Chapitre 39

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 Les bottes des Cadets crissèrent désagréablement sur le gravier. Il pleuvait, ce matin-là. Une bruine fine et légère qui agaçait sans réellement mouiller. Et pour ne rien arranger, la nuit avait été particulièrement courte, ponctuée par une alerte qui avait réveillé tout le monde en sursaut. Des Ombres avaient été repérées dans les environs, mais le Commandant Jaubert n'avait pas jugé utile de les convoquer. Martin, qui manquait cruellement de sommeil, lui en était particulièrement reconnaissant. En tout cas, c'était probablement la conjonction de tous ces événements qui expliquait la si mauvaise humeur d'Étienne.

- Pour la sixième fois de la matinée, je suis désolé ! s'agaça Martin avec de grands gestes. Qu'est-ce qu'il te faut de plus ?

- Deuxième, éructa l'intéressé d'une voix blanche sans même le regarder. Jamais de ma vie je n'ai été deuxième. Jamais.

Martin leva les yeux au ciel et fourra les mains dans ses poches. Il souffla bruyamment et accéléra le pas pour distancer son camarade, rentrant machinalement la tête entre ses épaules pour se protéger du crachin désagréable.

- Je ne vois aucune raison valable pour que tu fasses la tête, remarqua Hugo qui fermait la marche. Le Major Bellerin ne nous a fait que des compliments !

- Je n'ai jamais été deuxième de ma vie, répéta Étienne comme si ce simple fait pouvait annuler tout le reste. Jamais. Pas une seule fois. J'ai toujours été le meilleur en tout. Et je suis deuxième.

- « Nous » sommes deuxièmes ! releva Hugo avec humeur. C'était un travail d'équipe !

- C'est bien le problème, siffla Étienne en fusillant Martin du regard. « On » est deuxième !

Martin serra les dents. Il devait se faire violence pour se rappeler qu'Étienne était un ami avant tout. Un ami auquel il avait parfois envie de tordre le cou !

- Qu'est-ce que tu peux être rabat-joie ! pesta Valentine en le bousculant d'un coup d'épaule. Qu'est-ce que ça peut faire qu'on soit premier ou deuxième ? On a été reçus Cadets, c'est tout ce qui compte, non ?

- Mais nous sommes arrivés deuxième au classement !

Martin poussant un grognement de frustration, et refréna ses pouvoirs qui auraient été ravis de le faire taire une bonne fois pour toutes ! Par les Ancêtres, il ne comprenait pas sa colère ! Il avait toutes les raisons d'être heureux !

Trois semaines s'étaient écoulées depuis leur nuit à Erythrée. C'était là-bas qu'ils avaient été reçus « Cadets », sous les applaudissements des officiers en faction. Martin avait bondé le torse, ému à l'idée d'être sur le point réaliser son rêve.

En dépit d'une charge de travail importante, tout allait bien dans le meilleur des mondes possible. Du moins jusqu'à ce matin. Quelqu'un avait jugé bon de glisser un pli sous le pas de leur porte. En l'ouvrant, Valentine poussé un cri de joie en lisant la lettre du Major Bellerin.

- « Votre solde, en tant que Cadets, s'élève désormais à 630 unités par mois », avait-elle énoncé en sautillant sur place. Mais c'est génial ! Il faut absolument que j'écrive à mes parents pour les prévenir !

- Et c'est quoi la suite ? avait demandé Martin.

Comme il regrettait désormais d'avoir posé la question ! La suite contenait le résultat de leurs examens écrits et des observations quant à leur épreuve de terrain. S'ils avaient globalement réussi la théorie et la pratique, le Major Bellerin avait néanmoins émit quelques réserves quant à la tactique d'Hugo jugée « assez risquée, quand bien même je ne peux que saluer le résultat. » A priori donc, aucune raison de se plaindre.

ALLÉGEANCE {Tome 1} Les Murmures du BastionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant