ALLÉGEANCE {Tome 1} Les Murmures du Bastion

Chapitre 17

 L'heure du déjeuner passée, et tandis qu'avec le soleil s'éveillait la ville, Martin sentit une sorte d'excitation le gagner. D'un pas plus léger, il suivit ses camarades jusqu'à un bâtiment résolument moderne, tout d'acier et de verre, décoré d'un cuivre rougeoyant. Il semblait avoir été posé au milieu de toutes ces vieilles pierres comme un cavalier blanc au milieu d'une armée de pièces noires, et en était si remarquable qu'il devait forcément être important.

« Ça doit être le centre d'entraînement ! » s'impatientait Martin qui n'avait qu'une hâte : montrer ce qu'il était capable de faire. Il sentait ses pouvoirs s'agiter et pour cause : ils avaient besoin de s'exprimer. Et c'était précisément pour ça qu'il était entré à l'Académie !

Sans poser la moindre question, il entra à la suite de Valentine. Et une immense déception le saisit tandis qu'elle découvrit l'atmosphère feutrée d'une... Oh, bon sang ! Il tomba des nues. Il aurait même pu littéralement s'écrouler sur le parquet brillant s'il ne s'était pas rattrapé à une petite étagère qui regorgeait de livres poussiéreux.

- Une bibliothèque ? s'étrangla-t-il. Mais qu'est-ce qu'on fiche dans une bibliothèque ?!

Quelques Aspirants et Gardes en uniformes confortablement installés autour de larges tables ou dans de petits fauteuils relevèrent le nez de leurs ouvrages, avant d'y replonger aussi sec. Composée de trois étages articulés autour d'un immense puits de lumière, elle avait une atmosphère à la fois studieuse et chaleureuse.

- Bienvenue aux Archives de Bois-aux-Roses, ricana Valentine.

Martin n'avait jamais mis les pieds dans une bibliothèque. Bien sûr, il savait lire, certes, mais il ne s'y adonnait jamais. Ce n'était qu'une perte de temps, et quand bien même il ouvrait un bouquin par curiosité, il ne le feuilletait pas plus de dix minutes. Au-delà, une terrible migraine lui vrillait les tympans et le clouait au lit pour le reste de la journée !

- Et je peux savoir ce qu'on fait ? railla-t-il. On va sérieusement passer la journée à... bouquiner ?

- Tu n'es plus à l'école, le brocarda Étienne sans se départir de son petit air supérieur. Au cas où tu l'ignorais, on a un examen dans quatre mois, deux semaines et cinq jours très précisément ! Il y a une épreuve pratique et une épreuve théorique à la fin de ta formation, et l'une compte autant que l'autre !

- Théorique ? siffla Martin. Et je vais théoriser quoi ? Comme je pourrais hypothétiquement tuer une Ombre avec une probable méthode que j'aurai peut-être trouvé dans un bouquin ?

Étienne leva les yeux au ciel.

- Connaître l'histoire de la Garde, ses grandes batailles, la manière dont notre cité a survécu tout ce temps et l'histoire des Anciens et tout aussi important que de savoir se servir de ses pouvoirs ! Si c'est pour jouer les soldats décérébrés, alors autant rejoindre la Milice !

Martin fronça du nez. Pour un Sorcier, il n'y avait pas de pire insulte ! Les Miliciens, chargés de maintenir l'ordre au sein de Bois-aux-Roses, haïssaient ceux qui étaient nés avec des dons parce qu'ils les tenaient pour responsables de l'apparition des Ombres !

- Et... eux, c'est qui ? hésita-t-il en désignant tout un groupe installé autour d'une grande table. Je pensais que ça ne se « faisait pas » de se promener avec ses vêtements civils ?

- Ce sont pas des Gardes, sourit Valentine. Ils font partit du Collège. Ce sont les seuls à être autorisés à venir travailler ici !

Leurs regards glissèrent sur Étienne qui marchait devant. Ils pouffèrent. Les membres du Collège étaient réputés pour être des érudits dont l'arrogance n'avait d'égal que leur arrogance ! Pas de doute, il y aurait toute sa place !