Chapitre 12

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 Le soleil déclinait lentement, créant des reflets flamboyants sur toute la ville, lui donnant ainsi, un aspect presque irréel. Apaisé, Martin observa le scintillement des vitres tandis qu'il retournait vers son appartement d'un pas lent, tenant fermement la main d'Emma dans la sienne. Ce soir, même les épouvantables blocs qui s'entassaient les uns derrière les autres, semblaient accueillants.

Emma jouait paresseusement avec le pliage du Major Bellerin. L'oiseau de papier semblait éreinté, lui aussi. Visiblement, plus on le sollicitait et plus il s'épuisait. « Tant mieux, songea Martin. Au moins je n'aurai pas la tentation de changer d'avis ! »

- T'es qu'un gros nul, Martin ! lâcha soudain Emma.

- Tiens donc ? ricana l'intéressé. Et pourquoi ça ?

- Parce qu'il faut être un sacré gros nul pour abandonner ses rêves !

- Alors comme ça tu nous espionnais ?

La petite fille se mordit la lèvre inférieure, boudeuse. Martin leva les yeux au ciel. Décidément avec elle, rien n'était jamais simple !

- Et depuis quand tu écoutes aux portes ?

- T'es qu'un gros nul, c'est tout.

- Et toi t'es qu'une sale petite ingrate ! Tu sais que c'est pour toi que j'ai dis « non » à la Garde ?

- C'est pour ça que t'es trop nul, soupira Emma.

Martin refréna sa colère. Il avait fini par comprendre qu'avec une tête de mule pareille, crier ne servait à rien. Emma était bien trop intelligente pour se laisser impressionnée par des cris. Et puis, elle en avait vu d'autres !

Il avait vite compris qu'il fallait plutôt jouer au plus malin...

- T'aurais préféré que je t'abandonne ?

- Non, bouda la petite en croisant ostensiblement les bras contre sa frêle poitrine.

- On s'est fait une promesse, Emma, non ? Je t'avais promis que je reviendrais et c'est que j'ai fais ! Alors il est où le problème ?

La lèvre inférieure de la petite tremblota. L'oiseau de papier, qu'elle tenait avec précautions, pencha la tête sur le côté, plein de reproche. Martin haussa un sourcil impérieux. « Toi, se jura-t-il, tu finiras en allume-feu ! »

- Je veux pas que tu abandonnes ton rêve à cause de moi...

Le problème était donc là. Martin leva de nouveau les yeux ciel. Pourquoi fallait-il toujours que les choses soient compliquées dans la tête de cette gamine ? Ne pouvait-elle pas se préoccuper de ses poupées, comme toutes les autres petites filles de son âge ? Et d'ailleurs, qu'est-ce qu'elle avait contre les poupées ? Martin lui en avait offert deux avec son maigre salaire et c'était à peine si elle y avait touché !

- Sois pas triste pour moi, soupira-t-il. J'avais le choix, tu sais ? J'avais le choix et je t'ai choisie, toi, et pas la Garde !

Un silence passa entre eux. Gênée, Emma cacha son visage derrière ses longues boucles rousses. Taquin, le plus âgé s'arrêta de marcher, et lui pinça la joue.

- T'es émue, avoue-le.

- Nan.

- Oh ! Si ! Tu l'es ! Et tu sais ce que tu es aussi ? Une sale petite peste ! Et tu sais ce qu'on fait aux petites pestes ?

- NON ARRÊTE ! gloussa Emma en essayant de se soustraire à ses chatouilles. ARRÊTE MARTIN ! ESPÈCE DE GROS NUL !

Ce fut alors dans des éclats de rire que l'improbable duo reprit sa route jusqu'à leur minuscule appartement. Épuisée de s'être tourmentée toute la journée, Emma se coucha immédiatement.

ALLÉGEANCE {Tome 1} Les Murmures du BastionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant