Chapitre 10

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Seconde lettre de Ménélas Eyre

Mr. Ménélas Eyre
Manoir Eyre
District de Yarckel, Mur Sina

Au District de Yarckel,
Le 19 mars 835

Ma fille chérie,

N'ayant pas répondu à la première lettre, je dois supposer que tu m'en veux encore malgré les années qui sont passées. D'un côté, je comprends ta réaction : je me suis comporté comme un véritable salaud avec toi, alors que tu n'y es pour rien dans la mort de ta mère, et je n'espère en aucun cas ton pardon dans l'immédiat. C'était mérité. Mais, Akiko, je te représente une nouvelle fois mes excuses. Si je pouvais revenir en arrière, je ferais les choses différemment et ainsi, tu ne m'aurais pas haïe au point de fuir la maison.
Ta mère doit certainement m'en vouloir à mort, de là où elle se trouve maintenant. Je suis persuadé qu'elle n'aurait pas apprécié la façon dont je me suis éloigné de toi et qu'elle m'aurait tiré les oreilles. Ça serait dans sa nature...
Pas un jour ne passe sans que je me reproche ce qui s'est passé. C'est ma faute si tu es partie, Akiko. Après le décès de ta mère, je me suis laissé aller dans la tristesse, devenant l'ombre de moi-même. J'avais peur de te faire du mal, ma fille, et voilà le résultat... Je te demande pardon, ma chérie.
Te revoir me ferait très plaisir. Je serai heureux de te voir en tant que jeune femme - bientôt vingt-trois ans, ça donne un sacré coup dans la figure.
Je t'aime, ma petite fille.

Ton père

*retour dans le présent - 29 mars 835*

Cette seconde lettre était plus courte que la précédente. Je la repliai aussi vite que je l'avais dépliée, remontée comme jamais. Qu'imaginait-il ? Que de simples excuses permettront d'effacer ce qu'il m'avait fait endurer d'un claquement de doigts ? Il rêvait, ma parole ! Ce n'était pas demain la veille qu'il aura de mes nouvelles, celui-là... même si j'étais sa fille.
Alors que je levais les yeux, Mike et Erwin discutaient. Où était donc passé Ilías ?
- Alors, on fait des cachotteries ?
Je fis des bonds de trois mètres et, en reculant, je faillis percuter l'étalage dans mon dos. Ravi de m'avoir fait peur sans attirer l'attention, mon cousin éclata de rire. Quel idiot ! Et dire que je ne l'avais même pas entendu !
- Si tu voyais ta tête, Kiko, ricana Ilías, c'est énorme !
Et ça le faisait rire ! À cause de lui, j'avais failli mourir d'une syncope !
- Je ne vois pas ce qu'il y a de si drôle, répliquai-je, vexée.
- Le fait que tu tires une tronche longue de dix mètres, après t'avoir fichu la frousse, est toujours hilarant ! dit mon cousin en continuant de rire. C'est fou comme tu changes d'émotions comme de chemise.
Non mais lui, j'allais l'étriper, s'il continuait dans cette direction ! Ilías ne perdait rien pour attendre, il pouvait en être sûr... D'ailleurs, j'allais réfléchir à une petite vengeance, histoire de lui rendre la monnaie de sa pièce. Il allait voir de quel bois je me chauffait ! Enfin... mon cousin était loin d'être idiot. Il me connaissait suffisamment pour savoir qu'à un moment ou à un autre je lui botterai le derrière en quelques secondes.
Évidemment, le fou rire nerveux d'Ilías ne passa pas inaperçu. Et mes amis se tournèrent vers nous en un éclair.
- Eh bien, ça a l'air de bien s'amuser, ici, commenta Erwin avec un sourire. Qu'est-ce qui vous fait rire à ce point ?
- T'occupe, j'ai juste fait peur à Kiko, répondit Ilías, l'air innocent. Elle était tellement concentrée par ses pensées qu'elle ne m'a pas entendu arriver, et ça ne lui a visiblement pas fait plaisir d'avoir reçu la frousse de sa vie. Et je crois que sa vengeance ne va pas tarder à venir... Aïe !
Pendant qu'il parlait, j'en avais profité pour m'approcher discrètement dans son dos et ensuite lui envoyer une tape derrière le crâne. Ce qui fit cesser instantanément son monologue.
- Quand tu auras terminé de raconter des âneries, répliquai-je, redescends un peu sur terre, tu veux ?
Puis je tournai les talons et je me rendis à l'étalage le plus proche de notre position, là où l'on s'était arrêtés depuis qu'Ilías nous avait rejoints.
Parlant d'Ilías... C'est fou comme lui et moi étions vachement différents sur le caractère, malgré notre lien de parenté comme cousins, et que nous nous ressemblions beaucoup physiquement. Je me montrais plus sérieuse et clairvoyante, alors qu'Ilías était plus excentrique, insouciant et blagueur. Il arrivait aussi où je me demandais si nous faisions bel et bien partis de la même famille, à cause de ce détail. Mais on s'adorait malgré tout, et on était très complices lorsqu'on taquinait son père sur son « grand âge ».
En regardant le contenu de l'étalage, je remarquai la présence de packs de bouteilles en bois, avec comme inscription : thés à la pêche. C'était une boisson qui se buvait froid, créé au District d'Optimus, au nord du Mur Maria. Ma tante en raffolait et il fallait toujours prévoir des réserves avant qu'elle ne fasse une descente. Une tarée !
Erwin interrogea mon cousin sur la commande que l'atelier de son père traitait en ce moment - une commande qui devait suffisamment être importante pour aller chercher de quoi prévoir en outils et autres, afin de terminer dans les temps. Ilías expliqua qu'un noble vivant dans le Mur Sina avait émis le souhait de faire la surprise à son enfant en lui offrant une horloge à coucou.
- Tu imagines bien que nous sommes tous tombés sur le cul, à l'atelier, en apprenant le but de la commande, ajouta-t-il. Une horloge à coucou ! A-t-on idée ! Nous fabriquons principalement des armes pour l'armée, pas ce genre de fabrication ; il aurait dû se renseigner auprès d'un horloger. Mais il avait insisté pour que ce soit nous, et finalement mon père a accepté. On devinait à sa tête que ça ne lui plaisait pas trop.
- Et je suppose que c'est la raison pour laquelle c'est tendu entre tes parents, comprit très vite Erwin.
- C'est tout à fait cela. D'autant qu'à part eux, personne ne connaît le nom du client de Sina. Nous avions bien essayé de leur tirer les vers du nez, moi comme les autres artisans, rien n'y a fait... Mes parents se montrent aussi têtus que des mules !
Ilías soupira.
- Je me demande comment je vais m'y prendre pour qu'ils crachent son nom. Une fois leur décision prise, rien ne peut leur faire changer d'avis.
- Tiens, c'est marrant ! J'en connais un autre qui est comme ça, fis-je remarquer, pour enquiquiner le principal intéressé.
- Non mais dis, ça va aller, oui ?! Ce n'est pas la Saint-Ilías aujourd'hui, aux dernières nouvelles ! Et puis, niveau entêtement, tu es mal placée pour critiquer, Kiko.
- Tu m'appelles encore une fois par ce surnom ridicule, et je te jette depuis le haut du Mur Maria, Ilías Ivoldo.
- J'aimerais bien voir ça.
Comme à l'accoutumée, Erwin et Mike s'amusèrent de notre fausse querelle. Ils avaient bien vu qu'on se comportait plus comme un frère et une sœur que comme de simples cousins. Ce n'étaient d'ailleurs pas les premiers à se faire la remarque.
La « dispute » se termina rapidement lorsque Mike demanda si c'était du thé. Ilías et moi tournâmes la tête en même temps, étonnés par la question.
- Du thé ? Quel thé ? répéta Ilías, ne comprenant pas à quoi mon ami faisait allusion, jusqu'à ce que je pousse une exclamation.
- Je pense avoir compris de quoi parle Mike. Ça doit être de ÇA que retourne la question...
Mon cousin fit un bond de trois mètres en reconnaissant le pack de bouteilles que je montrais :
- C'est du thé à la pêche d'Optimus, non ?
- Lui-même. Et je pense que tu ferais mieux d'en profiter, le commerçant qui tient l'étalage dans mon dos en vend actuellement. Ta mère doit être toujours aussi fan de cette boisson...
Il ne fallut pas moins de dix secondes pour qu'Ilías s'y précipite à la vitesse de l'éclair. J'en déduis que tante Junna raffolait toujours autant du thé à la pêche.
Je pus enfin parler tranquillement avec les garçons. Erwin s'étonna de l'existence de cette boisson, ne la connaissant pas. Je lui racontais donc son origine, et comment ma tante en était venue à en boire - au point de l'adorer.
- Et elle en a toujours bu ? questionna Mike
- Depuis vingt ans, oui. D'ailleurs, je me demande comment elle fait pour boire ce genre de truc. Je n'ai jamais trop aimé.
- Tout le monde n'a pas les mêmes goûts, et c'est normal, déclara Erwin.
- Oui, et heureusement ! confirmai-je en soupirant. Mais dis-toi que tu ne vois pas la réaction de ma tante quand on lui apporte le thé à la pêche.

