⊱𐄚⋞✺⋟𐄚⊰
Résumé: Camaël, acteur et amant de Béa, vient d'être exécuté pour insulte à la Couronne. Horrifiée, la jeune fille tente de se jeter dans un fleuve, avant d'être sauvée par un inconnu.
Béa volait parmi les nuages. Dans l'éther bleu, Camaël était là qui lui souriait. Il n'avait jamais été aussi beau, un véritable ange. Il lui tendait la main.
« Rejoins-moi. »
Soudain, la jeune fille fut aspirée hors de son rêve, capturée dans une réalité froide où Camaël n'existait plus. La pièce était étroite, et elle dormait sur une épaisse couche de paille. Une femme la secouait par l'épaule.
« Réveille-toi, ordonna-t-elle. Si tu veux manger ce midi il faudra gagner ton pain. »
Alors qu'elle était encore tout étourdie, on lui mit une faux entre les mains, et on lui jetait une paire de chaussure de cuir. Mécaniquement, sans la moindre énergie, elle suivit la femme dans l'aube orangée. Elles parvinrent à un champ de blé, dans lequel moissonnaient déjà une demi-douzaine d'adolescents et d'enfants. La femme semblait être leur mère, avec ses cheveux gris et son regard sévère. Bien qu'âgée d'une quarantaine d'années, elle avait conservé une certaine beauté.
« Regarde comment font les autres et fait de même, ça n'a rien de sorcier. Si tu travailles assez, tu auras de quoi manger. Tu es libre de partir si tu le souhaite, seulement je t'interdis d'aller te tuer, tu comprends ? »
Béa hocha légèrement la tête, muette. La femme s'en alla dans la masure dont elles venaient. Béa resta là un instant. Elle regardait le chemin partant dans l'horizon. Elle aurait voulu courir au loin, fonder une nouvelle vie. Non, fonder une nouvelle vie c'était trop compliqué, et comment l'oublier, lui ? Elle préférait mourir. Aussitôt après avoir envisagé cette solution morbide, elle avait déjà en tête le regard perçant de la mère.
« Je t'interdis », avait-elle dit.
Elle n'avait aucune raison de lui dire ça. Au fond, elle disposait de sa propre vie ! Pourquoi la mère avait-elle dit ça ? Pourquoi vouloir qu'une jeune fille inutile à la vie gâchée demeure vivante ?
C'est sur cette pensée que Béa se mit au travail. Prendre les épis, les trancher avec la faux, les jeter en tas sur son chemin pour les ramasser ensuite et les mettre dans une cariole... C'était long, fastidieux, répétitif, en à peine une heure, la jeune fille avait déjà mal aux bras. Les autres ne firent aucune remarque quant à sa présence. Ils travaillaient avec une vitesse inouïe, et même les fillettes avaient un tour de bras doublement plus imposants que celui de Béa. De temps en temps, l'un des garçons à l'air malicieux jetait un regard à la fenêtre en bas de la pente, là où apparaissait de temps à autre le visage à l'air inquisiteur de la mère. S'étant aperçu qu'elle ne les observait pas, le petit garçon prit un cailloux dans la terre meuble pour la jeter à son frère.
C'était une déclaration de guerre, et l'autre, plus grand, vint à lui pour lui asséner une claque à l'arrière de la tête.
Les piques continuèrent de temps à autre, et les enfants tentaient de s'empêcher de pouffer de rire afin de ne pas attirer l'attention de leur surveillante.
« Salut », fit l'un des garçons en s'approchant de la jeune fille.
Il avait cette carrure impressionnante que seuls ont les travailleurs manuels, et son visage respirait la gentillesse par un sourire légèrement niais qui semblait ne jamais s'en aller.
VOUS LISEZ
Les Contes Sanglants du Royaume Pourpre
FantasyDans le Royaume Pourpre, il n'y a pas de Bien ni de Mal. Oubliez toute moralité, tout sens de l'honneur. Asseyez-vous, et en dieu omniscient observez la masse informe des créatures qui vivent et meurent dans la poussière.