Chapitre 1

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*15 mars 835*

Le vent était frais, aujourd'hui. On sortait doucement de l'hiver pour se rapprocher du printemps, mais on sentait encore le froid nous mordre les joues, à certains moments de la journée. Ça dépendait de l'heure et de l'endroit où nous nous trouvions. La température n'était pas forcément la même à travers les Districts et villages des trois immenses Murs de bétons : Maria, Rose et Sina. Ils mesuraient 50 mètres de haut chacun, alors aucun risque que les Titans viennent nous envahir. Je dis bien aucun risque...
Aujourd'hui je n'arrivais pas à comprendre pourquoi le tout premier roi des Murs avait renoncé à sauver l'Humanité, à se battre contre les Titans. Mais l'instinct me chuchotait que ce comportement semblait tout, SAUF normal ; que sa décision nous avait tous plongés dans le mensonge, que c'était pour cette raison que les aristocrates et autres hommes riches et corrompus nous regardaient de haut et en profitaient pour magouiller.
À cause de ce roi, nous étions forcés à vivre comme du bétail et à avoir peur de l'extérieur, à oublier comment le paysage en-dehors des Murs était fait. Aucune archive papier n'en faisait mention, depuis l'an 743. C'était l'année de la construction de ces Murs.
Il ne fallait donc pas s'étonner qu'après, une seule poignée d'hommes et femmes téméraires osaient partir explorer les environs, pour découvrir l'origine des Titans.
Le bataillon d'exploration.
Le gouvernement et les Brigades Spéciales avaient toujours eu la mauvaise habitude de nous envoyer des bâtons dans les roues, aussi loin que je m'en souvienne. Je pensais même que la réputation du bataillon d'exploration était ternie par leur faute. Ils n'hésitaient absolument pas à faire les pires coups pour nous empêcher d'avancer, et de faire des découvertes sur le monde extérieur et la venue étrange des Titans sur cette Terre qu'était la nôtre. Quelle bande de fumiers, tout qu'ils étaient ! Ils ne méritaient même pas d'être considérés comme des humains avec des émotions, tous ces politiques corrompus du gouvernement des trois Murs.
Si ça ne regardait que moi, je leur enverrai mon poing dans leur tronche. Mais ça ne ferait qu'empirer les médisances déjà existantes sur le bataillon d'exploration. Alors, raison de plus pour se tenir à carreaux pour ne pas faire de heurts, comme d'habitude.

*
* *

Ce jour-là, nous venions de terminer notre entraînement, des combats au corps-à-corps et le maniement de la manœuvre tridimensionnelle à travers les immenses rues de Trost, sur les Titans en bois installés pour l'occasion. Comme la plupart de mes compagnons faisant partie de ma promotion ou qui venaient d'arriver, j'étais crevée. Les plus anciens n'échappaient pas non plus à la règle : une sorte de lueur dans leurs yeux montrait la fatigue qui les animait à la fin de l'entraînement. Pourtant, tous faisaient preuve d'une détermination sans faille lorsque cela concernait les Titans.
La prochaine exploration Extra-Muros se ferait d'ailleurs dans un mois et demi. On avait reçu l'ordre de s'entraîner durement pour éviter de plus grosses pertes que d'habitude, et dans le même temps quelques jours de repos, répartis sur les six semaines, afin que l'on puisse se reposer un peu. Cela permettait de ne pas avoir la tête remplie comme une citrouille, à force de s'initier aux entraînements.
En temps normal, les soldats du bataillon étaient logés au Q.G. situé sur le chemin qui reliait les Districts de Trost et Shiganshina. Mais, là, nous nous avions fait notre entraînement à Trost toute la journée. Alors nous prenions le chemin pour l'autre Q.G. placé dans le centre du District. Il se faisait déjà tard.
Alors que nous entrâmes dans la cour du Q.G. de Trost, j'en profitai pour m'asseoir sur un banc, à l'écart. J'avais besoin de récupérer sans personne autour. Je me sentais oppressée dès qu'il y avait trop de foule, beaucoup trop de foule. Je bus une gorgée d'eau de la gourde que mon oncle maternel, Kássandros Ivoldo, m'avait offert, à la fin des trois années passées dans ma brigade d'entraînement. Kássandros était artisan. Il disait que ça pourrait servir au cas où, et il avait bien deviné.
Je n'avais pas connu ma mère, morte à ma naissance ; et aussi loin que remontaient mes souvenirs, mes relations avec mon père avaient, quant à elles, toujours été houleuses. Autoritaire et tyrannique, accaparé par son travail, il ne s'était jamais préoccupé de moi et ça ne s'arrangeait pas avec le temps. Et quand il daignait enfin me prêter une quelconque attention, c'était pour me faire des reproches et me répéter de bien me tenir. Il souhaitait que je sois obéissante et fasse un bon mariage, plus tard. Dans ses yeux, aucun amour paternel ne s'y reflétait, alors qu'un père devait normalement aimer ses enfants. Je n'avais jamais connu l'amour d'un père - pas celui du mien.
Ne pouvant plus supporter cette situation, j'avais fini par prendre la décision difficile de fuguer de chez moi. Ce n'était pas un choix facile à faire, pour une enfant de 10 ans, mais j'en avais plus qu'assez d'attendre que mon père s'intéresse à moi en tant que sa fille, et pas en tant qu'objet, qu'il utilisait à sa guise pour parvenir à ses fins. Ma vie m'appartenait, et le chemin que je souhaitais moi-même prendre ne concernait que moi, et moi seule.
Les Ivoldo avaient été très gentils avec moi, quand ils m'avaient recueillie chez eux. Ils m'avaient écoutée et souhaitaient mon bonheur, ils faisaient partie de ces personnes attentionnées envers leurs proches. Kássandros était le frère aîné de maman, et il l'adorait. Pas une fois il n'avait hésité pour me porter secours et à m'encourager, lorsque je lui avais confié mon envie d'entrer dans l'Armée Humaine. Mon oncle était un père de famille fantastique. Et je ne le remercierai jamais assez, ainsi que sa femme, Junna, et leur fils, Ilías, qui avait mon âge. (Nous étions tous les deux nés le même jour, avec quelques heures d'intervalle seulement.)
Tant de souvenirs me reviennent en mémoire, les bonnes comme les mauvaises. J'avais hâte de les revoir pour les remercier d'avoir été si prévenants à mon égard. Mon prochain jour de repos approchait à grands pas, d'ailleurs. J'irai leur rendre visite ce jour-là.
Je me surpris à avoir une pensée pour mon père, et à me demander ce qu'il faisait en ce moment. Il n'avait même pas réagi quand j'avais fugué de chez nous. Ça prouvait bien qu'il n'en avait rien à faire de mon existence. Si cela avait vraiment été le cas, il serait venu me chercher chez les Ivoldo. Son comportement hautain m'exaspérait au plus haut point !
Alors que je me débattis avec mes démons intérieurs, je ne remarquai même pas que quelqu'un s'était approché du banc où j'étais assise.
- Tu as l'air bien pensive, tout d'un coup, s'éleva une voix d'homme. C'est l'entraînement qui te met dans cet état ?
Je sursautai et levai les yeux. Mike se tenait à côté de moi.

« 𝓣𝓱𝒆 𝓬𝓪𝓹𝓽𝓪𝓲𝓷 𝓸𝒇 𝓶𝔂 𝓼𝓸𝓾𝓵 [SNK ~ Mike X OC] » / TERMINÉOù les histoires vivent. Découvrez maintenant