⊱𐄚⋞✺⋟𐄚⊰
Résumé: Au cours d'une mission de routine consistant à raser un village de dissidents, le chef de la troupe de mille mercenaires est assassiné par Jun sous l'impulsion d'un chef de clan du nom de Sym alors que tous deux faisaient eux-mêmes partie de la Compagnie. Nous retrouvons nos héros mercenaires sur le champ de bataille où Malkis, stratège aveugle, ne sait encore rien du sort du Chef Yvor.
S'il y avait bien une bonne chose dans le fait d'être aveugle, c'était de ne pas avoir à garder en mémoire les amoncellements de corps recouvrant le champ de bataille. Malkis avait cependant une excellente ouïe, et il ne pouvait échapper aux gémissements plaintifs des blessés que l'on achevait, tous ces pauvres paysans qui comprenaient soudain qu'ils allaient mourir.
« Vos hommes sont assez efficaces, admit le Seigneur du Pont qui semblait d'excellente humeur.
—Cela fait trop longtemps que nous n'avions pas pris un bon bain de sang. Cela avec de l'or en prime, c'est certain que vous leur avez offert le paradis, Seigneur.
—Bien, tout le monde s'y retrouve alors. Je vous laisse terminer le travail.
—Mon ouïe me trompe peut-être, mais il me semble que la bataille est terminée, que voulez-vous de plus ?
—Le village, les fuyards, femmes et enfants. Eliminez-les jusqu'au dernier, et rasez le village par la même occasion. Je vous retrouve au château pour votre prime. »
Sur un soupir imperceptible, Malkis envoya le signal que tous les hommes attendaient. Une partie d'entre eux défoncèrent la barricade à coups d'épées et de hache pour envahir le village en flamme, tandis que d'autres s'engouffrèrent dans la forêt de pins à la recherche des survivants. La nuit fut tout aussi sanglante que le jours précédent, les cris perçaient de temps à autre le silence nocturne et le village ne devint bientôt plus qu'un brasier immense.
« Où est le Chef ? Demanda Malkis à l'un des deux mercenaires qui l'accompagnaient. Il va être temps de mettre fin à ce gâchis, ils ont eu leur compte.
—Aucune idée, je croyais qu'il était avec le Seigneur du Pont, moi.
—C'est pas bon signe, ordonnez à tous les hommes que vous voyez de le rechercher.
—Inutile, voilà Jun.
—Avec Yvor ?
—Non, seul. »
Jun sortait de la forêt, littéralement couvert de sang, suivi de près par sa chienne Mithra.
« C'est un vrai bordel à l'intérieur, vous savez pas ce que vous ratez, dit-il avec un large sourire.
—Où est le Vieux, Jun ? Me dis pas que tu l'as largué dans la forêt ?
—Je l'ai perdu pendant la bataille, il a dû se faire saigner depuis le temps »
La désinvolture de Jun avait toujours eu le don d'exaspérer Malkis, mais cette fois le problème était d'une toute autre envergure.
« Mais qu'est ce que tu fais planté là ? Vous tous, trouvez-le au plus vite ! »
Jun prit un air de lassitude en voyant les autres courir dans tous les sens.
Ils se dispersèrent dans tout le périmètre, mais il ne fallut pas longtemps pour retrouver le corps sans tête du chef. Le Conseil vint se rassembler autour de la dépouille. Tous avaient la mine sombre.
« Je déteste les élections. Confia l'un des conseillers en posant la tête inanimée sur le cou du mort dans une tentative de lui donner une apparence plus convenable.
—Celle-là sera encore plus sanglante que la précédente, prédit le statisticien. Il y a plus de clans que jamais, plus de rivalités aussi.
—Vous vous rappelez de l'histoire du prétendant qui a arraché la gorge d'un autre avec les dents ? J'étais là, une vraie boucherie.
—Oui, j'avais voté pour lui. Malheureusement j'avais misé sur le mauvais cheval.
—Il avait un nom étrange, celui qui l'avait tué... Jartack... Jatrack... Enfin bref, il a mal fini lui aussi.
—Beaucoup de choses sont admises pendant les élections, mais l'empoisonnement... quelle lâcheté !
—Oui et puis c'était mal fait, il a souffert des jours entiers, je n'arrivais plus à dormir avec ses hurlements... »
Malkis ne dissimulait plus son exaspération, il n'avait pas dit un mot jusque-là, et malgré toutes ses réflexions, il n'était parvenu qu'à un seul et unique constat inéluctable : ils étaient dans la merde.
« Il n'y aura pas d'élections, les interrompit-il brusquement.
—D'où est-ce que tu sors ça ?
—Décrivez-moi tout ça, comment est la plaie ?
—Nette, la lame a tranché la chair comme dans du beurre.
—A quelle distance somme-nous du champ de bataille ?
—Plus de deux-cents mètres. Quelle importance ?
—C'est évident, le coup est trop bien porté pour être celui d'un paysan, sans compter ils ne pensaient qu'à sauver leur peau pendant la bataille, aucun n'aurait poursuivi le Chef dans l'unique but de lui trancher la tête. C'est un des nôtres qui a fait ça. Ce qui veut dire...
—Ce qui veut dire que nous avons affaire à une mutinerie. », acheva le statisticien.
Un silence plana sur le Conseil. Ils finirent par enterrer le vieil homme au pied de l'arbre. Malkis prononça vaguement les rites de la compagnie, prit l'épée brisée qui gisait à ses côtés et la planta à la verticale tel que la coutume le voulait. Le Soleil se levait sur ce piètre spectacle. Du chef il ne demeurait plus qu'un journal qu'il semblait avoir porté sur lui toute sa vie. Malkis le garda précieusement, se promettant de se le faire lire pour faire honneur à la mémoire du héros déchu.
⊱𐄚⋞✺⋟𐄚⊰
VOUS LISEZ
Les Contes Sanglants du Royaume Pourpre
FantasyDans le Royaume Pourpre, il n'y a pas de Bien ni de Mal. Oubliez toute moralité, tout sens de l'honneur. Asseyez-vous, et en dieu omniscient observez la masse informe des créatures qui vivent et meurent dans la poussière.