Partie 12

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Evan entama la journée avec une bonne humeur inhabituelle. Il était une personne plutôt positive en temps normal, mais là c'était différent, il éprouvait une sorte de béatitude qu'il ne ressentait que rarement. Quelque chose de plus satisfaisant qu'une simple bonne humeur. Les bouchons qu'il avait dû traverser pour venir à la clinique ne l'avaient même pas embêté. Non, il les avait à peine remarqués tant il était absorbé dans ses rêveries. 

Mais ce bien-être fut contrarié lorsqu'il passa la porte de l'établissement où il devait retrouver Artémis. Dans le hall d'entrée en effet, un homme, dos à lui, vociférait sur le personnel et sur M. June, le directeur, qui semblait dépassé par la situation. Des agents de sécurité tentaient de retenir l'homme. 

- Qu'est-ce qui se passe ici ? intervint Evan dans le but d'apaiser la situation.

Lorsque l'homme se tourna vers lui, le psychiatre dû se forcer à garder une expression neutre. L'homme était défiguré. Son visage et son cou étaient quasiment entièrement recouvert de cicatrices de brûlures, et les mains qui dépassaient de sa veste étaient dans le même état. C'était à se demander comment il avait pu survivre à des blessures si grave. Immédiatement, Evan repensa au dessin d'Artémis représentant une maison en feu. Mais il chassa cette pensée quand l'homme prit la parole.

- On refuse de me laisser récupérer ma fille. Je veux ma fille, rendez-la moi !

- Calmez-vous monsieur, si votre fille est ici je ne comprends pas pourquoi vous ne pourriez pas la voir.

- Monsieur Collins a raison, intervint le directeur. Simplement il faut respecter le protocole, vous devez remplir des papiers, on ne peut pas vous confier une personne sur parole, c'est impossible. 

- C'est ma fille, ma fille ! Je me contrefous de vos papiers, j'ai le droit de l'emmener je suis son père ! EMMY ! EMMY TU M'ENTENDS ? 

- Monsieur nous n'avons aucune Emmy dans ce service, le coupa M. June, qui semblait de plus en plus agacé.

Suite aux cris de l'homme, une petite tête blonde apparu timidement au bout du hall.

- Artémis ! Je dois aller en consultation désolé, vous devez vous débrouiller avec monsieur le directeur pour les formalités, s'excusa Evan en se dirigeant vers sa patiente dont le regard curieux cherchait la cause du tumulte. 

L'inconnu suivi le regard du psychiatre et se précipita vers la jeune femme qu'il semblait avoir reconnu comme sa fille, "Emmy". Mais le personnel de sécurité l'empêcha d'aller plus loin en le retenant de force.

Artémis sembla confuse pendant quelques secondes, mais en observant l'homme, ses yeux s'écarquillèrent et se remplirent de larmes, puis elle se jeta aux pieds de l'inconnu, au grand désarroi d'Evan, qui comprit rapidement la situation.

Il resta figé tandis que d'autres soignant tentaient d'éloigner Artémis qui se débattait comme un diable sous les cris de son père, qui refusait de se laisser faire également. Lorsqu'Evan sortit de sa stupeur, il aida les soignant en retenant sa jeune patiente, qui ne se débattait pas moins dans ses bras. Elle semblait le supplier du regard.

- Artémis calme toi, on ne peut pas te laisser partir avec lui, je suis désolé, tenta de la calmer Evan.

La vision de la jeune femme lui tordait le ventre de douleur tant elle avait l'air désemparée. Mais lorsque son regard se porta sur l'inconnu, le psychiatre sentit une rage subite l'envahir. L'homme la regardait avec des yeux lubriques, c'était évident et pourtant inconcevable. Il était dérangé de toute évidence. Quel genre de père éprouverait une attraction physique aussi évidente pour sa propre fille ? 

Pendant un instant, Evan douta du fait que cet homme soit le père de sa patiente. Lorsque le directeur menaça d'appeler la police, l'inconnu accepta de partir et s'éloigna avec un dernier regard pour Artémis.

- Papa !

Le gémissant déchirant était si faible qu'il avait été à peine perceptible. Evan tenta de comprendre pendant plusieurs secondes d'où venait ce murmure, qui lui avait brisé le coeur et blessé au point de sentir comme une multitude de poignards s'enfoncer dans sa chair. Puis il comprit. C'était sa patiente. La voix emprunte d'une douleur vive était celle d'Artémis. Ou plutôt Emmy.

Le psychiatre la ramena de force dans sa chambre, tandis que les larmes continuaient de couler sur son joli visage, intarissables. Elle était inconsolable malgré le soin qu'il prenait de ne pas la blesser en la retenant fermement dans ses bras. Elle tenta encore de se débattre pendant plusieurs minutes avant de se calmer. Malgré tout elle continuait de pleurer à chaudes larmes. Evan profita de ce moment pour assimiler ce qui venait de se passer. Il s'agissait sans aucun doute du père d'Artémis. Et celle-ci avait parlé. Pour la première fois en treize ans, elle avait pu se libérer de son mutisme. 

Mais le psychiatre ne pouvait pas s'empêcher de penser au regard dégoûtant de l'homme, qui éprouvait de toute évidence du désir pour sa fille. Peut-être même avait-il abusé d'elle dans son enfance. Si c'était le cas, c'était probablement la raison du traumatisme d'Artémis... Emmy, il ne savait même plus comment l'appeler. Et pourtant elle semblait vouer une grande affection pour cet homme. Mais ce n'était pas le bon moment pour aborder tout ça avec elle.

- Chut, calme-toi, ça va aller, la rassura tendrement Evan en lui caressant les cheveux. Tout va bien, regarde moi. Tout va bien.

La jeune femme articula le mot "papa" du bout des lèvres, mais aucun son n'en sortit cette fois. Elle semblait si fragile, impuissante. Evan aurait voulu la consoler, lui redonner le sourire, mais il n'était pas son père. Ce dernier était sans doute la seule personne capable de calmer Artémis en ce moment. Pourtant le psychiatre en était persuadé, quelque chose ne tournait pas rond. Pourquoi refuser de se plier aux formalités s'il tenait réellement à récupérer sa fille ? Mais surtout, pourquoi revenir la chercher maintenant ? 

Evan déposa délicatement sa patiente sur le lit avant de retirer un bouton de sa chemise. Tout ce tumulte lui avait donné chaud. Il ouvrit la fenêtre et vint s'asseoir près de la jeune femme repliée sur elle-même. 

- Tout ira bien Emmy, murmura-t-il tendrement. Je suis là, je reste avec toi.


L'ange muetteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant