⊱𐄚⋞✺⋟𐄚⊰
Résumé: suite à la mutinerie dans la Compagnie, Ykar et Faris se retrouvent à errer dans le Royaume Pourpre. Dans un village, ils rencontre une troupe menée par le mystérieux Daath Iglim. Ce dernier semble pouvoir ramener les morts à la vie. Ykar pense que cet homme est un escroc, tandis que Faris décide de croire en ses miracles.
Deux jours et trois nuits s'étaient succédé dans l'attente d'une réaction de Daath. Un soir, ce dernier fit venir le voilier-sellier. Presque tout le monde dormait, outre un cercle de fidèles qui s'étaient rassemblés autour de l'homme-dieu. Une unique bougie éclairait le visage serein de Daath qui était comme toujours occupé à gratter de sa longue plume le parchemin de plus de cinq mètres. Un jeune disciple déroulait le papier à mesure que le maître écrivait. Le voilier-sellier, toujours aussi brave, n'était pas impressionné par ce spectacle des plus étranges.
« Allons-nous faire demi-tour comme je l'ai suggéré ?
—Non, bien au contraire. J'ai consulté mes disciples, qui sont allés en amont de la rivière. Le salut nous parviendra de ces eaux-là, et non de l'abandon.
—Cela ne me concerne plus, je m'en vais. Ma femme est sur le point d'accoucher et vous n'avez pas été à la hauteur de vos promesses. »
Daath resta serein. Il avait l'air d'un père amusé des sermons de son fils.
« Promesses ? Quelles promesses vous ais-je faite ? Vous m'avez suivi parce que vous avez vu ce que je fais. Mais moi, je ne vous ai jamais demandé de me suivre.
—Vous admettez donc être un escroc ? »
Une fois encore, l'homme prit un temps de calme avant de répondre. Son aura étrange commençait à intimider son interlocuteur.
« Puisque je vois que tu aimes les gens de paroles, et que tu sembles attaché aux promesses, en voici une : dans trois jours, par ton aide si tu le veux bien, nous serons partis. Dans deux semaines, nous aurons atteint les lacs d'eau douce où nous nous remettrons du voyage.
—Vous promettez cela ?
—Sur ma vie. Disperse la nouvelle afin que tous sachent. Mais pour que cette promesse se réalise, il faudra ton aide ainsi que celle des hommes forts et les maçons dont nous avions parlé la dernière fois. »
L'homme acquiesça. Il était difficile de douter face à tant d'assurance.
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Dès le lendemain, avant l'aube, on sonna le réveil. Les instructions avaient été données, et elles étaient pour le moins étonnantes. Le voilier-sellier avait de toute évidence et pour une raison qu'on ignorait, été proclamé chef de chantier par Daath. Il rassembla les maçons avec lequel ils élaborèrent le plan de leur structure.
Ils revinrent, présentant des mesures pour fabriquer huit roues hautes comme deux hommes et des essieux dans lesquels on pourrait passer la tête. Les hommes s'abstinrent de questionner les desseins de l'homme-dieu, et se mirent au travail. Le bois était en abondance aux abords de la rivière, et leur texture était souple, ce qui facilita grandement la tâche.
C'est avec une étonnante efficacité qu'ils assemblèrent dès le premier jour près de la moitié des roues à l'aide de savants mi-bois minutieux et solides.
Au midi du second jour, les roues étaient là toutes les huit. Quelques heures suivirent où nul ne sut quoi faire. Même Faris, qui s'était préparé à tout pour suivre Daath, ne pouvait s'empêcher de s'interroger sur l'intérêt de toute cette agitation.
Comme en réponse aux doutes, ce qu'attendait l'homme-dieu advint soudain. Deux grands vaisseaux commerciaux descendaient la rivière à coups de rames. La foule se rassembla sur la rive, curieux de ce qui allait advenir. Les vaisseaux en question, bâtis comme deux longues maisons sans fenêtres flottant sur l'eau, ralentirent leur rythme à la hauteur de la foule. Contre toute attente, ce furent des disciples de Daath qui sortirent des bancs de rame pour enrouler les cordages sur les arbres de la rive.
Grâce à une série de rondins de bois bien ronds, ils firent sortir les structures de l'eau en les faisant rouler dessus.
« Je pense que tu sais maintenant quoi faire.
—Je ne suis pas si sûr...
—Aies confiace, uses de tes talents. Tu sais faire avancer des bateaux de pêche, non ?
—Oui, mais...
—Eh bien là c'est la même chose, sur des roues seulement. »
Daath n'avait pas menti : leur étrange moyen de transport fut sur pied dans la soirée, grâce aux efforts acharnés des centaines de travailleurs. Les vaisseaux étaient posés sur des cadres eux-mêmes supportés par les énormes roues. Le voilier-sellier n'avait eu qu'à ériger deux mâts arborant de larges voiles capturant le vent pour propulser l'assemblage hybride.
Ainsi, le soir du troisième jour, les disciples de Daath voguaient sur la Terre de Sel à la force du vent. Les sourires illuminaient les visages, et une rumeur chaleureuse habitait les vaisseaux.
Seul Khroll demeurait de marbre. C'était comme si la réussite de Daath le rendait malade. A vrai dire, il se sentait malade physiquement. Il trembla toute la nuit, bien que son corps fût brûlant de fièvre. Il demeurait dans la pénombre, tout à l'avant de la calle. Chaque secousse lui arrachait des gémissements.
Soudain, une voix caverneuse résonna dans sa boîte crânienne, crissant entre ses os :
« Tu es fini, Ykar »
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Les Contes Sanglants du Royaume Pourpre
Viễn tưởngDans le Royaume Pourpre, il n'y a pas de Bien ni de Mal. Oubliez toute moralité, tout sens de l'honneur. Asseyez-vous, et en dieu omniscient observez la masse informe des créatures qui vivent et meurent dans la poussière.