La discussion qui s'en suivit fut longue, houleuse et magiquement éprouvante. Allistaire ne maîtrisait tellement pas sa nouvelle nature que son pouvoir fuyait, ricochant sur celui de Nicolas. Ils finirent quand même par parvenir à un accord, lorsque je suggérais qu'il suffirait de masquer la vue d'Allistaire pour régler une partie du problème ! Vu qu'il accepta aussitôt - proposant même de faire tout le voyage dans le coffre si cela pouvait nous rassurer – Nicolas finit par accepter et nous pûmes passer à autre chose. Même nous payer le luxe d'une douche, d'un repas et de quelques heures de repos, car entre temps, un pied à terre de secours avait fini par être trouvé.
Nous nous étions réparties entre les voitures de Allistaire et Moïra et une ambulance, prêtée gracieusement par le dispensaire. Elle n'était plus de prime jeunesse mais fonctionnelle et nous permettait d'emmener Ethan avec nous. Il avait repris des forces un peu plus vite que prévu, surprenant tout le monde et lui donnant une chance de nous accompagner. Cooper était bien sûr au volant de l'ambulance dans un uniforme d'infirmier, encore une fois prêté par Greta. Cat voyageait à l'arrière avec le blessé, car depuis qu'elle était réveillée, elle ne l'avait pas lâché d'une semelle.
Storm conduisait la voiture d'Allistaire. Ce dernier à ses côtés, un masque de nuit sur les yeux et Nicolas et moi installés sur la banquette arrière. Moïra nous suivait dans sa voiture avec Azaldée et ses enfants. Notre drôle d'équipage fendait déjà la nuit depuis plusieurs heures et je me demandais pour la énième fois où nous allions. Seuls Nicolas et les chauffeurs non-humains le savaient.
J'aurais pu mal prendre de ne pas avoir été mise dans la confidence, mais étrangement pas du tout, au contraire. Je me laissais bercer par le roulis et le doux bruit du moteur et durant quelques précieuses heures, m'imaginais que tout était normal. Pas d'attaque, pas de guerre, de rébellion, de sectes cachées... rien qu'un trajet en voiture avec mon petit ami pour quelques jours de vacances. Je savais que ce doux rêve n'en était qu'un et que la réalité me rattraperait assez tôt, mais j'avais besoin de cette petite parenthèse pour recharger mes batteries psychiques. Et je réalisai véritablement à quel point, lorsque nous arrivâmes enfin à destination.
Grant nous attendait devant un grillage à-demi affaissé, dans une posture figée et le regard emplie de douleur sourde.
— Ne me dit pas que nous sommes bien là où je pense que nous sommes ? chuchotai-je à Nicolas d'une voix encore enrouée par le sommeil, même si le choc m'avait parfaitement réveillé.
— Si et avant que tu ne montes sur tes grands chevaux, saches que c'est Grant qui en a eu l'idée.
— Tu plaisantes ?!
— J'ai bien peur que non, renchérit Storm alors que nous sortions de la voiture.
Mes jambes ankylosées par leurs longues heures d'immobilités, protestèrent lorsque je les dépliai et fit quelques pas hésitants sur la terre meuble et humide du chemin.
— On peut lui enlever son bandeau maintenant, ou non ? reprit Storm à l'intention de Grant en aidant Allistaire, toujours aveuglé, à sortir de l'habitacle.
— Oui, finit-il par répondre d'un ton très mesuré, trop peut-être. Il n'a aucun moyen de deviner précisément où nous sommes. Maintenant ou dans quelques minutes cela ne fera pas grandes différences et puis comme ça, vous n'aurez pas besoin de le materner.
Ce n'était pas dans les habitudes de Grant de parler autant, surtout pour balancer des évidences, me dis-je alors qu'une brusque flambée de pouvoir, épicée d'une pointe de colère fleurissait soudain alors qu'Allistaire relevait la tête.
— Je n'en ai jamais eu besoin de toute façon, répliqua-t-il d'un ton ulcéré tout en clignant des yeux, agressé par la clarté de l'aube filtrant à travers les arbres.
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Lupus Nostrum
ParanormalSuite au plan machiavélique de Ivory consistant à lâcher une horde de loup-garou sur les humains, le temps de la conciliation est révolu. Les métamorphes sont désormais traités comme des monstres et des parias et forcés de se cacher ou de se défend...