Chapitre XLIV: Pour le Prince

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Résumé: dans les ruines de la Citadelle, Aethis, jeune homme errant, rencontre une fillette étrange. Elle contrôle une bête ailée qui emporte les survivants Proscrits habitant la régions. Un jour, des soldats viennent effectuer une expédition punitive sur la Citadelle. La bête est tuée, et la fillette du nom de Lys se révèle être la promise d'Aethis, du temps où ils appartenaient tous deux à des familles puissantes. Aethis se lie également d'amitié avec des Proscrits, rejetés du Royaume. Un soir, la Garde envahit la Citadelle dans le but d'enlever Aethis, l'héritier du Trône.

On frappait violemment à la porte des Proscrits. L'angoisse croissait à mesure des battements frénétiques. Tous sondaient du regard la pièce pour y trouver un refuge quelconque. Tek s'élança vers une fenêtre minuscule donnant sur l'arrière-cour, mais le Capitaine l'attrapa brusquement par le col.

« Pas par-là, idiot ! »

Des torches illuminèrent l'extérieur à l'exact endroit où voulait s'échapper le Proscrit. Ils étaient cernés. Aethis fut le plus rapide, il plongea sous un lit. Les coups se firent plus violents. On enfonçait la porte. Salem, lui, se glissa derrière un pan de mur en ruine, juste à la droite du garçon. Les autres se fondirent dans les ténèbres dans les recoins de la caserne. Leurs épées mal aiguisées étaient pressées contre leurs corps vibrants d'angoisse.

Le silence tomba. Seuls les craquements de la porte barricadée troublaient l'attente maladive des Proscrits. Une rumeur sourde grandissait là-dehors. Ils étaient nombreux. Aethis retenait sa respiration de peur qu'elle ne le trahisse, mais ses poumons étaient pris d'une frénésie incontrôlable. Tout le lit tremblait des battements de son cœur. Aethis croisa le regard de Salem, entre deux planches. Il avait fixé la fenêtre donnant sur la cour. Les torches s'étaient éteintes, là-dehors. Salem hésitait à foncer vers la fenêtre pour gagner sa liberté. Aethis l'y fit renoncer d'un mouvement de la tête. C'était trop risqué. Au moment où Salem prenait son souffle pour s'élancer, la porte sauta de ses gonds et le battant s'écrasa par terre.

Des dizaines de jambes blindées de fer apparurent dans le champ de vision d'Aethis. La clarté des flammes lui brûla les yeux un instant. Les Gardes Royaux ne parlaient pas. Ils étaient neuf, peut-être même dix, s'avançant avec assurance dans la pièce. Pour la première fois de sa vie, Aethis se prit à prier. Mais au fond, il savait que cela ne le sauverait pas. Sa lame était prête.

L'idée même de violence lui donnait déjà la nausée.

Par chance, les Proscrits connaissant par cœur cet endroit dans lequel ils avaient vécu durant des années, ils avaient su instinctivement quelle cachette était plus à même de sauver leur peau. Les gardes quittèrent un à un la caserne, visiblement lassés de ces recherches.

« Il n'y a rien ici, passons à la suivante.

—Utilise ta cervelle, crétin. Ils étaient en train de faire une partie de carte, tu vois pas ?

—Ils ont dû sauter par la fenêtre avant qu'on ne rentre. »

L'autre ne répondit pas. Il arpenta la pièce un court instant. Le son d'une lame glissant le long de son fourreau de fit entendre.

Soudain, l'épée perça les draps au-dessus d'Aethis. La pointe heurta le dallage à moins d'un centimètre de son crâne. Il étouffa un cri.

« Ha ! Ha ! », s'écria le garde qui avait entendu.

La lame fut aspirée vers le haut. Aethis était paralysé de terreur. Le lit se souleva brusquement. Le garçon se retrouva à découvert sous les silhouettes imposantes des Gardes Royaux. Ils eurent un instant de surprise.

« Idiot ! T'as failli le tuer ! C'est lui ! »

L'homme tendit la main pour l'entraîner. Sans réfléchir, Salem bondit hors de sa cachette, renversant le garde. Le Proscrit écrasa le pommeau de son épée sur le visage émergeant du casque. L'autre garde dégaina son arme.

« Salem, non ! », cria le garçon.

Trop tard. La lame plongea entre les omoplates de son ami. Il y eut un instant de flottement où Salem resta figé. Son épée ébréchée tinta contre le sol. Lentement, le Proscrit s'affaissa sur le côté. Un unique souffle jaillit de ses lèvres alors qu'il s'écrasait au sol.

« A moi ! Il est là, c'est l'héritier ! »

L'appel du garde résonna sans parvenir au cerveau d'Aethis. Le garçon se tenait debout, paralysé. Les autres Proscrits se jetèrent sur le meurtrier. Dans leur rage, ils le rouèrent de coup. Lorsqu'il fut à terre, ils le percèrent de leurs épées à maintes reprises jusqu'à ce qu'il ne reste de lui qu'un amas de chair sanguinolente.

« Aethis ! Aethis écoutes-moi ! »

Le Capitaine le secouait par l'épaule.

« Tu dois t'en aller, Aethis ! Sors d'ici !

—Je... Je ne peux pas... Ils vont venir vous tuer... »

Le Capitaine le fixa avec résignation. Il n'avait plus son bandeau, et il exhibait sa Marque avec fierté.

« Je sais qui tu es maintenant. Tu as un destin, pas nous. Notre seul rôle ici et maintenant, c'est de te défendre, petit. »

Aethis réprima un sanglot. Le Capitaine ne lui laissa pas une seconde de répit. Lui-même se sentait laisser aller à l'émotion. Il le poussa jusqu'à la petite fenêtre et le força à l'enjamber.

« J'aurais aimé que vous soyez mon père, ser. »

Le Capitaine sourit avec difficulté.

« Et je t'ai aimé comme un lointain fils. Va-t'en, Aethis. »

Le Proscrit eut un instant d'espoir. Il se dit qu'il pouvait partir, lui aussi, avec ses hommes. Le garçon disparut dans les ténèbres à l'instant même où les gardes envahirent les lieux.

Sans diversion, Aethis ne s'en sortait pas. Il fallait faire face. Les trois Proscrits se tinrent prêts. La colère les rendait terrifiants et leur acier brûlait d'impatience.

Leurs adversaires vinrent les uns après les autres. Il y en eut cinq, puis huit, puis douze. Ils se jaugèrent.

« Où est-il ? Grogna l'un d'eux, où est l'héritier ? »

Tek et Elf, à l'image de leur chef, retirèrent leurs bandeaux. Ils n'avaient plus la moindre honte désormais.

« Pour le Prince, fit le Capitaine.

—Pour le Prince », répétèrent-ils.

L'écho de ces paroles se perdit dans le fracas des lames et les cris de douleurs.

⊱𐄚⋞✺⋟𐄚⊰

Des pas solitaires résonnaient dans la Tour de la Citadelle. Lys se recroquevilla dans sa petite armoire lui faisant office de chambre. Cela se rapprochait inéluctablement. Il n'y avait pas d'échappatoire possible. Elle se crispa sur son petit cœur noir.

Les pas se rapprochaient. Ils étaient dans le couloir à présent. Lys tremblait de peur.

On marchait dans la chambre ronde dans laquelle se trouvait l'armoire. Lys ne respirait plus. L'armoire s'ouvrit brusquement.

Le visage d'Aethis apparut soudain, maculé de boue et d'une pâleur inhabituelle. Ses yeux brillaient de haine.

« Nous allons créer ton monstre »

⊱𐄚⋞✺⋟𐄚⊰

Les Contes Sanglants du Royaume PourpreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant