Partie 13

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Il est vivant, il est vivant, il est vivant...

Ces mots se répétaient en boucle dans l'esprit d'Artémis, inlassablement. Elle l'avait pensé mort toutes ces années, dévoré dans l'incendie ravageur qui avait détruit leur maison et tué sa mère. Car si elle s'était trompé sur le compte de son père, la jeune femme était certaine que sa mère n'était plus de ce monde. Malgré tout, passé le choc de l'avoir revu, Artémis s'était sentie blessée. Elle avait passé tant de temps dans cet endroit et il ne venait la chercher que maintenant. En fait, plus elle y pensait, plus elle était en colère contre l'homme qui lui avait donné la vie. Il l'avait abandonnée à son sort. 

C'est donc contrariée qu'Artémis accueillit Evan ce matin-là. Suite à l'incident de la veille, elle n'avait pas été capable de faire quoi que ce soit. Elle était restée immobile et silencieuse, sous les paroles rassurantes du psychiatre qui passait tendrement la main dans ses cheveux pour la calmer. Bien qu'il ait fait parti de ceux qui tentaient de la maîtriser, elle ne parvenait pas à lui en vouloir. Il avait pris tellement soin d'elle par la suite qu'elle s'était sentie bien mieux rapidement, même s'il n'avait pas pu complètement annihiler la douleur et le choc que l'événement lui avait provoqué. 

- Bonjour miss Spark, la salua Evan d'une voix moins enjouée que d'habitude.

Il semblait gêné, dansant d'un pied sur l'autre à la porte comme s'il n'osait pas entrer. Cette image tira à Artémis un faible sourire. Elle le tira par le bras et referma la porte derrière lui. Pour une fois, elle avait l'impression que c'est elle qui devait s'occuper de lui. Mais cette sensation ne dura pas car Evan reprit sa contenance et entreprit de s'installer sur la chaise, comme à son habitude. 

- Bon, est-ce que tu veux qu'on aborde ce qui s'est passé hier ? 

La jeune femme réfléchit. Oui, non, peut-être... Elle n'en savait rien. Elle voulait dire tellement de choses, mais elle ne savait pas quoi. La situation était pourtant très clair : son père était venu la chercher et on l'en avait empêché. Malgré tout, un tas de questions sans réponses se formaient autour de tout ça. Pour répondre au psy, elle se contenta de hausser les épaules, indécise.

- Est-ce que je pourrais te poser quelques questions sur ton père, si tu permets ?

Artémis répondit par la positive, légèrement anxieuse de ce qui allait suivre. Elle avait remarqué que l'homme avait tendance à ne pas faire l'unanimité, et elle craignait que son psychiatre fasse parti de ceux qui ne l'aimaient pas.

- Merci. Si tu ne veux pas répondre, ne te force pas. Tout d'abord, est-ce que tu aime ton père ?

La jeune femme hocha la tête avec conviction. Il s'était occupé d'elle pendant la majeure partie de son enfance tout de même ! Et il avait rendu sa mère si heureuse qu'Artémis rêvait encore aujourd'hui de connaître une histoire comme la leur.

- Bien je vois. Est-ce qu'il t'as déjà fait du mal ? Ou est-ce qu'il t'as forcée à faire des choses que tu n'aurais pas voulu faire par exemple ?

La patiente se creusa les méninges. C'est que l'époque où elle vivait encore avec lui commençait à remonter. Mais aussi loin qu'elle se souvienne, son père ne lui avait jamais fait de mal, il l'avait toujours aimée aussi passionnément que sa mère. Elles étaient les deux femmes de sa vie. Donc Artémis répondit par la négative.

- Bien. Pour finir, je change un peu de sujet mais d'après ce que j'ai compris, ton vrai prénom c'est Emmy, n'est-ce pas ? Est-ce que tu préfère que je t'appelle comme ça désormais, ou je continue de t'appeler Artémis ?

Sans hésitation, la jeune femme choisis la première option. Elle préférait de loin porter un nom donné par les deux personnes qui lui étaient les plus chères au monde, plutôt que celui qui lui avait été imposé par une femme qui ne s'intéressait même pas à elle. Désormais, elle se ferait appeler Emmy.

- C'est tout ce que je voulais savoir, termina le psychiatre avec un sourire rassurant. Maintenant on peut passer à la suite. Est-ce qu'il y a quelque chose que tu aimerais partager avec moi ?

Du dessin, songea Emmy. Elle aurait voulu redessiner avec lui, elle aurait voulu lui partager ce qu'elle avait sur le coeur en crayons de couleurs. Mais avant cela, elle devait régler une dernière chose.

Hier elle avait parlé, elle en était persuadée. Plus qu'une impression cette fois-ci, elle avait entendu le mot sortir de sa bouche. Aujourd'hui, elle voulait le refaire, elle voulait dire quelques chose, n'importe quoi. Evan. Le prénom de son psychiatre serait un bon début. Celui-ci attendait patiemment une réponse. Il savait sans doute qu'elle se creusait les méninges car le visage de la jeune femme avait tendance à être très expressif.

Ses lèvres formèrent le nom désiré, mais comme les tentatives précédentes, aucun son ne sortit. La déception et l'incompréhension se peignirent sur le visage d'Emmy. Elle avait pourtant réussi la veille, elle en était certaine... Ou presque ? Maintenant, elle ne pouvait s'empêcher de douter.

- Ne t'en fais pas, la rassura Evan. Ce que tu as fait hier est déjà énorme, c'est normal que tu ne puisse pas forcément reparler quand tu en as envie, même après avoir réussi une fois. Mais ça viendra, il faut simplement rester patiente.

Emmy hocha la tête, rassurée. Puis, elle sortit ses feuilles de papier et ses crayons, et tendit l'un d'entre eux à son psychiatre. 

- Tu veux qu'on dessine tous les deux une nouvelle fois ? Pourquoi pas.

Le psychiatre se prêta à l'exercice et les deux jeunes gens s'installèrent à même le sol, autour de la feuille de papier qui réunirait leurs mines. La jeune femme se doutait que cet exercice avait pour but de la comprendre, de l'analyser. Malgré tout, elle voulait oublier cet aspect-là et profiter du moment qu'ils partageaient, comme une confidence qu'elle ferait à un ami. Avant qu'il ne reparte, comme toujours.  

L'ange muetteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant