Partie 23

1.2K 123 19
                                    

Emmy ne trouvait pas le sommeil. Pourtant, le matelas était confortable, bien plus que le sol de sa salle de bain sur lequel elle avait passé les nuits ces trois dernières semaines. Elle se tournait et retournait dans ce lit inconnu, la tête pleine d'interrogations. Comment Evan pouvait-il savoir qu'elle s'échapperait ce soir ? Et pourquoi ne pas revenir à la clinique s'il veillait encore sur elle, même lorsqu'il était en vacances ? Son regard se posa sur la commode. Le dessin qu'ils avaient fait tous les deux y reposait, elle l'avait remarqué quand le psychiatre l'avait portée jusqu'à la chambre. Malgré les heures qui s'étaient écoulées, elle pouvait encore sentir ses mains la tenant fermement.

Ignorant les instructions d'Evan, elle posa les pieds à terre et se leva en essayant de ne pas s'appuyer sur sa cheville. Cependant, elle remarqua que la douleur avait empirée. Le moindre petit mouvements provoquait un déchirement qui la faisait bien plus souffrir qu'au début. Presque à cloche-pied, elle chercha son chemin jusqu'au psychiatre dans la semi-pénombre. Seul le croissant de lune par la fenêtre offrait une faible lueur à la pièce, qui permit à Emmy de repérer l'objet de ses recherches sur le canapé.

Elle sentit ses joues s'empourprer devant l'image qu'il lui offrait. Alors qu'elle avait l'habitude de le voir en chemise, ou même en cravate dans ses bons jours, avec un pantalon impeccable, il s'était endormi en jean avec un haut bien plus décontracté que d'habitude. Elle ne l'avait jamais vu de cette manière, il semblait si vulnérable en cet instant. Silencieusement, elle s'approcha et s'assit par terre, à côté du canapé. Puis elle l'observa quelques minutes. Sa respiration douce et régulière donnait à Emmy une sensation de bien-être.

Prise d'un soudain accès de folie, elle se pencha et posa délicatement ses lèvres sur les siennes avant de s'écarter, apeurée. Elle scruta anxieusement le visage du psychiatre, qui sembla se troubler quelques secondes. Il ne se réveilla pas. Rassurée, du moins elle tentait de s'en persuader, elle reprit sa place au pied du canapé et prit la main de son occupant, qui tombait sur le côté.

- Emmy ?

La voix ensommeillée d'Evan la tira de sa torpeur, et elle lâcha sa main brusquement. Autant ne pas lui donner de raison de repartir encore plus longtemps en vacances, pensa-t-elle avec une pointe d'ironie teintée d'amertume. Elle garda la tête baissée tandis qu'elle entendait le psychiatre se redresser.

- Qu'est-ce que tu fais ici ? Ta cheville ! Je t'avais dit de ne pas te lever, tu vas empirer ton état enfin... Tu as besoin de quelque chose ?

Ce dont elle avait besoin c'était de réponses. Mais comment formuler cela sans mots ? Evan se leva et la souleva pour la déposer sur le canapé. 

- Voilà tu seras mieux comme ça.

Il s'éloigna quelques instants pour allumer la lumière et revint près d'elle pour observer sa cheville. Le mauve clair d'il y a quelques heures s'était assombri, et des hématomes comme ceux que son père lui avaient donnés quelques semaines auparavant marquaient sa peau. Evan fronça les sourcils à cette vue.

- C'est de pire en pire, je vais essayer de stabiliser ton pied avec des bandages. 

Il s'absenta vers ce qu'Emmy devinait être la salle de bain avant de réapparaître avec du matériel à pharmacie.

- Je n'ai pas d'attelle, sinon je t'en aurais posée une en attendant de voir le médecin.

Il tenta ensuite avec de longues bandes blanches d'entourer son pied et sa cheville de manière à les garder immobiles. Mais malgré ses efforts, il n'était pas d'une grande aide et causait à Emmy plus de douleur que de soulagement. Après quelques minutes de ce traitement, elle lui fit signe d'arrêter en grimaçant, sa cheville la faisant trop souffrir pour continuer. 

- Pardon, je suis aussi doué en dessin qu'en soins j'ai l'impression. 

Avec un soupir dépité, il prit place à côté d'Emmy. Elle tira sur son haut pour avoir son attention et tenta alors d'exprimer ce qui la préoccupait. En s'aidant de signes et en mimant les mots avec sa bouche, elle parvint finalement à se faire comprendre d'Evan. 

- Pourquoi je suis parti ? 

Lorsque la jeune femme confirma, il sembla surpris de la question, puis gêné. 

- Personne ne t'as rien dit alors, c'est ce que je craignais. Ne t'en fais pas, ça n'a rien à voir avec toi. Le directeur m'a forcé à prendre un mois de congé. Je ne reviendrai à la clinique que dans une semaine. Mais d'ici là, promets-moi que tu ne feras plus d'imprudence comme celle-ci d'accord ? Tu n'as pas conscience à quel point c'était risqué.

Emmy hocha la tête solennellement. Bien qu'elle ne comprenait pas pourquoi monsieur June voulait se débarrasser d'Evan de la sorte, elle pressentait qu'elle pouvait croire son psychiatre. Elle regrettait simplement devoir attendre encore si longtemps avant qu'il ne revienne. 

Satisfaite et rassurée de ne pas être à l'origine des mystérieuses vacances, Emmy se releva dans l'intention de retourner se coucher, mais elle fut immédiatement soulevée du sol.

- Décidément, ton obstination te perdra, j'ai du mal à saisir ce que tu ne comprends pas dans ''ne te lèves pas'', la taquina-t-il en la rapportant dans la chambre. 

Il la reposa sur le matelas et s'assura qu'elle était installée confortablement avant de placer un oreiller sous son pied.

- Ne bouges pas cette jambe d'accord ? J'ai l'impression de parler dans le vide mais c'est important, tu vas te faire encore plus de mal si tu ne m'écoutes pas. Essayes de dormir maintenant, tu vas être fatiguée demain.

Alors qu'il s'apprêtait à repartir, Emmy le retint par la manche et désigna les trois quarts vide du matelas à côté d'elle.

- Tu veux que je reste ?

Elle hocha vigoureusement la tête. Evan sembla hésiter un long moment avant d'accepter d'un faible mouvement de tête et de s'installer tout au bord du lit, à l'opposé d'elle. Pendant un instant, Emmy se demanda s'il faisait exprès de mettre tout cet espace entre eux. Mais elle se faisait sans doute des idées. Elle lui sourit joyeusement et animée d'une nouvelle sensation de sécurité, elle sentit rapidement le sommeil l'emporter. 


L'ange muetteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant