Chapitre 28

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*3 mai 835*

La fin de la journée était passée à une rapidité folle, sans que nous nous apercevions de quoi que ce soit. J'avais raconté à mes amis l'interrogatoire de Zackley, son conseil de faire profil bas, le Major et notre chef d'escouade ne devant en aucun cas intervenir dans l'interrogatoire, Lothar qui avait remis à sa place l'autre jeune soldat des Brigades Spéciales. (Il s'était avéré qu'Erwin le connaissait : il s'agissait de Naile Dork, un ami à lui dont il avait fait connaissance au cours de leur formation dans les Brigades d'entraînement.) Cette histoire me rendait tellement dingue que la seule chose qui me venait à l'esprit était de m'enfouir sous la couette et de ne plus en sortir.
Mais il ne fallait pas rêver non plus. Ce n'était pas en faisant l'autruche que les problèmes allaient se régler. Pas par eux-mêmes.
La seule chose à faire était d'agir avant que les mauvaises herbes ne deviennent trop hautes.
Après avoir entendu mon histoire, mes amis avaient apporté tout leur soutien. Mike, surtout, se tenait près de moi et essayait de me faire penser à autre chose. Mais je restais inquiète. Zackley avait conseillé que je fasse attention et prenne des dispositions pour ma famille. Comment allais-je me débrouiller pour les mettre à l'abri d'un danger invisible ?
Pour cela, je pouvais compter sur ceux qui avaient une famille. Rien de mieux que de recevoir les conseils de quelqu'un qui était parent pour trouver des idées.
C'était le capitaine Rosenberg qui m'avait conseillé, lors du dîner, quelques heures après le passage de Zackley. Étant marié et père de deux jeunes enfants, lui ferait n'importe quoi pour protéger sa famille du danger - au péril de sa propre vie.
- Va voir ton oncle et ta tante pour leur expliquer la situation, avait-il dit. Cela évitera d'envoyer des pages entières pour une seule lettre, et attendre la réponse. J'interviendrai auprès du Major.
Je hochai la tête, reconnaissante de cette permission inattendue pour rendre visite à ma famille. Kássandros et Junna étaient comme des parents de substitution à mes yeux, et Ilías comme un frère, bien meilleure famille que mon père ne l'avait été. S'il arrivait quoi que ce soit aux Ivoldo pendant mon absence... je risquerais de m'en vouloir toute ma vie.
J'avais déjà perdu une amie très chère à mes yeux, perdre un autre proche serait un coup de massue horrible. Pour finir quelqu'un émotionnellement, il n'y avait pas mieux !
Assise sur le bord du lit, plus tard dans la soirée, les événements de la journée revenaient en mémoire. Toutes les questions posées par le général Zackley et les seules informations que j'avais pu lui fournir... cela revenait constamment en tête. Comme les souvenirs d'enfance. Pas facile de faire le lien de parenté entre les frères de ma pauvre mère - Gabriel et Kássandros ne se ressemblaient même pas ! Ni physiquement, ni mentalement. Kássandros se montrait plus amical, passionné par son travail d'artisan, et aimant et protecteur envers sa famille (tout en ayant un côté vieille école) ; ses cheveux avaient blanchi depuis un moment. Et il n'était que le deuxième de cette fratrie de trois enfants, chez les Ivoldo.
Gabriel, l'aîné, commençait tout juste à devenir grisonnant sur ses cheveux châtains, et son visage comme taillé dans la pierre ne possédait aucun point commun avec celui de son cadet. On remarquait d'emblée ses yeux vairons - un œil vert d'eau, un œil noisette - et son caractère plus explosif et sans pitié, signe qu'il s'était battu plus jeune pour survivre face à un père violent puis face à ses ennemis, peu importait le prix.
Moi-même, j'avais du mal à faire le lien entre eux deux. Comment aurais-je pu deviner qu'ils étaient frères, avec autant de différences ? Ilías et sa mère non plus ne s'étaient rendu compte de rien. Kássandros ne nous en avait pas parlé pour une bonne raison, mais...
Mike vint s'installer près de moi après s'être débarrassé de la tenue du Bataillon d'exploration pour une plus décontractée. Sans rien dire, et par instinct, je posais ma tête sur son épaule au même moment que son bras enroulait mes épaules. Les paroles n'avaient pas besoin d'être prononcées pour faire comprendre à l'autre l'envie de le sentir présent, à ses côtés.
Sa présence seule et son soutien sans faille m'apportaient du bonheur.
- Tu repenses encore à ce qui s'est passé dans le bureau du Major ? s'inquiéta mon ami, qui vit mon malaise, en caressant mon bras.
- Oui, et j'ai l'impression de ne pas avoir beaucoup aidé le général dans son enquête. En même temps, comment ç'aurait été possible ? Jusqu'à il y a peu, je ne connaissais pas du tout l'autre frère aîné de ma mère, et mon oncle Kássandros n'en avait parlé que très peu. Sans citer son nom. Je n'avais même pas relevé la familiarité qu'utilisait Gabriel, le peu de fois où il passait à l'atelier ! Dire qu'il était là, JUSTE sous mon nez, et ceux des salariés et de ma tante et mon cousin...
- Akiko, tu n'étais qu'une enfant. Aucun de vous n'aurait pu deviner la véritable identité de cet individu, fit remarquer Mike. Si Kássandros n'a rien dit sur lui, c'est qu'il y avait une bonne raison.
- Comme quoi, par exemple ? demandai-je avec amertume. Qu'il ait honte d'être le frère d'un tueur en série ? Et que c'est pour ça qu'il ne voulait pas nous en parler ?
Je passais les mains sur mon visage en soupirant :
- Étrangement, je ne suis pas en colère contre lui. La seule chose que je lui reproche est de ne pas nous en avoir parlé plus tôt. Cela aurait pu éviter des morts inutiles.
Le souvenir douloureux de Honey baignant dans une mare de sang, en pleine journée, alors qu'elle faisait juste son boulot, revenait à vitesse grand V. Sa seule erreur aura été de se retrouver au mauvais endroit, au mauvais moment.
Mike me serra un peu plus contre lui en posant un baiser sur mon front, en assurant que même si quelqu'un d'autre avait réussi à sauver Honey avant qu'elle ne meure et à retenir Gabriel, il n'aurait sans doute pas survécu longtemps à ses coups.
- Rien de tout ça n'est de ta faute. Tu n'aurais rien pu faire, face à lui. Il aurait pu te tuer, toi aussi... même si tu es sa nièce.
Ces mots étaient durs à entendre, mais il avait raison. Ce n'est pas parce que j'étais la nièce de Gabriel Ivoldo, l'assassin surnommé le Monstre de Mithras, que j'aurais le droit à un traitement de faveur. Après tout, n'est-ce pas lui qui m'avait poursuivi à travers Trost tout entier après le meurtre de notre plus proche amie ?
Doucement, Mike commença à m'embrasser le front, puis les lèvres, langoureusement. Ça m'avait manqué. Ce baiser eut l'effet immédiat de m'apaiser et d'oublier les soucis récents, pour un instant. La nuit allait être longue...

« 𝓣𝓱𝒆 𝓬𝓪𝓹𝓽𝓪𝓲𝓷 𝓸𝒇 𝓶𝔂 𝓼𝓸𝓾𝓵 [SNK ~ Mike X OC] » / TERMINÉOù les histoires vivent. Découvrez maintenant