ALLÉGEANCE {Tome 1} Les Murmures du Bastion

Chapitre 18

 La rage, au ventre, Martin martela le sac face à lui, sans se soucier de ce que ses camarades pourraient penser de ses petits cris de rage. Dans la salle de combat, une grande pièce circulaire avec pour seules ouvertures de fines meurtrières, il s'efforçait d'apprendre les rudiments du corps à corps. Il avait peut-être trois semaines de retard à rattraper, mais qu'importe ! Ça n'était qu'un détail ! Il n'était peut-être pas aussi intelligent qu'Étienne, ni aussi doué que Valentine ou Hugo pour la magie, mais il était certain d'avoir beaucoup plus de force qu'eux ! Lui, au moins, savait se battre ! Il songea, un sourire aux lèvres, qu'ici au moins, il avait toutes ses chances !

Ses poings, ses coudes, ses genoux et ses pieds heurtèrent violemment le sac de toile suspendu au plafond. Il y mettait toute sa colère, toute sa frustration dans ses coups, à s'en faire rougir la peau, jusqu'à ce que le souffle vienne à lui manquer et que la sueur perle à son front. Sa magie, au cœur de sa poitrine, grondait d'impatience. Elle voulait se manifester, briser le sac de sable, et Martin devait, en plus du reste, fournir de terribles efforts pour la contenir.

Durant toute la séance, il n'entendit plus que les bruits des coups, de frottement contre les sacs, des grognements et les respirations saccadées. Un instant sonné par la moiteur de la pièce et par l'effort qu'il avait fourni, Martin vacilla avant de s'asseoir à même le sol pour reprendre son souffle.

- Alors ? se moqua leur instructeur, déjà fatigué ? Faudra penser à manger un peu plus au déjeuner !

Il s'était présenté comme étant le Capitaine Vincent Drihem. C'était un échalas frisé aussi grand qu'il était maigre qui enseignait les arts du combat aux Aspirants. Son sourire souligné d'une barbe clairsemée inspirait à Martin beaucoup de sympathie, si bien qu'il ne se sentait pas offensé par sa remarque.

- J'ai pas l'habitude de me goinfrer ! répliqua-t-il avec un rire.

- Il faudra pourtant faire un effort ! Allez, rit-il en lui tendant la main pour l'aider à se relever. Montre-moi !

Avec une grimace, Martin la saisie avant de se hisser sur ses jambes. Après avoir pris une grande inspiration, il recommença à frapper la toile tendue de toutes ses forces. Vincent l'observa sous toutes les coutures, l'air inspiré, avant de lui ordonner d'arrêter.

- Ça ne sert à rien de t'épuiser. Tu as beaucoup de force et tu es plein de bonne volonté, mais il va falloir affiner la technique. Conserves le dos droit et rentre le ventre. Souffle quand tu frappes. Tu verras, tu seras bien plus efficace !

- C'est jamais suffisant pour vous, hein ? se vexa Martin, essoufflé.

Le Capitaine haussa un sourcil et sembla hésité un instant. Puis, il haussa les épaules avant de se placer à côté de lui pour lui montrer la position correcte.

- Premier jour, hein ?

- Ça se voit tant que ça ?

- Je sais que c'est très difficile ici, surtout quand on débarque avec quelques semaines de retard, admit-il. Mais il faut que tu te mettes dans le crâne que tu n'es pas là pour parader, mais pour protéger la ville des Ombres ! Les approximations, – il s'interrompit pour donner un puissant coup de pied dans le sac – les à peu près – un coup de coude – c'est la mort assurée !

Il acheva le pauvre sac de cuire d'un dernier uppercut qui fit trembler la chaîne. Martin fut alors bien obligé d'admettre que chacun de ses coups était portés avec bien plus de précision, de force et de vitesse que les siens.

- Et c'est avec les poings que je vais tuer une Ombre ?

- Crois-moi, un bout coup dans la mâchoire, ça peut te sauver la vie. Mais, tempéra le Capitaine Drihem d'un ton plus enjoué, ça n'était pas si mal pour une première fois ! Continue comme ça ! l'encouragea en allant conseiller un autre élève.