Chapitre 9-2

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***

Quelques temps plus tard, j'étais confortablement installée sur la banquette arrière de la voiture de Cooper en route vers notre destination, les vitupérations ulcérées de Lyn me cinglant encore les oreilles. Je souris malgré moi en repensant à sa réaction explosive lorsque Storm l'avait appelé « gamine ». Ce dernier, assis à mes côtés à l'arrière, me lança un demi-sourire entendu.

— J'étais sûr de faire mouche, c'était trop tentant ! m'avoua-t-il dans un chuchotement rieur qu'on ne lui voyait pas souvent, néanmoins de plus en plus ces derniers temps.

Nous étions passés si près de le perdre et ce, à plusieurs reprises, que le voir esquisser un sourire et faire un brin d'humour était déjà une grande victoire. Depuis quelques semaines – la mort d'Ivory, en somme – son comportement avait changé du tout au tout. Lui qui était dépressif et suicidaire, s'ouvrait à présent vers l'avenir. Même s'il n'était pas d'un naturel très enjoué et expressif, la différence faisait plaisir à voir.

— Pour une fois que c'est elle qui se fait moucher, moi je dis bravo ! intervint Cooper de derrière son volant.

— Heureusement qu'elle est là pour mettre un peu d'ambiance ! Vous êtes tous tellement sérieux et rabat-joie, réagit Jenny sur le ton de l'humour en donnant un petit coup de coude à Cooper.

Ce dernier rigola mais sans se départir de sa concentration, le regard toujours braqué sur la route.

— Nous ne devrions pas tarder à arriver, ajouta-t-il en sortant de la voie rapide, après avoir brièvement consulter son GPS.

Le voyage s'était déroulé dans un silence tranquille et apaisant, chacun profitant de cet instant de calme pour assimiler les derniers évènements et se reposer un peu. Pourtant, lorsque la voiture commença à enchainer les virages, pénétrant un peu plus à chaque kilomètre dans les profondeurs de la ville, la tension s'installa de nouveau.

Il était presque midi mais en cette journée d'automne, le soleil peinait à transpercer la couche nuageuse, nimbant les rues d'une grisaille triste et fade. Le premier slogan haineux, peint à la bombe rouge sur une poubelle, frappa mes rétines comme un missile.

« À MORT LES MONSTRES »

Virent ensuite les carcasses de voitures brûlées abandonnées au milieu de barres d'immeubles vétustes dont les portes et les murs étaient couverts d'affiches malveillantes invitant à la vengeance et à la haine.

« NON AUX ABOMINATIONS ! »

« VENGEONS NOS MORTS »

« LA TERRE AUX HUMAINS »

« FAISONS PAYER CES ANIMAUX »

Chaque slogan criard, parfois mal orthographié, hurlant ses horreurs en majuscules, semblait poignarder mon cœur un peu plus profondément à chaque lecture. J'aurais voulu baisser les paupières, ne pas regarder toute cette laideur mais je ne pouvais m'en empêcher. Les stigmates de ces deux nuits d'horreurs encore apparent dans le quartier défavorisé que nous traversions. Impacts de balles sur les façades, tâches sombres sur les pelouses anémiques, vitrines de magasins fracassées... tout était là pour rappeler aux hommes les atrocités dont ils venaient d'être victime. Pour qu'ils n'oublient pas, pour que l'envie de vengeance et la haine perdure...

Un silence consterné régnait sur l'habitacle, au diapason des visages fermés et résignés de ses occupants.

— On ne s'y habitue pas, même en les voyants tous les jours, dit Cooper d'une voix triste. Mais même dans le plus sombre des tableaux, on peut trouver une lueur d'espoir, regarde.

Lupus NostrumOù les histoires vivent. Découvrez maintenant