Chapitre 3

177 11 0
                                    

*16 mars 835*

Le soleil se levait. J'étais assise à l'une des tables du réfectoire, fraîche comme un pinson, habillée de mon uniforme du bataillon, luttant contre le cirage qui embrumait mon esprit à cause de la fatigue.
Quand j'avais quitté le bureau du « Colonel » Rosenberg, hier soir, je m'étais immédiatement dirigée vers ma chambre pour me mettre au travail. La lettre devra sans doute être envoyée le plus tôt possible à ma famille. Honey Hayden, une autre soldate du bataillon mais aussi une amie qui partageait avec moi cette chambre, n'était pas présente. Elle se trouvait dans la cour du Q.G. de Trost, à discuter avec d'autres soldats de notre promotion — dont June Webster et Lexie Thorburn — en attendant l'heure du repas. Sa joie et sa bonne humeur étaient deux qualités que j'aimais bien, chez Honey, et qui contaminaient tout le monde. D'où la raison que nous nous étions tout de suite bien entendues. Nous parlâmes alors des expéditions à venir, des entraînements, des défauts qu'avaient les soldats des Brigades Spéciales, et aussi des garçons que l'on trouvait plutôt mignons. A chaque fois elle essayait de me faire avouer que j'étais amoureuse de Mike, ce qui me mettait presque dans l'embarras parce qu'elle voyait bien les regards discrets que je lui lançais.
Je ressentais des sentiments pour Mike, d'accord, mais je ne voulais pas que tout le monde sache. Ça pourrait gâcher des années à consolider notre réputation de meilleurs soldats de l'Humanité, et certainement notre amitié car nous étions tous les deux très proches. Mike était également devenu un soutien fort sur qui je pouvais compter. Ça me déchirerait le cœur si on ne s'adressait plus la parole !
J'aimais Mike en secret, mais qui disait qu'il ressentait la même chose pour moi ? Honey disait que je ne pouvais pas le savoir, qu'il fallait ABSOLUMENT vérifier, mais je trouvais qu'elle exagérait un peu.
Pour revenir au sujet principal, je m'étais attelée à la rédaction de la lettre pour ma famille. J'avais un mal fou à formuler mes phrases et, plusieurs fois, je rayais certaines d'entre elles quand elles ne me convenaient pas. C'était plus facile d'échanger des nouvelles banales mais rassurantes, parce que le sujet des vols dans des ateliers où les artisans suaient nuits et jours pour fabriquer dans les temps les commandes... il y avait une grosse différence d'échelle. Et je n'aimais pas l'annoncer moi-même, surtout quand ça concernait ma propre famille. Cette sensation désagréable de les trahir, ça me fichait une de ces trouilles ! Je ne le conseillais à personne, pas même à mon pire ennemi.
Après avoir recommencé une énième fois, l'heure du dîner avait déjà commencé lorsque ma lettre fut enfin terminée. Mon cerveau était en ébullition. Un marathon pour fuir les Titans qui te poursuivaient, c'était trois fois rien !
La fatigue accumulée dans la journée s'était fait ressentir quand je revenais dans ma chambre une heure plus tard. J'avais englouti mon repas à la vitesse de la lumière avant de filer tout pareil, n'adressant pas une seule parole à mes collègues qui discutaient joyeusement entre eux. Erwin et Mike étaient assis de l'autre côté du réfectoire avec notre chef d'escouade. Rosenberg devait leur dire de rester sur leurs gardes si le Major nous autorisait à jeter un coup d'œil à l'atelier de mon oncle, et si notre chemin croisait celui des probables voleurs. Contrairement à mes habitudes, je n'étais pas allée leur souhaiter bonne nuit.
À peine mon uniforme de soldate enlevée et la douche prise, je m'étais tout de suite écroulée sur mon lit, et le sommeil me rattrapa aussi sec. Ce fut si rapide que je n'avais même pas eu le temps de m'en rendre compte !
Le pays des songes où je me trouvais, disparut presque aussitôt aux alentours de cinq heures du matin, quand j'ouvris brusquement les yeux. Quelque chose venait de me réveiller. Je croyais m'être endormie depuis quelques minutes, mais un coup d'œil à ma montre gousset me fit réaliser qu'en réalité plusieurs heures s'étaient écoulées depuis mon retour dans ma chambre. Et la cause de mon réveil matinal était simple : profondément endormie elle aussi, Honey ronflait comme ce n'était pas permis. Une véritable chaudière ! Mon amie ronflait toujours de cette manière quand elle était trop épuisée, ce qui m'arrivait également.
Alors j'avais fait ce que je faisais habituellement, quand ces ronflements m'empêchaient de retrouver le sommeil : me rendre au réfectoire. Là-bas, au moins, je pouvais réfléchir correctement sans avoir à les entendre.
Après m'être levée, pris une douche dans celles appartenant aux filles (oui, ce n'étaient pas des douches communes), revenue discrètement dans la chambre pour m'habiller et déposer mes affaires de nuit, le savon et ma serviette, et enfin coiffée, j'étais fin prête pour m'y rendre. Ce fut dans le plus grand des silences, comme ce que j'avais fait avant, que j'ouvris la porte de la chambre et sortis dans le couloir avant de la fermer derrière moi. Honey m'aurait arraché la tête, si je l'avais dérangée dans son sommeil. Et je la comprenais.
Voilà l'explication de ma présence au réfectoire.
Le soleil se lèverait dans quelques heures, mais ça ne me gênait pas plus que ça. De même que le silence de plomb qui régnait dans l'immense salle. J'étais tranquille jusqu'à l'arrivée des autres soldats, quand ils viendront prendre le petit-déjeuner. Il y aura un tel brouhaha que même réfléchir une seconde serait impossible.
Pour combattre l'ennui, j'avais amené quelque chose avec moi, dès mon départ discret de la chambre. Une petite sacoche en cuir marron, que je pouvais accrocher à mon bras, avec des outils à l'intérieur : vis, clé à molette, tournevis, clou, couteau... Les matériaux importants que tout artisans avait besoin. Kássandros me l'avait offerte il y a sept ans, à ma sortie des brigades d'entraînement. M'ayant appris à me servir des outils de son atelier pour fabriquer ce qui me traversait l'esprit, il avait pensé que ça me serait utile pour créer et réparer un tas de choses que seuls les artisans avaient fait. Et effectivement, la sacoche m'avait plus d'une fois été très utile. Quand mon moral était au plus bas, je façonnais des petits objets pour me vider l'esprit ; idem lorsque j'avais besoin de m'occuper. Un tas d'idées fourmillaient dans ma tête, mais ma liberté était cependant restreinte parce que le Major Shadis refusait que je «touche à tout ». Il craignait qu'en apportant ma propre modification, les équipements tridimensionnels ne fonctionnent plus comme il faut dès qu'arrivera le jour J. C'était une très bonne raison et je le comprenais.
Le temps passa plus vite que je ne l'aurai cru, et au bout d'un moment je me sentis partir. Mes paupières se refermaient toutes seules. La fatigue venait de prendre le dessus sur mes sens. J'eus de plus en plus de mal à lutter contre elle. Et bim ! je m'endormis sur la table, la tête posée sur mon avant-bras droit, envoyée au royaume des songes. Ç'avait été si vite que je ne m'en étais même pas rendue compte.

« 𝓣𝓱𝒆 𝓬𝓪𝓹𝓽𝓪𝓲𝓷 𝓸𝒇 𝓶𝔂 𝓼𝓸𝓾𝓵 [SNK ~ Mike X OC] » / TERMINÉOù les histoires vivent. Découvrez maintenant