Chapitre 41

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La semaine qui précéda l'examen fut la plus intense que Martin ait connu. Son ultime semaine d'étude le laissa exsangue et épuisé, mais au moins, ses longues heures de travail l'empêchèrent de trop s'inquiéter. Il ne pouvait pas prétendre véritablement serein mais le soir, il s'endormait rapidement. 

     L'échéance du duel occupait le moindre de leur temps libre et même, la moindre de leurs pensées. Hugo qui prenait son rôle de Capitaine très à cœur, passait ses soirées à élaborer tout un tas de stratégies pour parer à toute éventualité. Un soir, Martin l'avait même retrouvé endormi sur ses schémas. Il l'avait réveillé doucement et l'avait raccompagné jusque dans sa chambre sans même songer à s'en moquer.

     Valentine et lui répétèrent les mêmes gestes durant des heures jusqu'à ce que le soleil ne se couche totalement, et parfois même au-delà. Elle était devenue plus redoutable que jamais : il ne lui suffisait que d'un moulinet du poignet pour écraser deux énormes cailloux l'un contre l'autre et les réduire en poussière ! 

     Étienne, quant à lui, avait enfin cessé de fanfaronner. Il était étrangement silencieux, et s'isolait dans sa chambre pour étudier de vieux volumes sur l'Allégeance de Guérison. Parfois, Martin se surprenait à regretter son baratin quotidien. Il n'aurait jamais cru que ses jérémiades lui manqueraient ! 

     Enfin, vint le jour fatidique. Les mains tremblantes, Martin essayait de nouer tant bien que mal la cravate réglementaire qu'il était tenu de porter lors des cérémonies officielles. Mais malgré tous ses efforts, il était incapable de la conservée droite. Par dépit, il la coinça entre les deux pans de ce manteau qui faisait la fierté de tous les Gardes. Machinalement, il vérifia que ses boutons de manchette étaient correctement attachés, et que son col était correctement amidonné. Puis il se regarda une dernière fois dans le miroir, avant de soupirer. 

     Il se trouvait ridicule. 

- Tu veux de l'aide, peut-être ?

     Hugo était apparu sur le seuil de la porte, un sourire moqueur au coin des lèvres. Un instant, Martin jalousa ses traits parfaits et chaque mèche correctement placée dans un superbe effet faussement décoiffé. Martin, en détaillant sa tenue, se dit que la vie militaire lui allait bien. Hugo était en effet un exemple de rectitude : jamais une poussière sur ses épaulettes, jamais une tache sur ses chemises ni même un faux-pli sur ses pantalons. Un véritable modèle du genre. Martin, au contraire, faisait peu de cas de ce genre de détails, et ses professeurs lui avaient parfois reproché sa tenue débraillée. 

- C'est vraiment un truc de Haute-Ville les cravates, grogna Martin pour toute réponse. On a pas besoin de ces trucs-là dans les Bas-Quartiers !

     Hugo leva les yeux au ciel et s'avança jusqu'à lui. Sans même lui demander la permission, il déboutonna son manteau et prit le morceau de soie entre ses longs doigts. 

- Non mais franchement, quel est l'intérêt ? insista Martin tandis qu'Hugo dénouait son nœud maladroit pour le refaire. À par perdre un temps fou à la mettre ?

- Une certaine idée de l'élégance je suppose, répondit son ami en remontant le col de sa chemise pour positionner correctement le bout de tissu. Arrête de bouger s'il te plaît.

     Avec des gestes très précis, Hugo croisant les deux pans, avant de prendre chaque extrémité dans une main, de ramener la bande la plus large vers la gauche, puis de faire une boucle, d'enrouler les deux bouts de tissus et de serrer le nœud. Ils étaient si proches que Martin pouvait deviner la chaleur de son corps alors même qu'ils ne se touchaient pas. Hugo le dominait d'une bonne dizaine de centimètres si bien qu'il était obligé de lever les yeux pour pouvoir admirer son expression concentrée. 

ALLÉGEANCE {Tome 1} Les Murmures du BastionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant