire.

Il se prit la tête entre les mains, et s'agrippa la tignasse. Mais pourquoi fallait-il qu'il s'en prenne toujours à Hugo ? Il l'avait détesté dès le premier jour, sans même savoir ce qu'il lui reprochait véritablement si ce n'était sa naissance ! Il n'avait eu pour lui que tu mépris ! Et quand ils parvenaient enfin à s'entendre et se respecter, il fallait bien qu'il vienne encore tout gâcher !

« Ça doit être dans ma nature, songea-t-il amèrement. Après tout, mon Allégeance, c'est la Destruction ! »

Il avait en effet l'habitude de détruire. Il était même très doué pour ça !

Il inspira lentement, profitant de l'air marin pour essayer de mettre de l'ordre dans ses idées. Cette fois, il était allé trop loin. Et il ne pouvait pas prétendre qu'il ne savait rien de la famille d'Hugo ! Étienne l'avait d'ailleurs prévenu : « Tu crois quoi ? Il n'a pas de famille. »

Il avait sciemment appuyé là où il était certain de blesser Hugo, sans imaginer qu'il ait pu souffrir à ce point. Quelle arrogance de se croire plus malheureux parce qu'il venait des Bas Quartiers !

« Il vaut peut-être mieux ne pas connaître son père, se dit-il avec tristesse, plutôt que le découvrir meurtrier. » Il frémit. « Oh bon sang, Hugo ! Pourquoi ne m'as-tu rien dit ? »

Il n'eut pas cherché bien longtemps la réponse : parce qu'il n'était pas digne de confiance ! Comment le pourrait-il ?

Cette fois, des excuses ne suffiraient pas. Si la situation avait été inversée, lui-même ne les auraient certainement pas acceptées.

Un frisson plus violent que les autres le saisit. N'ayant plus vraiment le choix, il se résolut à retourner à la Garnison. Sur le chemin du retour à ce qu'il pourrait dire, ou faire, ne serait-ce que pour qu'Hugo accepte de l'écouter, mais rien ne venait, seulement un écrasant sentiment de culpabilité.

- T'es fier de toi ? pesta Valentine à peine eut-il franchi le seuil de leur petite collocation.

Martin soupira en accrochant son manteau à une patère libre. Il était tard, et il avait espéré, à cette heure-ci, ne croiser personne.

- Salut, Val', grogna-t-il en retour.

Valentine expira bruyamment, mais cette fois, elle ne se servit pas de ses pouvoirs pour le plaquer contre le mur et lui hurler qu'il n'était qu'un abruti fini. Elle se contenta d'un regard méprisant.

- Moi, à sa place, je t'aurai tué.

- Hugo t'as tout raconté ?

- Il n'a pas eu besoin de le faire ! Je suis télépathe, je te rappelle ! J'ai entendu ses pensées ! D'ailleurs je les entends encore !

ALLÉGEANCE {Tome 1} Les Murmures du BastionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant