Chapitre 43

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La cérémonie qui devait clôturer le parcours des étudiants se tenait traditionnellement dans le grand réfectoire, décoré pour l'occasion par des tentures bleu-nuit rehaussées de fil d'or. Les cuisiniers s'étaient affairés toute la journée pour proposer à leurs convives un dîner de fête ! Il n'y avait jamais eut autant de viandes, ni même de plats différents – Martin douta de pouvoir tous les goûter tant il y en avait ! Si l'alcool n'était techniquement pas prohibé au sein du Bastion, on n'en servait pas au dîner, et les beuveries étaient assez sévèrement réprimandées pour calmer les ardeurs des plus fêtards. Mais à circonstance exceptionnelle, boisson d'exception, et Martin fixa avec envie les cruches remplies d'un vin blanc sucré produit dans les environs de Grand'Chêne. S'il s'écoutait, il se servirait immédiatement un verre ! 

    Tout le Bastion s'était tassé dans cette pièce qui lui sembla soudain bien petite. La foule avait naturellement formé une haie d'honneur que devaient traverser les lauréats, par équipes. Une seule d'ailleurs – la première, dirigé par Ornella – avait échouée. Pour tromper l'ennui, tous devisaient joyeusement, et la rumeur des conversations s'était très vite transformée un vacarme assourdissant. 

- Qu'est-ce qu'ils fichent ? soupira Martin qui commençait sérieusement à avoir mal à la tête – il ignorait cependant si c'était dû à l'intrusion de Milo ou à la cacophonie ambiante. Il lui faut combien de temps au Général pour écrire son discours ?

- Il essaie sans doute de se montrer inspirant, sourit Hugo. Il faut bien qu'il justifie sa fonction de temps à autre. L'exercice du pouvoir c'est pas facile tous les jours, tu sais ? 

    Martin ricana. Les ayant côtoyés durant toute son enfance, Hugo était parfois bien plus cynique que lui envers les gens de Haute-Ville et ceux qui gravitaient autour du Roi ! 

- Quelle impatience ! se moqua Valentine. Quoi, t'es si pressé de boire ?

- Et moi j'ai surtout faim, affirma Étienne.

Son ventre eut la bonne idée de se manifester bruyamment à cet instant précis. 

- Quel estomac sur patte ! s'esclaffa Valentine. 

    Les portes qui s'ouvrirent brusquement mirent un terme à la dispute qui allait immanquablement survenir. L'état-major du Bastion, le Général Raphaël Lanteigne en tête, fendit la foule qui les salua d'une même voix. Ils prirent place sur une estrade installée à cet effet où ils furent rejoins par leurs professeurs et par leur responsable, le Major Yann Bellerin. À voir le Général ainsi, droit comme un I, dépassant d'une bonne tête les Commandants qui s'étaient au contraire mis à l'aise, Martin ne pu s'empêcher de penser qu'Hugo avait en parti raison : cet homme aimait se donner de l'importance. 

    Il les assomma d'un discours particulièrement long et sans le moindre intérêt, qui donna à Martin l'irrépressible envie de se jeter par la fenêtre. Après quoi, avec une grimace, le Major Bellerin se releva en prenant appuie sur sa canne. Il leur adressa un clin d'œil complice avant de se racler la gorge.

- Que les Cadets s'avancent !

    D'un même pas, ils remontèrent la longue allée qui les séparaient de leurs supérieurs. Des applaudissements nourris accompagnèrent leur lente procession, mais Martin n'y fit pas vraiment attention. Le sang bourdonnait à ses oreilles et il avait la désagréable sensation qu'on lui maintenait la tête sous l'eau. Il suffoquait. 

    Il était sur le point de réaliser son rêve et étrangement, cette éventualité le terrifiait. 

     Son pas devait être très raide. Il essayait de calquer sa cadence sur celle d'Hugo pour ne pas avoir l'air plus ridicule qu'il ne l'était déjà. Il aperçut le sourire encouragea d'Azzeddine au milieu de la foule et essaya de lui répondre, les dents grinçantes.

ALLÉGEANCE {Tome 1} Les Murmures du BastionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant