Chapitre 33

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 Cette nuit-là, Martin fit un horrible cauchemar. Il avait pourtant commencé par un rêve très doux, où il retrouvait sa mère au détour d'un couloir. Il s'apprêtait à se jeter dans ses bras quand soudain, une Ombre, surgie de nulle part, l'avala d'un claquement de mâchoire. Après quoi, l'atroce créature prit la fuite, et Martin se lança à sa poursuite sans jamais pouvoir la rattraper.

L'Ombre, pour lui échapper, traversa une porte sans même l'ouvrir. Après avoir hésité un instant, Martin l'enfonça d'un coup d'épaule. Non sans surprise, il découvrit que se cachait derrière l'appartement de son enfance.

Il y trouva sa mère, bien vivante, et visiblement enceinte. Elle était pareille à ses souvenirs, mais la beauté simple de ses grands yeux sombres était gâchée par des larmes amères. Elle sanglotait sans la moindre dignité, et s'accrochait aux jambes d'un homme dans un superbe costume.

- Ne t'en va pas, je t'en supplies ! pleurait-elle. J'ai besoin de toi, Ben' !

D'un geste vif, « Ben' » l'obligea à le lâcher et quitta la pièce sans prononcer le moindre mot. Martin sentit son cœur se serrer. Perdu entre colère et tristesse, il voulut se précipiter à son chevet pour la prendre dans ses bras et murmurer qu'il était là, qu'il ne la quitterait jamais, qu'ils n'avaient pas besoin de lui tant qu'ils seraient ensemble... mais son corps refusait de lui obéir.

Milo apparut à ses côtés. Avec un sourire malfaisant, il souffla insidieusement :

- Tu vois ? Il vous a laissé tomber. Ce n'était qu'un lâche. Et c'est ce que tu es aussi, Froissard. Tu n'es qu'un lâche...

Il se leva en sursaut et chercha du regard le corps prostré de sa mère. Lorsqu'il réalisa que ce n'était qu'un songe, qu'elle n'était pas là, qu'elle ne le serait plus jamais, il expira difficilement en se prenant la tête entre les mains, les larmes aux yeux.

« Arrête ça ! » s'agaça son subconscient. « T'as pas le temps pou ça. Ressaisis-toi ! »

La mine défaite et les épaules basses, il se traîna hors de son lit pour s'habiller avec des gestes mécaniques. Il aurait aimé se recoucher, et jubjoter jusqu'à la rejoindre dans un univers qui n'appartenait qu'à lui. Mais ce n'était pas le genre de la maison. Le Bastion n'aimait pas les tire-aux-flancs. Et quand bien même, il refusait de faire ce cadeau aux frères Allard !

« Allez, Wilson ! Du nerf ! »

D'un pas lent, il gagna le salon le premier, où il attendit à ses camarades. Hugo fut le premier à le rejoindre.

- Ça ne va pas ? hésita-t-il.

Il n'avait bien sûr pas manqué de remarquer les énormes cernes qui creusaient son visage. Martin, piqué dans son orgueil, lui répondit un peu sèchement :

- Si ! Merci ! Tout va très bien !

Hugo se le tint pour dit et avait eu le bon ton de ne pas insister. D'ailleurs, il ne lui adressa plus la parole de la journée, contrairement à Valentine qui essaya par tous les moyens de le dérider – sans succès. Un peu vexée qu'il ne veuille ni faire la course avec elle, ni répondre à ses blagues, elle décida de bouder durant toute la fin de matinée. Étienne, lui, se contenta d'une tape compatissante dans son dos.

- Ça ira mieux dans quelques jours ! La télépathie ça laisse toujours des traces !

Martin y avait répondu par un haussement d'épaules peu convaincu. Ce n'était pas la télépathie le problème, quand bien même il avait l'impression qu'un pivert était en train de lui marteler l'intérieur du crâne. Le problème, c'était tout ce qu'Milo avait eut le temps de déterrer avant que Valentine ne le déloge de sa tête !

ALLÉGEANCE {Tome 1} Les Murmures du BastionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant