Artémis se tourna vers Evan, surprise de la tournure qu'avaient pris les évènements. Elle n'était pas vraiment du genre à regarder la télévision ou même regarder des films tout court. Mais après tout, c'était sans doute mieux que de devoir se plier à un interrogatoire en règles.
Artémis s'estima alors chanceuse et prit place à côté d'Evan. Même si elle prenait soin de ne pas se coller à lui, leurs épaules se touchaient timidement tandis que la jeune femme observait avec curiosité les manœuvres qu'effectuait le psychiatre.
- Je ne sais pas quel genre de film tu aimes alors on va commencer par une romance, d'accord ?
Il la regarda avec un sourire en signe d'approbation, puis lança le film en question.
Dès le début, elle n'avait pu s'empêcher de se mettre à l'aise et de se servir de l'épaule d'Evan comme d'un oreiller. Après tout c'était son idée de regarder un film alors autant en profiter.
Néanmoins, l'histoire n'était pas captivante. Il s'agissait d'un vampire et d'une fille qui flirtaient. De toute évidence, leur 'amour' était superficiel. Et cette Bella, était-elle droguée ? Et Edward était-il souffrant pour garder cette tête d'enterrement tout le long du film ?
Au bout d'une demi heure environ, Artémis avait décroché. Les images défilaient devant ses yeux sans qu'elle ne prenne le temps de les observer, ni même d'écouter les acteurs parler. Et puis il y avait autre chose...
La lumière se reflétant sur l'écran, celui-ci faisait aussi office de miroir. Un miroir dans lequel elle pouvait admirer autant qu'elle le voulait le visage de son psychiatre. Et elle ne se gênait pas, même si elle avait l'impression qu'il faisait de même, mais ce n'était sans doute qu'une impression.
Une fois le film fini, Evan lui avait demandé son avis :
- Alors, tu as aimé ?
Artémis grimaça pour lui faire comprendre que ce n'était pas top.
- Bien, bien, abdiqua Evan avec un rire. On va passer à un film d'action alors. Batman begins. Je suis curieux de savoir quel est ton genre.
Il lui sourit gentiment avant de chercher ce "Batman begins".
Une fois de plus, ce n'était pas vraiment son genre. Il y avait beaucoup de scènes d'action avec en arrière plan, un amour aussi factice que celui du film précédent.
Était-ce donc ce à quoi les gens rêvaient? Une illusion? Une vulgaire comédie jouée par deux êtres qui ne trompent absolument personne?
Avant même la fin du film, Artémis fit comprendre à Evan que c'était inutile, elle n'aimait pas non plus.
La suite du programme se composait d'un thriller: "le ravisseur".
Contrairement aux autres, Artémis se prit tout de suite à l'histoire. Un homme vivant avec sa femme. Lorsqu'elle se comportait bien, il lui donnait des bons points, lorsqu'elle agissait mal ou essayait de partir par exemple, il lui donnait des "mauvais points" et allait même jusqu'à la punir.
Artémis aimait bien mieux ce genre de film. Il la tenait en haleine, lui inspirait toutes sortes d'émotions et captivait son attention. Mais cela eut l'air d'intriguer son psychiatre. Entre deux scènes, pendant un écran noir, elle avait pu voir son expression, les sourcils froncés, comme si quelque chose lui échappait.
Elle tourna la tête vers lui avec un regard interrogateur, auquel il répondit simplement par un sourire. Néanmoins, il ne prononça pas un mot et Artémis se contenta de rediriger son attention vers le film.
Mais ce n'était plus pareil maintenant qu'elle avait surpris cette expression sur le visage de son psychiatre. Elle avait l'impression qu'il essayait de lire en elle, de déchiffrer ses sentiments, et Artémis n'en avait aucune envie.
Pour la seconde fois, la jeune femme interrompit le film avant même qu'il ne soit terminé. Mais bien sûr, il était déjà trop tard. Evan savait désormais quel genre de choses la faisaient réagir. Il se contenta donc d'éteindre l'ordinateur et de tenter une approche.
- Tu n'as pas aimé le dernier film ?
Artémis secoua la tête frénétiquement de gauche à droite, ce qui fit sourire son psychiatre. Un petit sourire amusé qui n'avait pas échappé aux yeux d'Artémis. Elle fronça les sourcils avant de croiser les bras et se tourner dos à lui.
- Non, ne sois pas fâchée, lui susurra-t-il gentiment en venant se placer en face d'elle. J'essaie simplement de comprendre qui tu es et comment tu fonctionnes.
Et c'était bien le problème. Artémis ne voulait pas qu'on l'examine comme si elle était une dégénérée. Elle lui servit une moue boudeuse et s'allongea sur son lit pour cacher son visage dans l'oreiller.
- Tu ne veux pas qu'on apprenne à se connaître ? insista encore le psychiatre.
Mais Artémis secoua la tête de droite à gauche de nouveau. Ils ne faisaient en aucun cas connaissance. Elle ne connaissait rien de son psychiatre, mais lui en revanche, voulait tout savoir d'elle. Elle décida de le lui faire comprendre en usant de gestes et de mimes. Après l'avoir regardée attentivement, Evan en tira la bonne conclusion :
- Tu veux me connaître moi? Que je te parle de moi?
Artémis hocha la tête positivement. Sa requête sembla étonner le psychiatre, qui ne trouvait pas la méthode très conventionnelle. Mais il réussit néanmoins à tirer profit de la situation.
- D'accord, chaque jour, si tu veux, je te parle de moi et de ma vie. Mais en échange, tu devras répondre à l'une de mes questions. Chaque jour aussi.
Artémis sembla dubitative. Elle n'était pas tout à fait sûre de vouloir s'engager sur ce terrain-là. Mais après un moment de réflexion, elle accepta son marché. Elle était assez curieuse sur ce qu'il pourrait bien lui raconter et demander. Et elle pensait qu'il ne la brusquerait pas avec ses questions.
C'est ainsi qu'Artémis se retrouva à découvrir la vie d'Evan. Sa famille, son parcours universitaire, ses choix de vie. Étonnamment, elle prit beaucoup de plaisir à l'écouter. Et lorsque vient la question fatidique, ses suppositions se trouvèrent fondées. Il lui demanda simplement de dessiner. N'importe quoi. La première chose qui lui venait à l'esprit. Malgré sa pudeur envers ses dessins, Artémis accéda à sa requête, et la journée se termina sur une note positive.
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L'ange muette
RomanceArtémis ne parle pas. Elle n'est pas muette. Suite à un traumatisme d'enfance, elle a décidé de ne plus parler. Désormais, elle dessine pour exprimer ses sentiments et son histoire. N'acceptant l'aide de personne, elle ne montre jamais ses œuvres et...