⊱𐄚⋞✺⋟𐄚⊰Résumé: Faris, jeune membre novice de la Compagnie, tente tant bien que mal de se faire une place parmi les mercenaires. Il se rend alors compte que sa première assignation dans le métier des armes consiste à raser un village pratiquement sans défense. Dégoûté, il se contente d'observer la bataille avec horreur. Le lendemain, il constate l'étendue du gâchis laissé derrière la mutinerie menée par Sym. Il sauve l'un des anciens Chefs de Clans supposément mort.
Faris tentait tant bien que mal de reprendre son souffle après que le mercenaire blessé eut desserré l'étreinte qu'il avait exercé sur son cou. Le chef de clan était désormais assis, immobile, sur la pierre.
Faris était stupéfait. L'homme, malgré ses blessures pratiquement mortelles, avait gardé une vitalité et une force hors du commun. Il recula un instant, terrifié par l'aura de haine qui émanait du colosse. Sa voix métallique résonna dans les confins de la Vallée des Loups, une voix rendue pratiquement inhumaine car constamment en manque de souffle, probablement à cause de l'invalidité d'un de ses poumons percés.
« Où est-il ?
—Qu... Qui ?
—Sym. Où est Sym.
—Je ne sais pas... Je ne fais plus partie de la Compagnie. C'est lui qui vous a... ? »
Il n'osa pas finir sa question de peur que son crâne ne finisse écrasé comme une noix entre ses deux mains puissantes. Le chef de clan tenta de se relever avec maints efforts, comme porté par une détermination terrifiante. Il se tint tout droit, puis tomba à genoux, vidé de toute énergie. Faris le regarda frapper le sol de toute ses forces, comme si la gravité était seule responsable de son malheur.
La puissance de ses poings diminuait coup après coup, et le sang se remit à couler de sa poitrine et sa respiration était sifflante. Il délira encore un instant avant de s'écrouler face contre terre.
Soupirant, Faris hésita à le laisser là, par terre, et partir libre de ce poids terrifiant. Mais il finit par le soulever tant bien que mal et à le traîner jusqu'à la route la plus proche.
S'écartant de cet homme qui lui faisait toujours aussi peur, il se posa à l'ombre d'un sapin en attendant la venue providentielle d'un quelconque voyageur qui puisse l'aider. C'était une route plutôt bien desservie, et de fait, une heure plus tard, il abordait un marchand dirigeant sa charrette. L'homme semblait absolument ravi de rendre service, et aida volontiers Faris à mettre le blessé à l'arrière parmi les tonneaux de boisson.
« Il n'y a plus de place ici, dit-il, il faudra se serrer à l'avant je crois.
—Oh je ne voudrais pas vous déranger, ça n'est pas très confortable mais je me mettrai sur l'un des tonneaux, ça me va.
—Mais non, mon garçon, il y a bien de la place pour deux, et puis tu profiteras mieux du paysage ! »
Faris n'insista pas davantage, le marchand était si aimable que cela le gênait de refuser. Le pauvre type avait l'air bien trop heureux d'avoir de la compagnie.
Faris décida donc de se rendre dans la ville la plus proche et de se débrouiller pour se débarrasser de son compagnon dans une auberge. Avec un peu de chance, il y aurait au moins une bonne âme capable de lui donner des soins adaptés et un toit pour dormir.
Le marchand n'en finissait pas de parler. En une demi-journée de voyage, Faris connaissait toute sa vie et ses misères. Il se mit à regretter de ne pas avoir continué de traîner son fardeau à pied. C'est avec un certain soulagement qu'il aperçut au loin, creusés à même la roche d'une montagne, les habitats troglodytes typiques du Pays aux Milles Voix. Ils parvinrent au bas d'un long escalier serpentant jusqu'aux premières demeures.
Faris descendit, mais avant qu'il n'ait eu le temps de faire le tour pour vérifier l'état de son compagnon, il se sentit retenu par le bras.
« Dis donc, tu n'oublies pas le plus important, mon garçon ?
—Euh... Merci ? »
L'autre éclata de rire. Faris ne sut trop comment réagir.
« Elle est bien bonne celle-là, dit le marchand en essuyant une larme imaginaire. Mon argent, gamin. Je veux mon argent.
—Quoi ? Mais il n'a jamais été question de ça, et puis je n'ai rien pour payer !
—Ah vraiment ? C'est bien dommage... »
L'homme faisait mine d'être profondément déçu, comme pour faire culpabiliser le pauvre Faris qui ne savait vraiment plus quoi dire.
« Tu sais quoi ? Je ne te crois pas, je sais bien que tu as quelque chose. Allez, sois un bon garçon, tout travail mérite salaire, on ne te l'a jamais dit ?
—Si mais je n'ai rien, je vous le jure ! Tenez, fouillez-moi si vous le voulez.
—Mais j'y compte bien. »
Faris se laissa faire, il ne voulait pas offusquer celui qui l'avait sorti d'un si mauvais pas. Il se rendit soudain compte que ce n'était pas ses poches que l'on fouillait... Il bondit sur place.
« Hé ! Mais vous êtes malade ! »
Pour toute réponse, l'autre sortit un poignard particulièrement long et crochu. Bien évidemment, il s'était douté depuis le début que ni Faris ni l'homme blessé n'avaient quoi que ce soit à offrir.
« A chacun son tour de rendre un service, mon garçon. Allez hop ! Dans les buissons mon joli ! Et puis quand j'en aurai fini avec toi, je verrai ce que je peux faire pour le gros tas là-bas, il n'a plus l'air bien méchant. »
Faris, qui avait tremblé à la vue de l'arme pointée vers lui, n'avait plus peur pour un sou. En effet, le « gros tas » en question se dressait juste derrière le marchand. Sa figure de pierre n'exprimait aucune émotion, mais cela le rendait d'autant plus terrifiant.
L'autre s'arrêta soudain. Il entendait clairement la respiration douloureuse dans son dos. A peine eut-il le temps de se retourner qu'une main vint se plaquer contre sa tempe. Son crâne vint s'écraser avec violence contre le bois du chariot, une fois, puis une seconde, puis une troisième. L'homme s'écroula contre une roue, complètement sonné. Enfin, pour faire bonne mesure, le colosse acheva la leçon par un coup de pied dans l'entrejambe.
« Pédéraste », cracha-t-il avant de s'en aller.
La montée jusqu'au village ne fut pas de tout repos, mais le blessé, qui révéla se nommer Ykar, refusait catégoriquement de s'abaisser à être à nouveau transporté « comme le dernier des faibles », selon ses mots. Enfin, alors que le ciel s'obscurcissait de nuages lourds, ils trouvèrent une petite auberge dans laquelle passer la nuit.
Faris prévoyait de s'échapper aux premières lueurs du jour.
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Les Contes Sanglants du Royaume Pourpre
FantasiaDans le Royaume Pourpre, il n'y a pas de Bien ni de Mal. Oubliez toute moralité, tout sens de l'honneur. Asseyez-vous, et en dieu omniscient observez la masse informe des créatures qui vivent et meurent dans la poussière.