Chapitre 12-1

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 Deux hommes encadraient la sortie du bosquet. Visiblement très concentrés, ils ne firent même pas attention à notre arrivé. Ce devait être les magiciens chargés de maintenir le soir de protection. Quelques dizaines de mètres plus loin, sur une terrasse de pierre surplombant le reste du parc arboré, deux silhouettes se faisaient face. Entouré d'une douzaine de personne, les deux hommes paraissaient se fixer en silence. Même sans contrôle visuel, j'avais la certitude d'avoir retrouvé Nicolas et Juan.

A présent libérée de la magie, je m'avançai vers l'attroupement toujours étrangement silencieux. Parvenue à quelques mètres du premier spectateur, je me rendis compte que la magie était aussi à l'œuvre ici. Dès que nous dépassâmes une ligne invisible, les insultes, les sifflets et les cris submergèrent momentanément mes sens, m'étourdissant même brièvement.

Toute l'assemblée se tourna soudain vers nous comme un seul homme et trois métamorphes nous encerclèrent instantanément, poignards en mains.

— Oh mais qu'est-ce que je vois là ! C'est notre petite humaine préférée ! s'esclaffa Juan d'un ton moqueur en tournant sa face de rat vers moi.

De taille et de corpulence moyenne, le teint mat et les cheveux bruns, il n'avait pas changé. Toujours aussi insignifiant et semblant à peine sortir des jupes de sa mère ! Pour un métamorphe c'était un gringalet, mais Thomas était l'exemple type prouvant qu'il ne fallait jamais se fier aux apparences et l'adage se vérifiait encore une fois ici. Juan avait beau n'avoir que trois poils sur le menton et ressembler à un roquet, il en avait sous le capot ! Il dégageait une aura de puissance rayonnante, renforcée par son arrogance et l'ivresse du pouvoir. En bref, le tigre avait mangé du lion !

— Plus si humaine que ça, on dirait ?! ajouta-t-il d'un ton goguenard en reniflant dans ma direction d'un air dégoutté.

— Comme si tu ne le savais pas ! lui rétorquai-je, nullement intimidé par son numéro de coq.

Pour être honnête, leurs guéguerres intestines ne me concernaient pas. Nicolas, toujours debout au milieu du cercle de métamorphes, semblait fou de rage mais indemne et à l'instant T, dans mon esprit envahit par l'angoisse, c'était tout ce qui comptait. C'était avant que mon regard ne tombe sur Cat. Entourée de deux malabars à l'air peu commode, elle se tenait derrière Juan... et avait l'air d'être passée sous un bus ! Elle se tenait voutée en enserrant ses côtes de son bras et l'un de ses yeux était si gonflé qu'elle ne pouvait plus l'ouvrir.

La rage qui m'envahit me brula et consuma le peu d'humanité qu'il me restait. En un bond, je me projetai par-dessus la tête des gardes estomaqués et me réceptionnai à équidistance entre Cat et Juan.

— Waouh ! persifla Juan en se tournant vers moi avec des gestes grandiloquents. Le grand méchant-loup sort les griffes ! J'ai peur ! singea-t-il en partant d'un rire faux.

— Tu vas bien ? demandai-je à Cat d'une voix un peu plus grave que d'ordinaire, ignorant volontairement son cirque.

Elle me répondit d'un bref signe de tête, son regard fort et déterminé malgré son apparence misérable.

— Si vous ne vouliez pas que je m'en mêle, il ne fallait pas vous en prendre à mon amie, ajoutai-je d'un ton sinistre et emplit de colère en me tournant vers lui.

— Elle m'a défié, elle a perdu, c'est tout. Rien de personnel envers elle.

— Rien de personnel ?! ricana Cat d'une voix cynique que je ne lui connaissais pas. Tu as usurpé ma place et pris le pouvoir par la force.

— Une place dont tu ne voulais pas, je te signale ! répliqua Juan d'un ton venimeux.

— Ce qui nous ramène à la raison première de notre présence ici, gronda la voix de Nicolas. Aaron m'a désigné pour lui succéder.

Lupus NostrumOù les histoires vivent. Découvrez maintenant