Chapitre XXIV: Mémoires d'Outre-tombe

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Résumé: La Compagnie, troupe de puissants mercenaires, traverse une guerre interne. Sym, ancien chef de clan, après avoir fait assassiner l'ancien Chef de la Compagnie par Jun, a entrepris de purger le reste de ses opposants. Ils sont bannis de la Cité du Pont Céleste, et errent jusqu'à se perdre dans le Désert des Fous. Là, ils rencontreront les Tej'hid, un peuple nomade.

Les Tej'hid résidaient dans une vaste caverne creusée dans la roche rouge d'une montagne solitaire. Ce n'était qu'un habitat temporaire, mais cela n'empêchait pas d'y trouver un certain confort dans les petites pièces rondes sculptées à coups de marteau, remplies de tapisseries et de coussins brodés d'or.

Cela ne faisait pas plus de cinq minutes que Jun avait eu le dos tourné que Mithra avait déjà manqué d'égorger un Tej'hid qui s'était approché de trop près.

« Ça va, je te donnerai de quoi manger si t'as si faim », fit Jun en la retenant par sa chaine.

C'est alors qu'il aperçut le petit groupe d'autochtones visiblement surpris de le voir parler à l'animal comme si c'était son ami. En voyant les épices colorés qu'ils rassemblaient autour du feu de camp, Jun fit la lumière sur ce qui advenait :

« Je rêve ou vous alliez cuisiner ma chienne ? »

Aucun d'entre eux ne répondit, ils firent mine de se réchauffer auprès du feu comme si de rien n'était.

N'ayant pas envie de déclencher une bagarre générale entre la Compagnie et les Tej'hid, Jun réprima son envie d'en étriper un pour l'exemple et se contenta de leur jeter un regard meurtrier.

Etonnamment, les mercenaires s'entendirent plutôt bien avec les locaux. Ces derniers avaient en effet inventé un jeu des plus amusant qui ne manqua pas d'attirer l'attention des soldats. Les règles étaient relativement simples ; chaque participant piochait une carte dans un paquet face découvert, et d'espérer récupérer la meilleure combinaison possible à la fin de la partie. Seulement, une fois qu'une carte était découverte pour être prise par un membre désigné, un autre pouvait tenter sa chance et dérober cette même carte si elle lui était profitable. Tout l'intérêt du jeu résidait dans le fait de pouvoir dégainer sa dague pour menacer d'embrocher la main du voleur.

Du sang, un jeu de hasard, et de l'argent à parier, il n'y avait décidément pas mieux pour fasciner les troupes. Le score de la soirée fut évalué à un millier de lires et de sols Tej'hid perdus, cinq bagarres, vingt doigts tranchés et le double de mains transpercées... En somme, ce fut une belle nuit pour tous, ou presque, et on ne manqua pas d'achever les festivités par une beuverie en règle qui fit bientôt de la grotte tantôt somptueuse et organisée, un lieu de débauche où il était difficile de mettre un pied devant l'autre sans faire brailler un ivrogne avachi par terre.

Jun avait lui-même gagné un joli pactole qui s'ajoutait à la prime du meurtre d'Yvor et à sa solde qu'il recevrait, selon la tradition de la Compagnie, le sixième jour du mois. Pour la première fois depuis le tout début de son existence, il n'avait pas la moindre idée de quoi faire de tout son dû.

Jun caressait Mithra avec affection. La chienne comprenait tout à fait ce que cela signifiait ; un tel excès de douceur et de gentillesse n'était pas dans les habitudes de son maître, dont elle pouvait ressentir les moindres mouvements d'humeur. Il était nostalgique. Se synchronisant avec sa sérénité silencieuse, elle posa sa tête sur les genoux du maître. Cet instant de calme leur rappela à tous deux la lointaine époque où Mithra, encore très jeune, s'endormait sur les genoux de l'adolescent errant. Les journées de marche étaient si épuisantes.

Les Contes Sanglants du Royaume PourpreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant