⊱𐄚⋞✺⋟𐄚⊰Résumé: Caaron est issu d'une longue lignée d'exécuteurs. Un jour, il doit pendre un jeune acteur du nom de Camaël, amant de Béa. Dégoûté de sa propre profession, Caaron subit la fureur de son père. Il hésite à fuir sa famille avec son petit frère et sa mère.
La grande tablée des Esman, sous le joug du paternel, était comme à son habitude silencieuse. Les serviteurs, quant à eux, s'activaient à la façon d'un essaim d'abeilles tourbillonnant autour de la ruche pour servir leurs maîtres. Alors qu'elle passait à ses côtés, la mère Esman jeta un bref regard à Caaron, son fils. Un léger hochement de tête suivit.
« Tout va bien ? Demandait-elle sans le moindre mot.
—Je m'en sors.
—Courage, c'est pour bientôt. »
Caaron peinait à se tenir droit sur sa chaise malgré une grande quantité de bandages posés sur ses blessures. Le petit Ben, en face, regardait avec espoir cet échange inaudible. Caaron lui offrit un petit sourire rassurant.
« Pour bientôt... », pensaient-ils en cœur.
Soudain, Caaron croisa le regard de son père. Un regard inquisiteur qui semblait sonder son âme. Comme toujours, il était imperturbable, mais qui sait ce qui se tramait dans les rouages de son esprit.
« Il sait ! », paniqua Caaron.
Il baissa les yeux dans son assiette et demeura ainsi le reste du repas.
Une fois remonté dans sa chambre, le jeune homme resta prostré sur le bord de son lit un long instant à contrôler sa respiration. Et s'ils étaient pris ? Si on lançait la garde à leurs trousses ?
Alors il passerait le restant de ses jours dans la Chambre d'Acier ; lui, sa mère, et le petit Ben. Son père était vieux. Avec un peu de chance, il mourrait dans moins de dix ans...
Caaron secoua sa tête comme pour y faire sortir cette idée. Malgré son métier, il n'avait jamais souhaité la mort de personne, et ce n'était pas le moment de s'y mettre. Mais le problème restait le même : ils ne pouvaient rester plus longtemps sous la tyrannie du père. La fuite était la seule solution.
Caaron se mit alors à la fenêtre. Mogtryl était là, lançant ses tours vers les cieux étoilés, et l'horizon sauvage se profilait au loin. Une infinité de montagnes, de mers et de forêts que Caaron n'avait jamais visité, loin de ses carnages quotidiens. La nature...
Caaron n'avait jamais vu la mer. S'il devait choisir, il se construirait une cabane dans une baie, au bord de l'océan. Il y avait tant de légendes sur les étendues bleues du Royaume Pourpre. On disait qu'elles abritaient des monstres gigantesques capables de dévorer des villes entières, que, si on naviguait suffisamment loin, on tombait dans le néant. Tant de mystères, tant de beauté aussi. On disait que certains voyageurs étaient amoureux de l'océan tant il était magnifique...
Tandis qu'il rêvait, la garde personnelle de la famille Esman poursuivait sa ronde sous la fenêtre de Caaron. L'un des gardes, tout de blanc vêtu tel un spectre nocturne, jeta un coup d'œil inquisiteur au jeune homme en amont. Caaron le remarqua, bien qu'il ne pût pas voir le visage du garde, et l'autre se détourna comme si de rien n'était. Le garçon soupira ; qui sait si son père n'avait pas déjà commandé aux hommes de le surveiller pour éviter toute fuite... Ou peut-être était-il devenu paranoïaque.
Le garde resta sous sa fenêtre, éclairé par la lune qui se couvrait petit à petit.
Lentement, le sommeil gagna Caaron et il s'empressa de fermer ses rideaux. Ce simple mouvement lui arracha un petit cri de douleur ; il avait oublié ses blessures au dos. Boitant jusqu'à son bureau, il s'assit avec difficulté et rassembla son nécessaire à dessin. Cela faisait longtemps qu'il n'avait plus pratiqué cette discipline ; les seules images qui lui venaient étaient peuplées de fantômes du passé, ceux qu'il avait envoyé au Royaume de l'Ange Dormeur. Cette fois, ce fut différent. Il traça une ligne d'horizon au fusain, puis des eaux peuplées de poissons hybrides et de peuples sous-marins fantastiques. C'était la mer telle qu'il la voyait.
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Les Contes Sanglants du Royaume Pourpre
FantasiDans le Royaume Pourpre, il n'y a pas de Bien ni de Mal. Oubliez toute moralité, tout sens de l'honneur. Asseyez-vous, et en dieu omniscient observez la masse informe des créatures qui vivent et meurent dans la poussière.