Les étrangers

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Chapitre 4

~🌑~


Cela faisait déjà un très long moment que le chaman parlait avec les étrangers dans leur langue, ce qui empêchait les terreux autour de comprendre quoi que ce soit de cette conversation.

Le père d'Ecrof ruminait en observant attentivement chaque étranger un à un.

"Je n'aime vraiment pas ça."

-Qu'est-ce qui t'inquiète ?

Demanda son fils tout aussi attentif.

-L'homme le plus riche que je connaisse ne peut se payer que deux vaches et eux, en ont une dizaine... Enfin, si on peut appeler ça des vaches. De plus, d'où il vient, il n'y a rien à part des falaises et des montagnes que même les singes n'osent pas monter. Cette tribu est trop étrange pour m'inspirer confiance."

Le chaman revient vers ses semblables l'air grave et l'esprit troublé.

"Qu'ont-ils dit ?"

Demanda Elcarim curieux.

Le grand chaman soupira puis releva péniblement la tête.

"Ils disent venir de par delà les montagnes où se trouvent, d'après eux, une autre civilisation bien plus grande et plus moderne. Ils souhaitent faire un marché avec nos tribus, mais j'ai du mal à comprendre tout ce qu'il raconte."

-Quel genre de marché ?

-C'est cela que j'ai du mal à comprendre. Ils parlent de "pourater" et de "billa", mais je n'ai de traduction pour aucun de ces deux mots. Je suppose que leur langue a évolué depuis l'époque de la chamane rouge."

Un des étrangers fit avancer son étrange animal de quelques pas, d'une voix grave, il parla au chaman en montrant Ecrof et Elcarim de son doigt pâle.

"Vost ouk ikamerouk ma vidia tudno esj ioaharteu."

Ecrof s'apprêtait à demander la traduction au grand chaman, mais n'eut pas le temps puisque, contre toute attente, le grand et paisible chamane se mit dans une colère noire en hurlant sur l'étranger.

"Vendre !? Vendre !? Vous pensez pouvoir acheter mes villageois !? Vous croyez que la vie a un prix !? Nifhoika vidia no woegi sissou kio Mufteck!"

Les étrangers parurent tous horrifiés, certains agrippèrent ce qui semblait être leur arme, d'autres firent nerveusement bouger leur animal. Elcarim chuchota inquiet.

" Grand chaman, vous semblez les avoir mis en colère.

Le vieil homme fulminait imperturbable.

-Évidemment qu'ils sont en colère, j'ai utilisé l'insulte la plus grave qu'il existe dans leur langue."

L'étranger aux yeux bleus prit à son tour la parole. Elcarim fut surpris d'entendre une voix à la fois aussi forte et aussi douce.

"Ouse woegi slar, vidia ataebonoteba.

Face au regard curieux de ses villageois l'ancien traduit.

-Il me demande de choisir entre vendre mes villageois ou mourir."

Le père d'Ecrof en tant que fier guerrier se positionna entre le chaman et les étrangers comme un bouclier.

"Cette tribu est bien arrogante. Je ne mettrai pas 5 minutes avant de tous les avoir décrochés de leur étrange animal.

Ecrof pouffa puis murmura fièrement à Elcarim.

-Je peux le faire en deux minutes.

-Ce n'est pas un jeu !"

Murmura le miraculeux, mais comme d'habitude personne ne l'écouta, le père et le fils avaient le sang bouillant et l'irritable envie de prouver leurs forces surhumaines.

Elcarim entendit un bruit au loin qui le distrayait pendant quelques secondes mais la voix du chaman le reconcentra très vite.

" Je me suis emporté, mais nous ne devons pas faire de guerre, il suffit juste de leur faire comprendre que nous ne voulons pas de leur arrangement et tout sera réglé."

Des sons étranges chatouillèrent les oreilles d'Elcarim qui sentis que quelque chose n'allait pas, ses serpents ondulèrent et sifflèrent alors que le jeune garçon envisagea un triste présage.

"Quelque chose ne va pas, je retourne au village."
Et sans attendre de réponse, il partit en courant.

Le village n'était qu'à quelques minutes à pied, en se rapprochant les narines d'Elcarim commencèrent à le piquer, une odeur de fumée s'intensifiait en même temps que les murmures qui devenaient des cris. Le jeune garçon accéléra ses foulées, il se précipita dans le village et fut horrifié en y arrivant enfin.

De tous les côtés, des étrangers sur leur créature capturant des villageois à l'aide de corde ou de bâton brillant. Tous essayaient de fuir avant d'être pris au piège, hurlant et se débattant sous les rires gras de leur bourreau.

Elcarim vit son père, ses poignets attachés par des cordes, le corps couvert de blessures et de sang se tenant debout avec derrière lui Elleb qui protégeait un enfant dans ses bras. Un étranger brandit son bâton tranchant près à l'abattre.

Le jeune homme sentit la colère faire bouillir son sang, son esprit s'engourdit alors que son corps se réveilla. Ses serpents sifflèrent de rage, et il se jeta sur l'ennemi.

Avant qu'il ne puisse le toucher, avant qu'il ne puisse réagir, l'étranger croisa le regard d'Elcarim le miraculeux et son corps devint pierre. Figé, dans une posture de combat, l'homme n'était plus qu'une roche inanimée.

Sans réfléchir Elcarim l'ignora et se précipita pour libérer son père.

"Que se passe-t-il ?!

Demanda-t-il en enlevant comme il put les cordes très serrées sur les poignets ligotés de Terv.

-Nous avons été soudainement attaqués, personne n'a réussi à fuir, il faut aider les autres. Va chercher ta mère !"

Elcarim acquiesça et partit chercher sa mère, il stoppa des étrangers dans leur action néfaste, mais ils étaient trop nombreux et le jeune garçon n'était pas le plus fort du village.

Alors qu'il courait pour stopper une vache fine et l'étranger dessus, Elcarim sentit une corde passer au-dessus de lui. Il n'eut pas le temps de réagir que la corde se resserra autour de son cou l'étranglant et le tirant violemment en arrière. Ils s'y mirent à plusieurs pour ligoter le jeune élu qui se débattait vainement. Après plusieurs minutes de combat, Elcarim fut mis à terre, un cordage pour ses pieds, un autre pour ses mains et un autour du cou.

Les étrangers le poussèrent jusqu'au centre du village où les prisonniers étaient rassemblés. Personne n'avait réussi à fuir et tous était amoché par la bataille. Elcarim fut mis à côté de Melac, Elleb et les jumelles qui pleuraient à chaudes larmes. Melac avait des hématomes plein le visage et la voix rauque, il chuchota en observant les étrangers qui avaient pied-à-terre.

"Ils ont profité que le chaman soit absent pour attaquer le village, je ne sais pas ce qu'ils cherchent, mais par chance personne n'est mort.

Inquiet Elcarim regarda les prisonniers autour de lui.

-Tu as vu mes parents ?

Melac regarda autour de lui à la recherche de Terv et Azur, mais c'est Elleb qui leur répondirent.

Terv est parti chercher sa femme, mais n'est pas revenue et j'ai remarqué qu'aucun enfant n'a été capturé."

En prêtant attention à la foule, Elcarim constata que les anciens et les enfants n'étaient pas parmi les prisonniers.
Quand le chaman avait parlé de fuite, les enfants et les anciens c'étaient sûrement réuni et, pendant la panique, Terv et Azur en avaient profité pour faire fuir ce petit groupe, ce qui était sûrement la meilleure solution ne sachant pas ce que ses monstres seraient capables de faire à un faible vieillard ou à un jeune bébé.

Dans un claquement de sabots étrangement régulier, des vaches fines arrivèrent dans le village, le chaman était attaché derrière obligé de suivre, le sang tachait ses vêtements et sa démarche était faible. Le père d'Ecrof, dans pratiquement le même état, regardait son fils évanoui dans une charrette qui contenait à peine son immense corps.

Dans la foule de prisonniers s'éleva la voix forte d'une mère désespérée.

"Mon fils ! Par la terre et les eaux qu'avez-vous fait à mon enfant !"

Ses pleurs résonnèrent autour d'elle puisque plus personne ne parlait.

Le chaman fut poussé face à ses villageois et, toujours sur son animal, l'étranger aux yeux bleus ordonna quelque chose au chaman puis commença à parler le regard braqué sur les prisonniers.

"Kio sissou ma eds vicoup ed ikauawoeg.

Tremblant et attristé le chaman traduit d'une voix traînante.

-Vous êtes maintenant les esclaves de ma nation.

-Ik sissous ma ed ouna Aster, ik sissouma kio passakou, kio oktembeper...

Reprit l'étranger

-Je suis le prince Aster, je suis votre maître à tous, vous obéirez à mes ordres ou vous finirez la tête tranchée."

Des larmes commencèrent à noyer les yeux du chaman et à engourdir sa voix.

-Is kio es plagco atmuf...

- Si l'un de vous se révolte ou insulte ma nation, il sera puni en fonction de la gravité de ses actes."

Elcarim sentait ses épaules être alourdies par la peur et la tristesse. Quelques heures avant, il voyait ses parents lui sourire alors que le chaman présentait les prétendants.

Maintenant, il n'avait plus d'avenir, juste un destin incertain et tragique.

Il n'eut même pas la force de pleurer, son corps affaibli lui faisait mal à chaque respiration qui était peut-être la dernière.

Abattu, il regarda tout de même autour de lui à la recherche d'une ouverture, d'une faille, dans la défense ennemie. C'était peine perdue, ils étaient trop nombreux et Elcarim se sentait incapable d'abandonner les siens.

L'étranger aux yeux bleus donna un ordre, tous les prisonniers furent mis debout et le cortège se mit en chemin.

~🌘~

Avait vous une idée de l'endroit où ils se rendent?

N'hésitez pas à me donner votre avis sur ce chapitre!

Elcarim le miraculeuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant