Emmy toqua timidement à la porte de monsieur June. Celui-ci pourrait sans doute lui apporter des réponses quant à l'absence du psychiatre. Il en connaissait sans doute les véritables motifs, et si elle en était la cause, il le lui dirait. Du moins c'est ce qu'elle espérait. Lorsque le directeur l'invita à entrer, elle franchit craintivement la porte et fut accueillie par un froncement de sourcil. Elle n'arrivait en revanche pas à savoir s'il était désapprobateur ou dubitatif.
- Que me vaut le plaisir Artémis, demanda-t-il visiblement déjà lassé de leur entrevue.
Emmy brandit un morceau de papier décoré du nom de Collins avec un point d'interrogation devant les yeux du vieux bonhomme. Il se rembrunit et fit mine de retourner à ses occupations.
- Monsieur Collins est en vacances, que voulez-vous ?
La jeune femme se dandina sur ses pieds. Elle n'avait rien d'autre sur elle, et elle ne savait pas vraiment comment s'exprimer face à quelqu'un d'autre qu'Evan, ce qui rendait la situation assez difficile. Voyant qu'il n'obtenait aucune réponse, le directeur leva les yeux vers son interlocutrice et profita de la situation pour se tirer d'affaire.
- Si vous n'êtes pas capable de parler pour me dire exactement ce que vous voulez, notre entretien s'arrête ici. Maintenant regagnez votre chambre avant que je ne doive appeler quelqu'un pour vous raccompagner.
Une fois passé le choc de cette réponse, Emmy se précipita hors du bureau pour que son occupant ne remarque pas les larmes qui lui montaient aux yeux. Il savait pertinemment qu'elle ne pouvait pas parler depuis des années. Il faisait simplement preuve de cruauté envers elle, sous prétexte qu'elle n'était qu'une pauvre jeune femme perturbée peut-être.
Dans ce cas-là, au diable Evan et ses vacances, au diable la clinique et son insupportable directeur. Son père avait raison, personne ici n'était digne de confiance, et la seule personne qui l'était avait déserté les lieux.
Rien ne retenait Emmy dans cet endroit. En rentrant dans sa chambre, elle décida donc qu'elle ne se laisserait plus aller à la monotonie des environs. Ce soir, elle quitterait la clinique, et elle irait retrouver son père.
Malheureusement, elle ne pouvait pas attendre qu'il vienne jusqu'à elle en plein milieu de la nuit. Il lui serait impossible de sortir du bâtiment à ce moment-là. Elle devait donc trouver un moyen de quitter la clinique sans se faire repérer, d'une manière ou d'une autre. Et puis ensuite elle devrait retrouver son père. Peut-être qu'elle pourrait attendre dans les parages en attendant qu'il revienne ? Après tout il finirait bien par repointer le bout de son nez.
Une fois cette décision prise, Emmy se concentra sur les détails de son plan. Depuis le temps qu'elle était ici, elle connaissait les usages et habitudes de la clinique comme sa poche. Ce qui ne rendait pas pour autant son escapade risquée, mais au moins possible.
Lorsque le moment fut venu, la jeune femme alluma le robinet d'eau dans la salle de bain, et s'aida de ses ongles pour verrouiller la porte de l'extérieur. Lorsque quelqu'un du personnel viendrait voir si elle se trouvait dans sa chambre, il la penserait sous la douche. Et en admettant qu'il lui parle de l'extérieur, il ne s'alarmerait pas de l'absence de réponse, connaissant son cas. Lorsqu'on se rendrait compte de son absence, il serait déjà trop tard.
Profitant de la faible agitation de fin de journée qui animait les résidents, Emmy se faufila discrètement à l'extérieur. Les derniers patients commençaient déjà à se diriger vers leurs chambres. En essayant de passer sous le radar de ces quelques personnes, elle trouva rapidement un petit buisson derrière lequel elle pourrait se cacher en attendant que le parc se vide entièrement.
L'endroit n'était pas des plus confortables. Pour ne pas se faire repérer, elle devait se recroqueviller dans une position qui lui donna mal au dos après seulement quelques minutes. Le sol dur sur lequel elle était assise lui rajouta rapidement une douleur supplémentaire. Heureusement, après un gros quart d'heure, un membre du personnel sortit faire le tour du parc pour s'assurer que personne n'allait passer la nuit enfermé dehors, à la belle étoile.
Malgré le ciel encore assez éclairé par la fin du jour, il passa près du buisson sans remarquer son occupante. Sans doute avait-il envie de finir sa journée de travail et rentrer chez lui. Dès qu'il fut rentré, Emmy ne perdit pas de temps et longea les murs pour rejoindre l'arrière du parc. Elle ne pouvait pas encore s'échapper, quelqu'un risquait de la voir par la fenêtre. Mais elle pouvait au moins trouver un endroit plus confortable où attendre que la nuit tombe.
À l'abri des regards, la jeune femme patienta encore une petite heure afin que l'obscurité envahisse entièrement l'endroit. Puis lorsqu'elle s'estima suffisamment en sécurité, elle se dirigea vers le grand arbre qui allait signer sa liberté. Avec une agilité de petit singe qu'elle se découvrait en même temps qu'elle en usait, elle grimpa les branches solides, et rejoint le haut du mur, où elle put s'assoir pour évaluer la suite des opérations. Ce n'était pas si haut, elle pouvait facilement se laisser tomber au sol et aller se cacher en attendant son père.
Son attention se porta un instant sur le paysage. C'était vraiment tout ce qu'il y avait derrière ce mur ? Un champ aussi grand que la vue le permettait. Après tout, c'est vrai que la clinique était un endroit tranquille, ceci expliquait donc cela. Après un avoir jeté dernier coup d'œil au bâtiment par-dessus son épaule, Emmy se jeta dans le vide. Elle se laisser glisser du bord et retomba lourdement sur ses pieds, se tordant la cheville au passage.
La douleur lancinante la fit grimacer. Elle n'avait peut-être pas si bien calculé la distance que ça après tout. Mais elle n'avait pas le temps de s'apitoyer. Si par accident, quelqu'un avait pu la voir par les fenêtres malgré l'obscurité, elle devait se dépêcher de déguerpir. Elle se leva et boitilla sur quelque pas. Bon, peut-être qu'elle reconsidérerait l'idée de se hâter. Elle se contenterait de quitter les lieux avec la lenteur d'une tortue. Du moins, c'est ce qu'elle pensait avant qu'une silhouette ne lui barre le passage.
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L'ange muette
RomanceArtémis ne parle pas. Elle n'est pas muette. Suite à un traumatisme d'enfance, elle a décidé de ne plus parler. Désormais, elle dessine pour exprimer ses sentiments et son histoire. N'acceptant l'aide de personne, elle ne montre jamais ses œuvres et...