Intrigués plus qu'inquiets nous la suivîmes, rebroussant chemin vers le couloir. Un peu gênée de laisser la pauvre Asmodée toute seule sur son lit, je me retournai vers elle.
— Ne vous inquiétez pas. Nous ne sommes peut-être pas très nombreux en ce moment mais heureusement, les patients non plus. Quelqu'un va venir examiner votre amie, nous dit notre guide arrivant devant la porte.
Cette dernière s'ouvrit à l'instant où elle allait poser sa main sur la poignée. L'impulsion fut si énergique qu'elle faillit se la prendre dans le nez.
— Oh, désolé Greta ! s'excusa un homme d'âge moyen en levant enfin les yeux de son portable. Nous avons un patient ?
— Oui, une patiente. Blessure par balle et possible entorse de la cheville, elle t'attend lit numéro deux.
— Humain ou non humain ? demanda-t-il en sortant un petit flacon de gel hydroalcoolique de la poche de sa blouse, avant de se désinfecter les mains.
— Humaine, mais c'est une sorcière. Pas besoin de faire attention.
— Ok, lui répondit-il avec un sourire franc qui le rajeunit aussitôt avant de se diriger d'un pas énergique vers Asmodée.
Nicolas et moi échangeâmes un regard surpris tandis que nous la suivions dans le couloir par lequel nous étions arrivés.
— Henri est médecin mais c'est aussi un métamorphe dauphin, nous expliqua Greta en refermant la porte. Il peut déceler les fractures et bien d'autres choses sans radio, échographie ou scanner. C'est super pratique mais difficile à expliquer à certaines personnes... surtout en ce moment. Votre amie sera fixée sur son état en moins de cinq minutes.
— Vu la question qu'il vient de vous poser, cela signifie que vous soignez aussi des humains non-initiés ici ? s'étonna Nicolas de nouveau sur le qui-vive.
— Ce n'était pas le cas avant. Mais depuis que vous et vos sentinelles avaient commencé à aider les humains victimes d'attaques, le bouche à oreille fonctionne plutôt bien et certains parviennent à nous trouver ou se font accompagner jusqu'ici. Lorsque, par chance, l'attaque ne les a pas contaminés, nous préférons nous faire passer pour des humains sympathisants de la cause métamorphe, c'est plus sûr pour tout le monde.
— Je n'étais pas au courant. Vous avez eu beaucoup de cas de ce genre à gérer ? lui demanda Nicolas, un pli soucieux barrant son front.
— Quelques un, mais heureusement, à chaque fois, il y avait eu plus de peurs que de mal. Ce qui nous amène justement au service que je voulais vous demander, nous dit-elle en s'arrêtant devant une des autres portes du couloir. Ils sont arrivés hier soir et... j'avoue que je ne sais pas trop quoi en penser.
Sans attendre elle frappa un petit coup discret sur la porte et poussa le battant. Une douce chaleur nous enveloppa aussitôt, provenant de deux convecteurs électriques disséminés. La pièce, qui devait servir de salle de repos, était chaleureuse et accueillante même avec l'absence de fenêtre. Un tapis moelleux recouvrait presque entièrement le sol de béton et supportait une table basse où fumaient plusieurs mugs colorés. Deux canapés disposés en L et recouverts de plaids complétaient l'ameublement. Un homme blond était assis nonchalamment sur celui de gauche, sa cheville callée sur son genou dans une pose décontractée et blottis au milieu des coussins de celui de droite, trois paires d'yeux nous fixaient.
— Moïra, ce sont les renforts dont je vous ai parlé. Voici Nicolas et Rose, nous présenta Greta ignorant totalement l'homme qui ne s'en formalisa pas.
— Bonjour, nous dit-elle d'une voix prudente tout en essayant de rassurer ses enfants qui nous fixaient comme si nous étions des monstres particulièrement laids.
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Lupus Nostrum
ParanormalSuite au plan machiavélique de Ivory consistant à lâcher une horde de loup-garou sur les humains, le temps de la conciliation est révolu. Les métamorphes sont désormais traités comme des monstres et des parias et forcés de se cacher ou de se défend...