Chapitre 12-2

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Le combat commença véritablement à peine quelques secondes plus tard, Nicolas prenant l'avantage de la première attaque. Juan l'évita de justesse mais sans se départir de son sourire malsain, faisant croitre mon malaise. Ce petit manège dura plusieurs minutes, Nicolas attaquant et Juan esquivant, sans chercher à prendre l'avantage. Était-ce une ruse pour fatiguer son adversaire ou l'énerver suffisamment pour qu'il commette une erreur fatale ? Si c'était le cas, c'était mal connaître Nicolas, mais mon instinct me disait qu'il nous préparait quelque chose de beaucoup plus funeste que cela. Anxieuse, je ne parvenais pas à fixer mon regard sur le combat, cherchant à déterminer d'où viendrait la menace. Un cri rageur reconcentra mon attention sur l'affrontement, pour voir avec ravissement Juan se tenir les côtes, du sang coulant d'entre ses doigts.

— Déclare forfait et arrêtons là cette mascarade, gronda Nicolas en attaquant de nouveau, le blessant au bras.

Malgré le rugissement de bête blessé de Juan, il était évident que Nicolas retenait ses coups, il n'aurait pas dû.

— Tu ne peux pas gagner ! éructa Juan en dépliant brusquement le bras enserrant son buste.

Un éclair argenté fusa droit vers Nicolas qui dû plonger au sol d'une roulade pour l'éviter. Le poignard en argent alla se ficher dans l'une des jardinières décorant la terrasse, avec un bruit mat, des traces écarlates maculant la lame.

— Les armes sont interdites ! intervint le métamorphe qui avait rappelé les règles au début du combat. Selon nos lois, en cas de tricherie, le challenger est déclaré vainqueur par défaut. Si le tricheur ne reconnaît pas sa défaite, n'importe quelle personne présente est autorisé à intervenir.

— Je ne reconnais pas ton jugement ! fanfaronna Juan en tirant une nouvelle lame de sa botte avant de se ruer sur Nicolas.

Le métamorphe n'avait même pas terminé sa phrase que j'avais bondit au centre du cercle, pile derrière lui. Je plongeai les griffes de ma main droite dans son épaule alors qu'il s'apprêtait à frapper Nicolas. Il hurla de douleur et sa main, momentanément inutile, lâcha le poignard. D'un coup de pied je l'envoyai valser à l'autre bout de la terrasse dans un raclement métallique. Storm et Cooper furent à nos côtés dans la seconde, leurs propres armes braqués sur Juan qui braillait toujours.

— Reconnais ta défaite ou je te jure que je te tue, gronda Nicolas, ses yeux presque entièrement transformés semblant lancer des éclairs.

— Vous n'allez quand même pas accepter d'être dirigé par un loup ?! vociféra Juan, impuissant et au comble de la rage.

— En quoi cela serait-il moins honorable que de suivre un poltron tricheur et sans honneur ? demanda Cat en s'adressant à la foule qui nous entourait. Juan a prouvé qu'il n'était pas digne d'être notre chef en nous divisant et en tentant de le devenir par la force.

— Je n'ai jamais eu l'intention de prendre la place de Aaron, continua Nicolas, son attention et son regard toujours braqué sur Juan. J'assurerai l'intérim jusqu'à ce qu'un chef naturel se dévoile et ensuite je lui laisserai la place. Tu vois Juan, si tu avais joué franc-jeu, tu aurais eu la chance de faire tes preuves, lui susurra-t-il. Alors que maintenant...

Un brouhaha et une clameur diffuse commençaient à s'élever des spectateurs de plus en plus divisés. Néanmoins, les insultes et les sifflets paraissaient céder le pas aux cris d'assentiments.

— Il ment ! Ne l'écoutez pas, il ment ! éructa Juan d'une voix rageuse et désespérée. C'est un loup-garou, tout ce qui l'intéresse c'est le pouvoir et rien d'autre, il...

— Le coup de poing qui l'atteignit à la mâchoire le propulsa presque un mètre en arrière où il retomba sur le béton froid tel un pantin désarticulé.

Storm, à l'origine de l'uppercut, se fendit d'un petit sourire d'excuse à notre intention même si nous avions tous envie de l'applaudir. Juan gisait à demi-inconscient sur le sol, pourtant je ne pouvais me départir d'un sentiment de malaise grandissant. Son comportement n'était pas logique. Une si grande confiance en lui pour se faire battre aussi facilement sans même se défendre... il y avait quelque chose qui clochait. Comme les autres je m'approchai du métamorphe prostré et me postai à côté de Nicolas.

— Vous avez gagné. C'est à vous de décider du sort de Juan à présent, déclara le métamorphe garant des règles, à Nicolas.

— Je laisserai ses pairs décider de son sort...

— Non ! l'interrompit Juan en se redressant péniblement. Tu n'as pas le droit de te défiler. Au final tu n'es qu'un lâche ! ajouta-t-il dans un cri plein de haine en crachant vers Nicolas.

Ce dernier évita le projectile sanguinolent sans problème avant de toiser le métamorphe de toute sa hauteur.

— J'ai tout fait pour éviter ça, que l'on n'en arrive pas là. Je refuse de devenir un meurtrier par ta faute ! dit Nicolas d'une voix grondante, promenant son regard incandescent sur les métamorphes maintenant silencieux.

— Karan ! Rohan ! entravez-le et conduisez-le dans la cellule sécurisée, le temps que l'on prenne une décision tous ensemble, ordonna finalement Cat d'une voix lasse.

Deux des spectateurs sortirent du rang. Grands, sveltes et la peau mate, je ne les connaissais pas. Le visage fermé et ayant visiblement envie d'être ailleurs, ils encadrèrent malgré tout Juan, qui les incendia du regard et les insulta copieusement lorsqu'ils le relevèrent sans ménagement.

— Tu veux rentrer avec nous ? demanda Nicolas à Cat.

— J'aimerai beaucoup, mais je dois rester pour... Nicolas attention !

D'un mouvement ultra rapide, il se retourna juste à temps pour parer le coup de Juan qui venait de se libérer de ses geôliers. Le coup de pied retourné heurta le bras de Nicolas avec un son semblable à une branche qui se brise. Pourtant, il n'émit pas un son et riposta aussitôt, lacérant le flanc gauche de Juan de ses griffes. La blessure était grave, pourtant le métamorphe parvint à esquiver l'attaque de Cooper d'une roulade, gémissant lorsque son flanc toucha le sol. Folle de rage, je bondis sur lui, cette fois-ci prête à en finir une bonne fois pour toute. Je vis l'éclat argenté du poignard au dernier moment et ne pu l'éviter qu'en me jetant sur le côté à la dernière seconde. Je partie en roulade incontrôlée et heurtai une jardinière dans une envolée de terreau. C'est le garde-corps en pierre de la terrasse qui stoppa ma course, me coupant le souffle au passage.

Malgré le choc, je me relevai presque aussitôt dans un grondement rageur, mais ne pus qu'assister impuissante, à l'attaque de Juan. Nicolas, distrait par ma chute eut une seconde d'inattention qui permit au métamorphe de percer sa défense. Heureusement Storm dévia le bras de Juan et la lame ne fit qu'effleurer le flanc de Nicolas. Le métamorphe hurla de rage en heurtant la terrasse, cloué au sol par Storm qui lui arracha le couteau des mains. Je me relevai et m'empressai de rejoindre Nicolas. Son tee-shirt déchiré laissait voir une légère estafilade, heureusement sans gravité même si du sang entachaient le tissu blanc. Une goutte écarlate tomba avec un petit ploc alors qu'il me prenait dans ses bras. A l'instant où elle toucha le sol, le rire hystérique de Juan déchira le silence tandis que l'atmosphère se modifiait brutalement. Dans un craquement étrange, une demi-douzaine de silhouettes sombres se matérialisèrent autour de nous, tandis que Juan continuait à s'égosiller. Une aura ténébreuse et corrompus entourait les nouveaux venus qui se déployèrent plus vite que des ombres.

— Des sorciers ! nous hurla Storm tandis qu'il faisait taire Juan d'un coup bien placé.

Je cherchai Cooper du regard tandis qu'il nous rejoignait. Lorsque la première balle fusa nous étions déjà en train de courir, fuyant au milieu des métamorphes paniqués.                                                                                                                                          

Lupus NostrumOù les histoires vivent. Découvrez maintenant