Chapitre XXXVIII: Terre de Sel

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⊱𐄚⋞✺⋟𐄚⊰

Résumé: suite à la mutinerie dans la Compagnie, Ykar et Faris se retrouvent à errer dans le Royaume Pourpre. Dans un village, ils rencontre une troupe menée par le mystérieux Daath Iglim. Ce dernier semble pouvoir ramener les morts à la vie. Ykar pense que cet homme est un escroc, tandis que Faris décide de croire en ses miracles.

Parmi les disciples de Daath, nul ne savait où ils allaient. Cela faisait des jours, des semaines, que la troupe avançait sans relâche. Les anciens, ceux qui avaient déjà leurs longues nattes poussant jusque dans leurs dos et leurs bâtons de marche avec une extrémité en forme de V, ne posaient aucune question. Ils avaient l'habitude de suivre aveuglément leur maître. Les autres commençaient déjà à faiblir. Les femmes et les enfants peinaient le jour sous les pluies torrentielles et sous le Soleil de plomb, et tremblaient du froid nocturne.

Daath était toujours aussi mystérieux. Il marchait devant tout le monde, pensif. Faris n'était jamais bien loin derrière. Voir son guide devant lui l'aidait à avancer.

Le miraculé, celui qui était revenu d'entre les morts, et l'ex-barman du village s'étaient liés d'amitié et n'avaient de cesse d'encourager les plus faibles.

« Tant que l'homme-dieu nous guide, nous ne pouvons nous perdre », disaient-ils souvent.

Daath Iglim se montrait peu en public, mais parfois il apparaissait à l'un de ceux qui doutait, ou celui qui souffrait le plus, et lui parlait seul à seul avec douceur.

Peu à peu, les vallées et les canyons arides du Pays aux Milles Voix furent remplacées par un terrain plat et granuleux. Le sol prenait une légère teinte rose à certains endroits, et les arbres aux branchages denses et crochus étincelaient au Soleil. Faris sentait que le vent rendait la peau de ses mains grasse. Il porta un de ses doigts à sa bouche et effleura de sa langue la surface.

« Du sel, murmura-t-il. Nous traversons la Terre de Sel. »

La nouvelle traversa la troupe, et avec elle, l'inquiétude d'une traversée fastidieuse. Il n'y avait rien à manger, là-bas, et encore moins à boire outre des flaques d'eau dix fois plus salées que celle de la mer. Ils s'arrêtèrent pour la nuit près d'une rivière large et profonde.

Le froid nocturne s'installa peu à peu, les familles se regroupèrent en cercles autour de petits feux à moitié soufflés par le vent. Le silence s'installa. Tous priaient l'homme-dieu en leur for intérieur. Faris s'assoupissait prêt de deux jeunes mariés. La femme était enceinte et était prise de violentes nausées, et son mari la serrait dans ses bras, impuissant. Ce dernier finit par se lever et se dirigea vers la lueur solitaire de Daath.

« Nous ne traverserons pas la Terre de Sel avec nos vieillards, nos femmes et nos enfants. Ils mourront de soif et d'épuisement. Il faut faire demi-tour. »

Daath écrivait sur un long parchemin à l'aide d'une plume gigantesque. Il leva les yeux, et son regard perçant croisa celui, empli de courage et de détermination, du jeune marié.

« Combien de maçons possédons-nous ? Demanda-t-il.

—De maçons ? Une trentaine, je crois. C'était une profession répandue dans la région. Mais je ne vois pas...

—Combien d'hommes solides ?

—Plusieurs centaines, la plupart étaient agriculteurs.

—Et toi, mon ami ? Que fais-tu pour faire vivre ta famille ?

—Voilier-sellier, maître. J'habitais près du lac. »

Daath revint à son ouvrage, l'air satisfait.

Les Contes Sanglants du Royaume PourpreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant