Bonne lecture !
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Keiji toussa deux fois, puis sa mère fit tomber devant lui un roi de pique.
Son sourire redoubla, et son fils fit la moue en soupirant.
Le vieux jeu de carte jauni par le temps avait toujours été là, et à force certaines d'entre elles possédait des cartes reconnaissables même de dos : Keiji avait du mal avec sa mémoire, mais sa mère était forte à ce jeu-là.
Elle avait toujours possédé des yeux de lynx.
– Mon chéri, je crois que ça fait six victoires d'affilées pour moi, non ?
Il toussa deux autres fois, et hocha la tête. Le soleil commençait à se coucher derrière les vitres sales du salon, et Keiji frissonna légèrement.
– On en refait une ? demanda-t-elle.
Il regarda ses épaules pâles, ses longs cheveux noirs, ses beaux yeux brillants. Même dans cette robe large aux dessins anciens, sa mère était magnifique.
Il hocha la tête.
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Keiji trempa ses pieds dans la rivière.
Il avait la tête lourde et l'estomac vide : une fatigue écrasante pesait sur ses épaules, et il observa les poissons passer entre ses jambes.
Il toussa trois fois, se racla la gorge, puis laissa tomber le châle qui couvrait ses épaules. Il était tard, la nuit était tombée, et sa mère n'était pas là.
Les jours passaient, et elle commençait doucement à repartir. Quelques minutes, quelques heures de retard : ça commençait toujours ainsi.
Keiji toussa à nouveau, puis toucha sa poitrine. Son cœur battait douloureusement.
Il inspira profondément, posa ses mains sur le rocher qui le soutenait, puis plongea dans la rivière tout habillé. Quand il remonta, sa mâchoire claquait violemment et il regarda la lune.
Au loin, personne ne hurlait.
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– Tu verrais, mon chéri. Il est si gentil ! Il m'écoute vraiment quand je parle, et il est beau en plus ! Il m'a emmené dans ses bals, sur la ville voisine. Rien à voir avec ici : pas une forêt ou un champ à l'horizon ! Et regarde ça, tu vois cette bague ? Il dit qu'il veut m'épouser !
Dans le fauteuil usé du salon, enroulé dans une couverture élimée, Keiji hocha mollement la tête. Sa mère tournoyait dans la pièce, éclairée par la lumière de sa lune. Même dans sa belle robe sans manche, elle n'avait pas froid : rien que des grands sourires et des rougissements joyeux.
Keiji éternua, puis frissonna légèrement. Il renifla.
– On a dansé toute la nuit, et j'ai rencontré toutes ces femmes qui m'ont dit à quel point elles me trouvaient belle. Si raffinées et polies, avec ça ! Il m'avait offert une robe encore plus magnifique que celle-ci, et m'a emmené dans cette voiture noire tirée par des cheveux tout aussi sombres. Tout était si beau, Keiji, et tu aurais goûté leur alcool !
Cette fois, il n'eut pas la force de rétorquer quoi que ce soit. Sa tête dodelinait de droite à gauche, et ses lourdes paupières commençaient doucement à se fermer de force.
Elle s'approcha gaiement.
– Ne t'inquiète pas : je ne pars que quelques heures. Quand je reviendrais, je te raconterai tout ! Peut-être qu'il m'achètera quelques vêtements pour toi, qui sait.
Il s'endormit, le nez bouché et la tête douloureuse.
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Trois jours passèrent. La maison silencieuse le garda en son sein ; Keiji ne vit personne revenir.
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Keiji frissonnait violemment sous les couvertures de son lit.
Son t-shirt collait sa peau moite, et sa gorge enflammée lui donnait l'impression qu'il était sur le point de cracher son propre sang. L'espace d'un instant, il se demanda si l'une des fenêtres de la maison n'était pas ouverte, puis se rappela qu'il était déjà allé vérifier trois fois. Sa lèvre inférieure se mit à trembler et il se recroquevilla encore davantage dans les draps, sentant les os de ses côtes contre sa peau à la fois brûlante et glacée.
Une quinte de toux secoua son corps et ses yeux se fermèrent d'eux-mêmes. Il ne sentait plus ses doigts.
Dans le silence de la nuit, son estomac gronda mais il n'y fit même pas attention. Combien de jours depuis son dernier repas ? Deux jours ? Trois ? Il ne savait plus, mais peut-être que la maigreur de ses poignets pouvait le lui indiquer.
Sa tête lui faisait mal, et il avait l'impression qu'une pression immense pesait sur son front et enserrait son crâne.
Keiji ferma les yeux, et essaya de s'oublier lui-même
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Quand des bras entourèrent sa taille, emportant les couvertures avec eux, il se dit que ce devait être une nouvelle illusion. La fièvre était trop forte, alors son esprit lui jouait des tours. Il ne tenta même pas de résister.
Et même si ce n'était pas une illusion, peut-être cela serait-il rapide ?Était-ce la mort qui l'emportait enfin avec elle ?
Il ferma à nouveau les yeux et se laissa flotter.
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Des bisous !
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Somewhere to go || BokuAka
Fanfic| Bokuto Kotaro X Akaashi Keiji | Fiction terminée | Au cœur des bois, pas si loin d'un petit village perdu au milieu des terres, un manoir se dresse au delà les arbres. C'est là que vivent les personnes dont la société ne veut pas. Là que se retro...