Partie 27

1.1K 119 10
                                    

Pendant le reste de la journée, Emmy tenta de comprendre tout ce qu'Evan lui avait expliquée. Elle avait tellement de questions qui tournaient en boucle dans sa tête. 

Comment une maladie comme celle de sa mère pouvait-elle donner l'impression d'aimer quelqu'un d'autre ? Si elle ne le connaissait pas mieux, la jeune femme aurait pensé que son psychiatre lui mentait. Mais pourtant elle avait l'intime conviction que ce n'était pas le cas, qu'elle pouvait lui faire confiance.

Malgré tout elle avait du mal à considérer son père comme un homme mauvais. Il pouvait faire un peu peur des fois, ou lui faire un peu mal c'est vrai, mais il avait un bon fond, elle en était persuadée. Du moins, c'est ce qu'elle avait pensé jusqu'ici. Mais si elle se trompait ? S'il avait réellement fait du mal à sa mère au point qu'elle en tombe malade, elle lui en voudrait. Mais elle voulait avoir des explications, lui laisser une chance de la convaincre. Peut-être qu'il ne comptait pas blesser qui que ce soit au départ, qu'il n'avait juste pas fait exprès ?

Quand la nuit tomba, Emmy retourna dans son lit. La prochaine fois que son père reviendrait, elle n'éviterait pas la confrontation. Elle voulait savoir ce qu'il en était réellement.

Malgré l'obscurité qui avait envahi sa chambre depuis un long moment, elle ne parvenait pas à s'endormir. Elle tentait de se souvenir des films qu'Evan lui avait montrée il y a un moment. De se rappeler comment les gens vivaient. Il est vrai qu'aucun des personnages n'étaient enfermés dans une chambre sans fenêtres. Son psychiatre lui avait même appris qu'elle n'avait pas été enfermée dans une pièce de vie mais dans une cave. De plus, les parents à la télévision ressemblaient bien plus à la mère d'Emmy qu'à son père. Ils étaient doux et calmes, tout le contraire de son géniteur, dont la violence à l'égard de sa mère avait effrayé la jeune femme plus d'une fois.

En y songeant, bien qu'il ne l'avait jamais frappée lorsqu'elle était enfant (du moins elle n'en avait pas le souvenir), il lui avait fait du mal lorsqu'il était venu la voir de nuit la première fois. Et maintenant qu'elle avait expérimenté cela, elle comprenait mieux ce qu'Evan voulait lui dire. Comment sa mère aurait-elle pu apprécier un tel traitement ? Et elle-même n'avait jamais aimé se faire mal non plus, ce qui voulait dire que la douleur n'était peut-être pas l'ingrédient d'un véritable amour ?

Tout ça semblait si compliqué et si simple à la fois. Son cœur lui imposait des choses que son esprit ne parvenait pas à comprendre. Par exemple, elle savait qu'elle éprouvait beaucoup d'affection pour son psychiatre et pour sa mère, mais de manière étrange et indescriptible, elle avait la conviction que les émotions qu'elle avait pour l'un et l'autre étaient complètement différentes. 

Sa curiosité la perdrait. Elle voulait expérimenter l'amour, celui de la vraie vie, celui dont Evan lui avait parlé. Celui qu'elle pensait futile dans les films dit ''romantiques'' mais qui était peut-être finalement la réalité.

Une ombre cacha soudainement les chétifs rayons de lune qui éclairaient faiblement la pièce. Emmy se redressa et reconnut son père avant qu'il n'ait eu le temps de frapper au carreau. Elle espérait qu'il revienne bien sûr, mais elle ne s'attendait pas à voir son souhait accompli le soir même. Le hasard faisait bien les choses semblait-il. 

Elle ouvrit la fenêtre et s'éloigna rapidement pour que son père ne puisse pas l'atteindre à travers les barreaux. Il regardait autour de lui l'air anxieux.

- Emmy tu n'as pas parlé de mes visites à qui que ce soit, n'est-ce pas ?

Honteuse qu'il ait pu la démasquer si facilement, elle sentit le rouge lui monter aux joues. Heureusement, la nuit cachait son embarras des yeux de son visiteurs. Comme elle ne voyait pas comment il aurait pu savoir qu'elle avait parlé de lui à son psychiatre, elle secoua la tête de gauche à droite.

- J'ai du mal à te croire. Explique-moi pourquoi quelqu'un m'attendait quand j'ai voulu venir te voir la dernière fois ?

Son cœur battant la chamade, la jeune femme haussa les épaules comme si elle n'en avait aucune idée. Est-ce que c'était Evan dont parlait son père ? Est-ce qu'il aurait surveillé la clinique pour être sûre qu'elle ne s'échappe pas une deuxième fois ?

- J'espère pour toi que tu as su tenir ta langue parce que ce monsieur a goûté à la lame de mon couteau et je n'hésiterai pas à lui faire bien davantage si tu en dis trop, c'est clair ?

Emmy se couvrit la bouche d'une main et sentit les larmes lui monter aux yeux. C'était donc ça la blessure d'Evan ? Il n'avait jamais eu d'accident de cuisine, il avait simplement tenté de la protéger. Rien que pour cette raison, elle ressentit de la colère l'envahir. S'il avait fait du mal à son psychiatre, alors il avait sans doute également blessé sa mère aussi.

Les événements de ces derniers jours et le fait d'avoir ressassé d'anciens souvenirs apportèrent une toute nouvelle interrogation à la jeune femme : où était-il lors de l'incendie, lorsque sa propre femme se faisait consumer par les flammes après avoir sacrifié sa vie pour sauver celle d'Emmy ? Lui qui était sorti vivant de la maison n'aurait-il pas pu aider sa propre famille ? 

La jeune femme alla récupérer les dessins qu'elle avait fait à son psychiatre et montra celui de l'incendie à son père. Elle voulait des explications sur tout. Et tout de suite. L'homme derrière la fenêtre sembla s'impatienter de voir sa fille lui pointer du doigt un croquis qu'il parvenait à peine à voir dans la pénombre. 

- Approches si tu veux me montrer ton dessin, je n'y vois rien, s'énerva-t-il.

Emmy reposa les feuilles mais n'obéit pas. Elle ne voulait pas s'avancer trop près, de peur qu'il lui fasse mal comme la première fois. 

- Dis-moi pourquoi ?

La situation bascula soudainement lorsque des cris se firent entendre de l'extérieur. Le père d'Emmy se mit à courir, poursuivit par des gardes de nuit, tandis que la jeune femme, immobile, restait tétanisée de choc et de stupeur face à ce qu'il venait de se passer. 

L'ange muetteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant