Chapitre XLI: Doutes

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⊱𐄚⋞✺⋟𐄚⊰

Résumé: Béa est une jeune fille hantée par la mort de son amant. Sa logeuse lui trouve alors une raison de vivre: la vengeance. Elle se déguise en homme et s'apprête à devenir l'apprentie d'un Garde Royal du nom de Morwen. Mais ce dernier est exclu de la Garde par le Roi sous prétexte de trahison alors qu'il portait la nouvelle de la découverte de l'héritier. Morwen prend malgré tout Béa sous son aile, sans parler de sa mésaventure. Elle vit désormais dans le camp d'entraînement humide et boueux.

Béa roulait dans la boue. C'était devenu une habitude chez elle, depuis que le garçon à l'aspect de chien battu l'avait identifiée comme une cible de choix.

« Toujours aussi muet, hein ? », raillait-il en la rouant de coups.

Béa avait appris à mieux encaisser. Elle se protégeait le visage et le ventre en se roulant en boule. Les coups de pieds pleuvaient sur son dos et ses tibias. Elle ne bronchait pas. Pas un mot, pas un cri. Béa serrait les dents de rage et d'impuissance.

« Ce n'est même plus drôle », dit le garçon en tournant les talons.

Soudain, Béa fut sur ses deux jambes. Le garçon n'eut pas le temps de se retourner, elle le percuta de toutes ses forces dans le dos. Cela n'aurait pas eu beaucoup d'effet s'il n'avait pas trébuché en avant sur un de ces rondins de bois qui servaient à délimiter la cour d'entraînement. Il s'étala de tout son long.

« Espèce de sale... »

Ses mots se perdirent dans sa gorge tandis que la jeune fille serrait brusquement son cou de ses deux mains. Ses yeux brûlaient d'une folie meurtrière terrifiante. Un mélange de colère et d'adrénaline animait Béa. Ses mains tremblaient et ses jointures blanchissaient au contact de la gorge osseuse de son adversaire.

« Pitié... » Parvint à gargouiller le garçon.

Béa voulait arrêter, mais ses doigts ne voulaient pas lâcher prise. Le visage du pauvre garçon était devenu écarlate. Ses yeux se révulsaient avec horreur. On pouvait y lire la soudaine révélation d'une mort prochaine.

L'image de Camaël pendu lui apparut soudain. Elle se souvenait de ses derniers soubresauts de vie alors que la corde lui arrachait son dernier souffle. Alors elle lâcha prise. S'écartant, elle constata avec horreur que le garçon ne bougeait plus.

L'instructeur, qui venait d'apparaître dans la Cour, vint dans leur direction sans vraiment se presser. Il prit le pouls, puis acquiesça :

« Il est toujours en vie, t'as de la chance, petit. T'aurais fini à la Forteresse des Pleurs. Les gars vont s'occuper de lui. Tu viens avec moi. »

Docile, Béa se laissa guider dans l'inconnue. Comme ses jambes tremblaient, l'instructeur dut la tenir sous le bras jusqu'à la petite cabane en bois. Il la jeta alors sans ménagement sur le plancher moisi de la cabane.

« Tâche de réfléchir à ce que t'as fait », dit-il avec une certaine lassitude, sans grande conviction.

Une fois la porte fermée et verrouillée, Béa contempla avec stupéfaction ses mains tremblantes. Et si le garçon ne s'en sortait pas ? Peu importe qu'il s'y soit pris à elle, Béa ne supportait pas l'idée de supprimer une vie. Cela lui fit réaliser à quel point son projet de vengeance était puéril...

Une idée lui vint. Une idée ancienne, qu'elle avait oublié depuis plusieurs semaines alors qu'elle était trop occupée dans ses projets de meurtre. Et si elle mettait fin à ses jours ? Si elle rejoignait Camaël, là, maintenant ?

Elle regarda ses mains à nouveau avec une détermination qui ne lui était pas familière. Elle ne pouvait pas abandonner. Elle devait se venger, pour Camaël, pour elle-même.

Cela ne faisait pas une heure qu'elle était dans la cabane que la porte s'ouvrit à la volée. Morwen apparut.

« Je vois que t'as trouvé un moyen d'échapper à notre entraînement personnalisé, hein ? Pas de chance, je connais ton instructeur. Allez, dehors. »

Béa n'aurait jamais cru qu'un jour elle puisse être aussi heureuse de revoir Morwen. Elle avait totalement oublié cette histoire d'entraînement.

Elle suivit son mentor dans la rue jusqu'à ce qu'ils parviennent en bordure des champs, sur une colline surplombant les terres arables.

« Pourquoi sommes-nous aussi loin ?

—Je ne veux pas que les autres se rendent compte du traitement de faveur auquel tu as droit. »

Il lui jeta une épée émoussée au sol. Béa tenta de la ramasser, mais avant qu'elle ne puisse atteindre la poignée, Morwen asséna un coup du plat de son arme contre le dos de sa main.

« Aïe !

—Sois plus concentrée, reprends ton épée. »

Béa tenta de maintes façons de passer outre la garde de Morwen, mais il n'y avait rien à faire, il parvenait toujours à la chasser de son terrain. Alors, la jeune fille décida de faire fi des coups et des blessures pour se lancer sur l'arme. La lame la heurta par trois fois, mais elle parvint tout de même à ramasser l'épée d'entraînement.

« Tu serais morte si la lame n'était pas émoussée.

—Mais j'ai mon arme », rétorqua-t-elle.

L'entraînement fut difficile et assez décevant. Elle ne parvint même pas à effleurer Morwen une seule fois. Mais au moins l'action lui fit oublier les évènements de tantôt.

Lorsqu'elle fut de retour au camp d'entraînement, le garçon n'était plus là. Pour une obscure raison, plus personne n'osa s'approcher d'elle dans les jours qui suivirent.

⊱𐄚⋞✺⋟𐄚⊰

Les Contes Sanglants du Royaume PourpreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant