Chapitre 7 - lettre pour Akiko

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Mr. Ménélas Eyre
Manoir Eyre
District de Yarckel, Mur Sina

Au District de Yarckel,
Le 6 mars 835


Akiko, ma fille chérie,

Je ne sais si tu liras cette lettre jusqu'au bout, mais, je t'en prie, écoute ce que j'ai à te dire entre ces lignes. Autant te prévenir tout de suite : je ne suis pas doué pour mettre à nu mes émotions.
Quand ta mère est morte, j'étais complètement effondré et incapable de gérer. La première fois que je l'ai rencontrée, lors d'une visite à l'atelier où travaille ton oncle, j'avais tout de suite été charmé par sa beauté et son caractère généreux et enjoué. Ta mère était quelqu'un d'exceptionnel, elle savait comment gérer les conflits sans élever la voix — avec une telle simplicité que, pour elle, il y avait une réponse à tout. Elle adorait aider les autres dans le besoin et n'hésitait pas à partir au quart de tour, pour protéger les personnes qu'elle aime. Exactement comme toi. Enfant, tu ressemblais déjà tellement à ta mère, physiquement et moralement parlant, j'en restais sans voix à chaque fois que mes yeux se posaient sur toi.
Il y a vingt-trois ans, lorsque l'annonce de la grossesse de ta mère est tombée, nous étions fous de joie. Nous avions des rêves pleins la tête, nous pensions que nous aurions plusieurs enfants — nous étions jeunes, quoi ! Mais le destin en avait décidé autrement : le médecin qui a confirmé la grossesse avait ajouté que la santé de ta mère se dégraderait et qu'elle en mourrait en te mettant au monde.
Le ciel nous était tombé sur la tête. Je m'étais effondré sur ma chaise. Je ne me voyais pas vivre sans Sophie, elle était l'amour de ma vie et aussi ma meilleure amie ! La peur me nouait le ventre. Qu'est-ce qui se passerait, si elle laissait la vie en mettant notre enfant au monde ?
J'avais donc essayé de convaincre ta mère des risques, comme le médecin, mais rien à faire ; ta mère restait intraitable. Peu importe ce qui lui arriverait, elle voulait aller jusqu'au bout, disait-elle. Il faut dire que Sophie était aussi connue pour s'entêter, et c'était ce trait de caractère qui m'avait tant plu chez elle. Ne souhaitant pas la contrarier, je n'avais donc pas insisté et j'avais fait confiance à son point de vue.
Si seulement j'avais su le triste sort qui malheureusement s'était, malgré moi, scellé autour de ta mère... ma garde ne se serait jamais baissée, j'aurais dû essayer d'insister davantage sur ce potentiel danger. Et ça aurait ainsi évité les complications à ta naissance, neuf mois plus tard !
Toi, tu as survécu, mais pas ta mère. Elle n'avait que 25 ans.
Plus rien n'a été pareil, après cette tragédie. Les remords me rongeaient intérieurement, je culpabilisais d'avoir entraîné ta mère — et mon plus grand amour — à sa perte, au point de ne plus discerner le vrai et le faux, le bien et le mal. Rien n'avait plus de sens, pour moi.
C'est pour cette unique raison que je m'étais réfugié corps et âme dans le travail, cela me permettait d'anesthésier la douleur que je ressentais au quotidien. Et c'est aussi à ce moment-là que j'ai engagé Lucía et Buchanan, ta nourrice et ton garde du corps, pour t'élever et veiller sur toi ; je me sentais complètement incapable de m'occuper de toi, ni de me retrouver dans la même pièce que toi sans que le souvenir de Sophie me hante. Tu lui ressembles comme deux gouttes d'eau...
Cela explique pourquoi je m'étais comporté comme le pire des tyrans, si ce n'est plus, quand tu étais dans les parages, durant les dix premières années de ta vie, pour t'éloigner le plus possible de moi. Quand j'y repense, ça me paraît complètement ridicule, et je me rends compte que j'ai fait de ton enfance un enfer dans la vie de tous les jours. Mais c'était la seule « solution » qui, à mes yeux, me paraissait la plus tangible pour que tu n'aies pas à ressentir ma colère et ma tristesse. Mais tout ce dont j'ai réussi à faire, c'était de finalement te monter contre moi, et que tu finisses par ressentir à mon encontre une vive haine. Au point de fuguer de la maison l'année de tes dix ans.
Ton départ a été le déclencheur. Ce n'est que ce jour-là que j'ai réalisé l'horreur de mes actes et à prendre en considération toutes les conséquences. Surtout que ta nourrice m'a passé un sacré savon pour mon égoïsme et mon comportement cruel vis-à-vis de toi ! Et Buchanan n'a fait que confirmer ses dires. Tu l'ignores sans doute, mais depuis le décès de ta mère j'ai ressenti une grande culpabilité pour la seconde fois. Je me suis traité de tous les noms en pensant à ce que je t'ai fait ; j'ai même ressenti une grande honte, et du dégoût aussi. Si je n'avais pas agi de cette façon en te considérant comme une paria, rien de tout ça ne serait arrivé... Et tu ne te serais pas imaginé que je te rendais responsable de la mort de ta mère.
Je dois te le dire ici : ce qui est arrivé à ta mère n'est en rien de ta faute. C'est moi seul, l'unique responsable de sa perte. Par ma faute notre famille a été détruite à tout jamais.
Tu m'en veux certainement encore pour ce que je t'ai fait subir, malgré les années, et je ne t'en tiens pas rigueur. Je ne me suis pas comporté comme le meilleur des pères avec toi. C'est ton oncle Kássandros qui me l'avait révélé, dans la lettre reçue une semaine après ton départ, quand tu avais débarquée chez lui sans crier gare. Lui et ta tante Junna ont essayé à maintes reprises de te faire changer d'avis, mais tu t'es montrée très catégorique : tu refusais de reprendre contact avec moi, à cause de tout le mal que je t'ai fait.
Ces mots m'ont détruit, mais ça m'a fait comprendre une chose : ce n'est pas en tenant son enfant responsable d'un événement qu'il grandira dans un endroit saint. Et j'ai fait ce qu'il ne fallait pas faire !
Il a fallu des années avant que je ne me décide à t'écrire. J'ai demandé à Buchanan de récolter des informations sur ce que tu devenais, ton oncle et ta tante ne m'avaient rien dit. Comme ils le connaissent et le tiennent en haute estime, ils ont fini par lui révéler que tu étais entrée dans les brigades d'entraînement à 12 ans, et que trois ans plus tard tu avais été affectée dans le bataillon d'exploration, selon ton propre choix. Ça remonte à cinq mois, jour pour jour — le 6 octobre 834.
(Note à part : Ne tiens pas rigueur à Kássandros et Junna. C'est moi qui les aie suppliés, par l'intermédiaire de Buchanan, qu'ils ne te disent rien. Tu serais montée sur tes grands chevaux et, te connaissant, tu serais venue jusqu'au District de Yarckel pour me tirer les oreilles. Je me suis déjà attiré tes foudres treize ans plus tôt, il est inutile d'en rajouter une couche.)
Akiko, je t'en conjure, crois-moi sur parole ! Je n'ai jamais souhaité te faire le moindre mal ou te blesser avec mes propos, je le jure devant les déesses veillant sur les trois Murs ! J'aimerais tellement effacer tout ce qui s'est passé, et recommencer sur de nouvelles bases ma relation père-fille avec toi, je suis prêt à sacrifier ma tête et mes jambes pour me faire pardonner de mes erreurs. Ta rancune est tout à fait légitime.
Dans quelques jours je t'apporterai la lettre à ton Q.G., celui que tes compagnons d'armes possèdent au District de Trost et non l'autre situé sur le chemin entre cette ville et le District de Shiganshina. Ainsi, je nourris l'espoir que tu comprendras le pourquoi du comment de l'ignoble conduite que j'ai eue à ton égard.
Sache que je reste et resterai ton père, et que je serai toujours fier de toi, peu importe tes choix. Si tu décides de rester sur ta position de ne plus m'adresser jamais la parole, je le respecterai.
Tu seras toujours ma petite fille adorée.
Je t'aime, ma puce.

Ton père

*
*  *

*22 mars 835*

Je restai sous le choc, incapable de dire un mot. Ce fut si soudain que les larmes coulèrent sur mes joues et mes mains tremblèrent sans m'en rendre compte ; mon cœur saignait tellement la douleur était intense. C'est comme si un Titan de 17 mètres venait de me tomber dessus et m'avait ensevelie six pieds sous terre dans le même temps. Devais-je rire ou pleurer ? Comment devais-je réagir, à votre avis ?Même moi, je n'avais aucun plan de secours pour gérer ce genre de situation !
Comment mon paternel avait-il osé se positionner sur une attitude aussi abjecte, alors qu'il venait de perdre sa femme et que j'avais besoin de lui pour surmonter la tristesse ? Avait-il seulement pensé aux conséquences dramatiques de ses actes, avant ma fugue ? Les questions se bousculaient dans ma tête. Je commençais à étouffer, il fallait que je prenne l'air, et très rapidement...

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Ce chapitre 7 n'est pas vraiment un chapitre, mais une lettre qu'Akiko reçoit de la part de son père. J'espère qu'il vous plaira malgré tout, mes petits chats 😘

#Alixassëa l'Elfique

« 𝓣𝓱𝒆 𝓬𝓪𝓹𝓽𝓪𝓲𝓷 𝓸𝒇 𝓶𝔂 𝓼𝓸𝓾𝓵 [SNK ~ Mike X OC] » / TERMINÉOù les histoires vivent. Découvrez maintenant