Partie 18

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Evan avait été bien trop préoccupé par la situation pour réaliser toute l'ampleur du geste d'Emmy. Mais désormais, il lui semblait qu'il pouvait encore sentir la chaleur des mains douces de la jeunes femmes posées sur la sienne. Un frisson lui parcourut l'échine, pris d'une soudaine vague de chaleur. Il secoua la tête pour tenter de chasser ces pensées.

Actuellement il avait d'autres priorités que de se laisser aller à la tendresse de sa patiente. Il devait avant tout s'assurer de ne pas briser une deuxième promesse : celle qu'il avait faites en lui disant qu'elle était en sécurité. Si cet homme parvenait à mettre la main sur elle, dieu sait ce qu'il lui ferait. 

Evan se dirigeait de nouveau vers le bureau du directeur, mais cette fois, c'était avec une colère froide et une détermination sans nom, loin de la rage folle qui l'habitait un peu plus tôt. Il voulait pouvoir être complétement maître de ses émotions pour gérer la situation comme il le faudrait et ne pas faire de bêtises. 

Devant la porte du directeur, il prit une grande inspiration et toqua avant d'entrer. Il lui faudrait du sang froid pour affronter cet homme sans scrupules.

- Monsieur Collins, je suis ravi de voir que vous êtes calmé, l'accueillit-il avec un sourire condescendant.

- Seulement en apparence. Je viens d'apprendre de ma patiente que c'est son propre père qui l'a agressée. L'homme qui est venu faire un scandale récemment. Il s'est introduit dans la clinique, comment expliquez-vous ça ?

- C'est ridicule, objecta le directeur en gardant toute sa contenance. Je crois que vous n'avez pas bien compris : vous êtes dans un institut pour malades mentaux. Votre patiente a eu une petite crise, rien de plus. Vous vous inquiétez inutilement.

Evan lutta de toute ses forces pour ne pas enrager. De toute évidence, le directeur ne croyait pas à ses propres paroles, il voulait simplement éviter les rumeurs et les scandales. Mais traiter Emmy de folle, l'accuser de choses qu'elle n'avait pas faites, c'en était trop pour lui. Heureusement, il avait anticipé le déni de M. June :

- La tutrice légale de ma patiente, Madame Spark, est très généreuse envers cette clinique depuis l'arrivée de sa fille adoptive il me semble, non ? J'imagine qu'il serait dommage que le manque de sécurité de cet établissement la pousse à en retirer sa fille ? 

Le sourire arrogant qu'arborait le directeur depuis le début de leur entretien s'effaça immédiatement. Il semblait se mettre en colère lui aussi. D'un ton qui ne laissait aucune place au doute, il menaça très clairement Evan :

- Vous devriez peut-être prendre quelques semaines de congé Monsieur Collins. Vous avez clairement besoin de repos et je ne voudrais pas que votre agitation déteigne sur le moral de Mademoiselle Spark. Quelqu'un d'autre s'occupera d'elle en votre absence, mais si vous voulez continuer d'exercer votre activité ici, je vous conseille vivement de ne pas remettre les pieds dans cet établissement avant un petit moment. Je vous donne un mois de vacances, profitez-en pour vous ressourcer. 

Rien dans ce discours n'était bienveillant. le directeur voulait simplement se débarrasser de lui le temps que la situation revienne à la normale, le temps qu'Evan oublie. Celui-ci était piégé. La tutrice d'Emmy n'aurait jamais daigné réagir pour quelques bleus. Elle se serait conformée à la version des faits qui aurait nécessité le moins de paperasse. Le psychiatre le savait et son bluff n'avait pas marché. Désormais, s'il voulait revoir sa patiente, il devrait se plier aux exigences de ce bonhomme. Mais oublier, ça jamais.

Le directeur harponna un membre du personnel qui passait dans le couloir à ce moment-là et lui ordonna de raccompagner Evan jusqu'à la sortie. Celui-ci était furieux. Il ne pourrait pas veiller sur Emmy pendant un mois. Il ne pouvait même pas retourner à la chambre pour lui expliquer lui-même la situation. Quelqu'un le ferait-il seulement ? Il saisit l'occasion d'être seul avec l'employé pour le prévenir. Si M. June restait insensible, peut-être pouvait-il au moins toucher quelqu'un parmi son équipe. 

- Quelqu'un s'est introduit dans le parc de la clinique la nuit dernière, il faut que vous redoubliez de vigilance, il reviendra.

- Oui, oui, ne vous en faites pas, c'est notre boulot.

L'homme avait répondu mécaniquement, sans même un regard pour lui. 

Une fois à l'extérieur de la clinique, il se sentit subitement vide. Vide et impuissant. Le personnel de la clinique ne ferait rien de plus, le père d'Emmy reviendrait et celle-ci ne comprendrait sans doute pas pourquoi Evan serait absent pendant tout un mois.

Ce soir-là, une fois rentré chez lui, le psychiatre fit les cent pas et arpenta longuement son petit logement, tel un lion en cage. Les visages d'Emmy et de son père le hantaient l'un après l'autre, l'empêchant de réfléchir correctement. Il s'empara vivement de son téléphone. S'il ne pouvait pas se concentrer, quelqu'un l'aiderait sûrement à y voir plus clair.

Lorsque son ami décrocha, Evan sentit une vague de soulagement l'envahir. Sans savoir exactement pourquoi, il pressentait que Nicholas pouvait lui être d'une grande aide.

- Désolé de t'appeler à cette heure, mais j'ai besoin d'aide...

- Evan ? Bien sûr vas-y dis-moi, si je peux faire quoi que ce soit je le ferai. C'est grave ?

Le jeune homme ne se fit pas prier et lui raconta les événements qui l'avaient mis dans un tel état d'agitation. Nicholas réfléchit un petit moment.

- Pourquoi ne pas prévenir la police tout simplement ? Choper les méchants ne fait pas vraiment parti de ton boulot.

- La police ne fera rien, monsieur June leur dira la même version qu'à moi, et sans autre preuve d'effraction, ils n'iront pas chercher plus loin.

- Tu ne peux pas vraiment le savoir. C'est vrai que sans nom ça sera peut-être difficile, mais s'il a déjà été violent par le passé, il y a des chances qu'il soit déjà enregistré dans leur base de donnée quelque part. Il suffit de leur fournir une description détaillée avec des signes distinctifs s'il en a et ils pourront peut-être retrouver sa trace. 

Evan analysa les paroles de son ami. Après avoir envisagé la situation, il eut un déclic.

- Mais bien sûr ! Ce gars est recouvert de cicatrices de brûlures de ce que j'ai pu voir. Il doit forcément être dans les parages et il n'est sans doute pas passé inaperçu. La police ne fera rien j'en suis persuadé. Mais moi je peux le retrouver, ça ne sera sans doute pas difficile.

Un long silence suivit la déclaration d'Evan, qui était d'un seul coup plus déterminé que jamais. Nicholas se râcla la gorge, visiblement l'air embarrassé, et lui demanda :

- Est-ce que tu es sûr que ça va ?

- Bien sûr, quelle question !

- J'ai l'impression que tu prends ça un peu trop à cœur.

Le psychiatre se rembrunit et se passa une main sur le visage. Son ami avait raison évidemment. Bien que la situation doive être réglée, n'importe qui d'autre s'y serait pris autrement. La motivation d'Evan à s'en charger personnellement relevait de motifs qui n'avaient rien de professionnels. Mais plutôt mourir que de l'avouer.

- Une jeune innocente est peut-être en danger de mort Nicholas ! Alors non, je ne pense pas prendre ça trop à cœur.

L'ange muetteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant