Chapitre 32

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 Il fallait croire qu'Hugo avait vu juste. Dès le lendemain, Martin sentit qu'on le regardait différemment. Les autres Aspirants furent d'abord surpris, puis envieux, avant de se montrer carrément hostiles. On murmurait sur leur passage qu'ils ne le méritaient pas, que c'était l'apanage des Gardes, et que, s'ils avaient un peu d'honneur, ils les rendraient au lieu de les porter fièrement !

Martin n'était pas dupe. En réalité, ils commençaient tout simplement à avoir peur. Le Bastion n'était réservé qu'aux meilleurs, c'était à eux de s'en montrer dignes ! Ils étaient devenus de sérieux concurrents. Il avait suffit pour ça qu'il couse une petite flamme d'argent sur son torse. Tant mieux ! Au moins, il avait gagné leur respect. Pour la première fois depuis longtemps, il se sentait plein de certitudes. Et ça lui plaisait.

- Tu boudes, Froissard ? sourit Valentine en se penchant vers lui.

- Je n'ai pas perdu, répondit Martin d'une voix sèche. C'est toi qui a triché !

- Dis plutôt que tu es un mauvais perdant ! C'est surtout toi qui ne connais pas les règles d'un duel !

Martin leva les yeux au ciel. Tous les soirs, pour se préparer aux examens qui approchaient, ils se livraient tous les deux à une vieille tradition de la Garde : le duel entre Sorciers. La règle en était très simple : il fallait, à l'aide de ses pouvoirs uniquement, repousser son adversaire derrière une ligne tracée dans le sable.

Et pour la quatrième fois consécutive, Martin s'était retrouvé derrière sa ligne.

- Tu m'as projeté du sable dans les yeux, s'insurgea-t-il justement. Alors oui ! Excuse-moi d'être un poil mauvais perdant !

Le gravier crissait sous leurs bottes tandis qu'ils s'avançaient d'un pas décidé vers le réfectoire où Hugo et Étienne les attendaient. Martin frissonna. Avec le soir était tombé le froid de la nuit. Pas de doute, il n'enviait pas les équipes qui se préparaient déjà à patrouiller dans les environs – quand bien même il se mourrait d'impatience de chasser les Ombres à leurs côtés.

- Ah, oui ! badina Valentine. Mais je l'ai fait en utilisant mes pouvoirs ! C'est là où est toute la nuance, mon petit Froissard : si je le fais avec mes pouvoirs j'en ai tout à fait le droit !

- Je serais curieux de voir ce qu'Étienne en pense, protesta Martin. Lui qui connaît tout sur tout, je suis sûr qu'il aura appris les règles par cœur !

Valentine gloussa, avant de passer la main dans ses cheveux, le menton relevé, dans une parfaite imitation de leur camarade Guérisseur.

- « Évidemment que je le sais, » mima-t-elle, « pour qui est-ce que tu me prends Froissard ?! Je sais toutes les règles de tous les jeux par cœur ! Je te rappelle que je suis un génie qui est capable de ressusciter les morts ! Il est évident que je serai le prochain Général du Bastion ! »

Martin pouffa d'une manière peu glorieuse, puis lui donna un coup de coude.

- S'il t'entendait !

Ils n'étaient plus qu'à quelques mètres du grand réfectoire d'où s'échappaient des odeurs particulièrement alléchantes quand soudain, deux silhouettes leur barrèrent la route. Martin fronça les sourcils. L'un était petit, l'autre immense... Il n'eut aucun mal à reconnaître les frères Milo et Clément Allard. Et ils n'avaient pas l'air enclin à éviter la confrontation.

- Ne pose pas de questions, Val', et suspends-les par les pieds ! souffla Martin en serrant les poings. On sait jamais, ça peut aider à leur irriguer la cervelle !

Valentine n'eut pas le loisir de lui répondre. Clément et Milo venaient déjà à leur rencontre.

- Alors c'était vrai, siffla la brute immense.

ALLÉGEANCE {Tome 1} Les Murmures du BastionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant