Chapitre 14-2

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Le grondement sourd du moteur se mit à bourdonner autour de nous lorsque Cooper mis le contact. Quelques secondes plus tard... l'enfer commençait. Le coffre n'était pas très spacieux, mais nous y rebondissions quand même comme des balles de tennis dans une boite. Chaque racine, chaque bosse et chaque déclivité du terrain se transformait en calvaire, nous faisant rebondir douloureusement contre la carrosserie. J'essayai de trouver quelque chose à quoi m'agripper pour me stabiliser un minimum mais tout ce qui m'entourait était lisse et sans aucune aspérité. La jeune femme reprit conscience cinq minutes à peine après le départ dans un hoquet tremblant. Son souffle s'accéléra aussitôt et je la sentis se débattre à mes côtés malgré les cahots de la route.

— Chuuuut, pas de panique, vous êtes en sécurité, tentai-je de la rassurer au moment où un soubresaut plus fort que les autres nous soulevait, nous projetant durement contre le toit du coffre.

Elle cria et je retombai dans un gémissement sourd, maudissant Cooper et sa conduite de balourd.

— Ils nous ont enlevé ? demanda la jeune femme d'une voix suraiguë et paniquée, sur-ventilant toujours.

— Non, je viens de vous dire que nous étions en sécurité. Mais nous avons deux blessés graves qui avaient besoin des dernières places disponible dans l'habitacle. Ça ne devrait plus être très long.

— Vous ne plaisantez pas ? souffla-t-elle surprise mais déjà plus calme en m'agrippant violemment la main lorsqu'une nouvelle ornière nous secoua comme des pruniers.

— Non, ce n'est pas une blague. J'espère juste que nous allons bientôt sortir de cette forêt avant de finir avec une commotion cérébrale.

A l'instant où je prononçais ses mots une dernière saccade nous secoua, puis la voiture accéléra, ses roues chuintant sur le bitume, nous avions enfin rejoins la route. Plus balloté en tous les sens, je me laissai enfin aller, essayant de me détendre mais la promiscuité et le souffle toujours saccadée de la jeune sorcière ne m'y aidait pas vraiment.

— Vous pensez que c'est encore loin ? me demanda-t-elle finalement d'une voix sifflante emplie d'angoisse.

— Vous êtes claustrophobe ?

— Un peu... je suis une sorcière des astres... je n'ai pas l'habitude de ne pas voir le ciel, réussit-elle à me dire dans un souffle saccadé.

— Je vous promet que l'on n'en a pas pour longtemps. Respirez calmement et essayez de visualiser le ciel au-dessus de nos têtes. Comment va votre jambe ? ajoutai-je pour la forcer à penser à autre chose.

— C'est douloureux mais supportable.

— D'après Cooper, la balle n'a fait que vous effleurer. Mais vous avez sûrement la cheville foulée.

— Qui est Cooper ?

— Le crétin qui conduit avec ses pieds, lui répondis-je dans un sifflement agacé lorsqu'une embardée me projeta une nouvelle fois contre la paroi du coffre. Mais il est aussi médecin.

— Vous êtes une métamorphe, ça ne vous dérange pas d'être enfermé...

Elle dû s'interrompre pour prendre une respiration sifflante, signe qu'elle ne se calmait pas du tout.

— Ma louve n'est pas fan, lui répondis-je sans relever l'erreur. Mais comme ce n'est que temporaire, je peux faire avec. Vous pouvez me faire confiance, je ne vous ai pas menti.

— Je vous crois, c'est juste que... comment vous vous appelez ? changea-t-elle de sujet en essayant de calmer sa respiration erratique.

— Rosaline, mais tout le monde m'appelle Rose, lui répondis-je consciente qu'elle avait besoin de parler pour tenir la panique à distance. Et vous ?

— Asmodée.

Je m'apprêtais à enchainer avec une autre question pour continuer à capter son attention mais les mots restèrent bloqués dans ma gorge par la surprise.

— Asmodée, comme le démon ? me décidai-je finalement à lui demander.

— Oui, pour une sorcière blanche, ça craint ! répondit-elle dans un petit rire étranglé. Mais heureusement la plupart des gens l'ignore.

Je m'apprêtais à lui demander en quoi cela consistait d'être une sorcière des astres lorsque la voiture ralentit puis s'arrêta. Le coffre s'ouvrit à peine un battement de cœur plus tard nous inondant de bon air sentant... l'hydrocarbure !

— On est où ? demandai-je à Nicolas en plissant le nez.

— Dans un refuge qui sert de dispensaire provisoire. L'état de Kellan s'est dégradé, me répondit-il d'un ton inquiet.

— Et c'est un endroit sûr ?

— En théorie oui, mais plus s'ils nous ont suivi. C'est pour ça qu'il ne faut pas traîner. Tu peux marcher sans aide ?

J'acquiesçai, peut-être un peu vite, car je dus me retenir à la carrosserie poussiéreuse de la voiture lorsqu'il me lâcha pour aider Asmodée, toujours recroquevillée dans le coffre. Il la souleva avec douceur puis la prit dans ses bras avant de se diriger à grandes enjambées pressées vers le bâtiment sombre devant lequel nous étions garés. Une porte s'ouvrit pour laisser passer Storm, découpant un rectangle de lumière dans les ténèbres.

— Je vais me débarrasser de la voiture et je reviens, nous dit-il en nous croisant.

— Ne vas pas trop loin et sois prudent. Nous ne sommes pas loin de la ville et il fait nuit, tu pourrais tomber sur une patrouille.

Il ne répondit pas, se contentant d'un hochement de tête en s'installant derrière le volant, avant d'enclencher la marche arrière. Nous vîmes la voiture faire demi-tour puis disparaitre comme par magie, avalée par la nuit. Nous fîmes les quelques pas qui nous séparaient de la porte et nous retrouvâmes dans un couloir vétuste, cradingue et glacial qui empestait l'huile de moteur. N'ayant d'autres alternatives, nous le suivîmes jusqu'à déboucher dans un hangar où gisait plusieurs carcasses de voitures désossées.

— Venez, c'est par ici, nous interpela une voix, nous faisant sursauter.

La femme à qui elle appartenait apparu au détour d'une porte à quelques mètres de là. Blouse froissé et traits tirés, ses cheveux noirs et raide s'échappant de sa queue de cheval, elle avait l'air de ne pas avoir dormi depuis plusieurs jours. Nous la suivîmes en bas d'un escalier prolongé par un autre couloir dont elle ouvrit l'une des portes anonymes.

Quelques lits séparés par des draps blancs accrochés aux poutrelles métalliques du plafond, une poignée de chaises disséminées ça et là et des cartons remplis de fournitures médicales empilés sur une table constituaient l'ameublement spartiate de la pièce dans laquelle nous venions de pénétrer.

— Ce n'est pas le grand luxe, mais c'est tout ce que nous avons pu sauver de l'ancien dispensaire avant qu'ils nous tombent dessus, nous expliqua la femme en indiquant l'un des lits à Nicolas.

Il y déposa Asmodée puis s'empressa de me rejoindre, m'attirant contre lui dans une étreinte réconfortante.

— Merci de nous accueillir.

— C'est normal, mais un peu intéressé aussi. Doublement intéressé à vrai dire.

— Que voulez-vous dire ? lui demanda Nicolas aussitôt sur la défensive.

— Le mieux c'est encore que je vous montre, suivez-moi. 

Lupus NostrumOù les histoires vivent. Découvrez maintenant