*1er avril 835*

On apprit la grande nouvelle en fin de journée : le deuxième enfant de Clémens Rosenberg, capitaine du bataillon d'exploration, et Erna bon Schwarz, infirmière et Métamorphomage de la Guérison, était né. Une petite fille du nom de Julia Rosenberg. Dans sa lettre, le capitaine précisait que leur fille avait montré des signes prouvant ses origines de Métamorphomage, une demi-heure après sa naissance : des petits éclairs - à l'instar de ceux vus lors des orages - étaient apparus dans ses mains, comme si ça coulait de source.
La petite Julia Rosenberg était donc une Métamorphomage maîtrisant la Foudre.
Le capitaine racontait aussi qu'Erna était épuisée mais qu'elle se portait comme un charme, ainsi que le bébé, bien entendu. Elle nous passait le bonjour.
Après la lecture de la lettre, Mike nota qu'en dehors du capitaine qui était un homme dit « normal », sa famille possédait des maîtrises différentes : sa femme Erna était, comme je l'avais dit un peu plus tôt, une Métamorphomage qui manipulait la guérison (et elle était aussi la Métamorphomage « Originelle », pouvoir qui se transmettait à un autre Métamorphomage quand l'actuel mourrait) ; leur fils Viktor, 4 ans, se montrait comme étant un Métamorphomage du Feu ; et leur fille Julia, à peine née, se révélait être une Métamorphomage de la Foudre. C'est vrai que c'est flagrant, comme coïncidences !
Mais Erna nous avait raconté qu'à la suite d'un désaccord avec le premier roi Fritz, lors de la construction des Murs en 743, la lignée des Métamorphomages avait presque été entièrement décimée par au fil des décennies. Au même titre que les Ackerman et les Asiatiques. Ces trois lignées étaient craintes par le gouvernement. Excepté ces deux informations, personne dans ces familles ne savait pour quelles raisons véritables ils étaient persécutés.
Je réfléchissais sur ce point. Au fond de moi, quelque chose me disait que ça devait être une affaire suffisamment grave pour que le premier roi des Murs se soit mis à dos les Ackerman, les Métamorphomages et les Asiatiques pour un accord dont ces derniers refusaient tout net. Et c'était parti de là...

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Chapitre 9 en ligne, mes petits chats 😘 (Souvenez-vous, le District d'Optimus, au nord du Mur Maria, a été créé par mes soins - voir le chapitre 4.)

#Alixassëa l'Elfique

« 𝓣𝓱𝒆 𝓬𝓪𝓹𝓽𝓪𝓲𝓷 𝓸𝒇 𝓶𝔂 𝓼𝓸𝓾𝓵 [SNK ~ Mike X OC] » / TERMINÉOù les histoires vivent. Découvrez maintenant