Chapitre 4-2

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Storm déboula dans la pièce, précédé d'un courant d'air froid et humide charriant les odeurs d'humus typique de l'automne. Il stoppa net devant nos têtes d'enterrements, la porte restée béante derrière lui.

— Apparemment, ce ne sera pas le premier de la soirée ?! ajouta-t-il en fermant finalement le battant avant de s'avancer vers nous.

— Vas-y, fais-nous rêver ! Je crois que l'on n'est plus à ça près ! soupira Lyn d'un ton grinçant tout en allant allumer la cafetière. Je pense que l'on va en avoir besoin, continua-t-elle en dosant le café. Qui a besoin de dormir, franchement ?!

Personne ne releva son bougonnement ironique, bien trop conscient de la fatigue, du stress et de la lassitude pesant de plus en plus sur nos épaules.

— J'ai fait des recherches sur notre invitée surprise, commença à nous expliquer Storm. Grâce à notre Cooper super geek, j'ai toujours mes entrées sur les serveurs de la police. Donc, durant mon tour de garde, cette nuit, je suis allé fouiner... et l'histoire de la gamine ne tient pas la route.

— Oh mais quelle surprise !

Le sarcasme mordant nous surpris, non pas car nous avions gobé sans sourciller la version rocambolesque de Abby, mais parce que la pique, pour une fois, ne venait pas de Lyn mais de Uriel. Plutôt secret et renfermé de nature, nous ne savions toujours pas grand-chose de lui et de son parcours avant sa rencontre funeste avec Ivory, d'où notre étonnement général. Quoique si Lyn et lui se fréquentaient, ceci expliquait sans doute cela.

— Elle nous a affirmé ne se souvenir de rien depuis la première attaque d'il y a trois mois. Pourtant, j'ai fait des recherches à son nom dans les bases de données de la police, des hôpitaux et j'en passe... et rien ! Aucun avis de disparition, ni d'admission à l'hôpital, ni de plainte pour agression... rien de rien ! Et pourtant tout le reste est vrai. Ses parents se nomment Alejandro et June Morales, lui est avocat et elle médecin. Ils ont aussi une deuxième fille de 19 ans prénommée Kara. Famille aisée, sans histoire, bien sous tout rapport. Alors pourquoi n'aurait-il pas signalé la disparition de leur fille ?

— Demande de rançon ? argua Lyn. Comme tu le dis, ils n'ont pas l'air dans le besoin, ce serait plausible.

— En effet, mais figure-toi que j'y ai pensé ! Je suis allé vérifier aussi loin que j'ai pu. Aucune alerte nulle-part.

— Peut-être qu'ils ont voulu régler ça seuls. Ils ont payé les ravisseurs et n'ont plus jamais eu de nouvelles. Ils la croient sûrement morte à l'heure qu'il est.

— Dans ce cas de figure tu finis par prévenir les autorités, rien que pour déclarer et explicité la disparition d'une mineure. Là, il n'y a rien ! C'est comme si Abby vivait toujours parmi les siens. Même son école n'a pas signalé sa disparition ! Non, c'est vraiment étrange.

— Le mieux c'est encore d'aller lui poser la question ! trancha Nicolas d'une voix sourde en se dirigeant vers la porte.

Lyn et moi lui emboitâmes tout de suite le pas, aussitôt rattrapées par Uriel et Storm.

— Je n'ai jamais dis avoir besoin de spectateurs il me semble ?! grogna Nicolas sans se retourner, la main sur la poignée de la porte.

— Ce sont des réponses que tu veux, non ? contrattaqua aussitôt Lyn. Si tu y vas seul en mode grand méchant loup, comme maintenant, m'est avis que tu récolteras... nada ! Une touche féminine et rassurante à tes côtés ne serait peut-être pas de trop ?

Je gommai vite le petit sourire spontané venu étirer mes lèvres, pour ne pas énerver davantage Ombre. Il n'y avait que Lyn pour pouvoir balancer des trucs comme ça à Nicolas lorsqu'il était stressé sans qu'il ne réagisse de manière excessive. L'avantage de Lyn, hormis sa grande bouche et son humour particulier, était qu'elle n'était pas un loup et encore moins un loup-garou. Ce qui déstabilisait suffisamment Ombre – le loup de Nicolas – pour lui donner l'avantage dans certaines situations.

— Parce que tu te considères comme une figure rassurante ? ironisa-t-il finalement en se tournant enfin vers nous. Je ne suis pas certain qu'introduire un autre prédateur dominant dans la cellule d'une jeune louve à-demie sauvage soit l'idée du siècle.

Lyn, déjà prête à répliquer avant même la réponse de Nicolas, marqua un temps d'arrêt, la surprise se lisant aisément sur son visage ouvert.

— Heu... en fait je pensais surtout à Rose ou Shay... plutôt qu'à moi.

— Shay a déjà fait assez de dégâts dans la hiérarchie de la meute pour une seule nuit, d'ailleurs nous réglerons cela bientôt, ajouta-t-il à l'adresse d'Uriel et de Storm. Mais Rose est toujours la bienvenue à mes côtés et c'est une bonne idée, ajouta-t-il en lançant un regard songeur à Lyn.

En effet, son hésitation était curieuse et ne lui ressemblait pas vraiment, elle qui était toujours si sûre de tout même quand elle ne savait rien !

— Quelque chose te tracasse, Lyn ? lui demandai-je finalement.

— Non, rien, finit-elle par répondre après une seconde d'hésitation. Allons-y, si nous voulons avoir une chance de dormir quelques heures cette nuit, ajouta-t-elle de nouveau avec son mordant habituel en passant devant Nicolas comme une fusée.

Nous échangeâmes un regard perplexe puis finîmes par la suivre, la fatigue et la lassitude pesant un peu plus sur nos épaules à chaque pas supplémentaire. L'air frais me fit du bien même si je regrettai assez vite l'absence de manteau sur mes épaules, malgré le peu de distance que nous avions à parcourir. Nicolas, me voyant frissonner, entoura mes épaules de son bras et m'enveloppa de sa chaleur. Nous dûmes nous séparer pour nous engager dans l'escalier étroit menant à notre nouveau sous-sol.

Nous arrivâmes dans une petite pièce carrée en béton brut, encore vierge de tout mobilier. Deux portes en métal renforcé s'ouvraient dans le mur du fond, Shane montant la garde entre les deux battants clos.

— Rien à signaler ? lui demanda Nicolas.

— Non. Shay veille sur le blessé. Pour le moment il s'accroche.

— Et la jeune louve ?

— Je l'ai entendu pleurer... j'ai été tenter d'aller la voir pour la rassurer, mais j'ai eu peur de faire pire que mieux.

— C'était il y a longtemps ?

— Une petite heure je dirais. Depuis c'est calme, elle doit dormir.

Même si j'aimais beaucoup Shane, j'eus envie de le secouer. La pauvre gamine devait être perdue et effrayée, seule et enfermée comme une criminelle. C'est donc dans un soupir agacé que je m'approchai de lui.

— Quelle porte ? lui demandai-je.

— Celle de droite.

— Et, Shane, la prochaine fois que tu entends une jeune fille pleurer, seule et enfermer dans une pièce sécurisée... n'hésite pas ! lui balançai-je d'un ton excéder en tournant la clef dans la serrure. 

Lupus NostrumOù les histoires vivent. Découvrez maintenant