Partie 29

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La semaine suivante, Emmy s'était retrouvée dans une gare pour la première fois. Evan, entre autres choses, lui avait expliquée qu'ils allaient rendre visite à un couple de retraités qui tenaient des chambres d'hôtes. Puis plus tard, il avait révélé que ces gens n'étaient autre que ses propres parents. 

Henri, un patient du cabinet d'Evan, était aussi du voyage. Pendant tout le trajet en train, le vieux monsieur l'avait divertie et amusée avec ces bavardages, auquel Emmy répondait de temps en temps. Il lui avait raconté que sa femme l'avait battu et que le psychiatre l'avait emmené pour la même raison qu'elle plus ou moins. Retrouver un cadre familial chaleureux dans lequel lui et la jeune femme pourraient respectivement se ressourcer et trouver des réponses.

Quant à Evan, il n'avait pas été particulièrement présent pendant tout le trajet en train. Lorsqu'il ne roupillait pas sur son siège, il passait des coups de téléphone dans le wagon prévu à cet effet. Emmy était un peu déçue qu'il ne se soit pas joint à eux pour discuter, mais après tout, Henri était de très bonne compagnie.

Lorsqu'ils étaient tous les trois arrivés à destination, ils avaient été accueilli par un couple, que la jeune femme devinait être les parents du psychiatre, et qui les avaient accueillis à coup de câlins et d'embrassades pour la femme, Félicie, ou de simples poignées de main pour l'homme, André, qui semblait plus réservé. 

Ils étaient désormais tous installés dans le spacieux minivan coloré avec lequel le couple les ramenait dans leur demeure. Emmy s'amusait énormément de la joie de vivre qui animait la mère d'Evan, et dont celui-ci semblait parfois un peu embarrassé. 

Curieuse de tout ce qu'elle voyait, la jeune femme gardait le nez collé à la fenêtre. Sous ses yeux défilaient quelques maisons, des petites collines verdoyantes, des champs immenses et parfois, quelques vaches qui broutaient l'herbe paisiblement. Lorsqu'elle tourna la tête vers son psychiatre, leurs yeux se croisèrent et elle éprouva encore davantage de bonheur. 

Durant le trajet, il lui expliqua qu'ils étaient à la campagne, et que le coin où vivaient ses parents était assez tranquille pour ne pas qu'elle soit déroutée par trop de monde d'un seul coup, mais qu'il y aurait quand même des activités à faire hors de la maison s'ils s'ennuyaient. 

Lorsqu'ils arrivèrent enfin, Emmy observa curieusement la jolie bâtisse devant elle. Elle était bien plus petite mais également beaucoup plus coquette que la clinique. Des plants de fleurs colorées entouraient l'entrée et la porte en bois sombre qu'ils franchirent pour rentrer à l'intérieur. 

André mena Henri à sa chambre, tandis que Félicie accompagnait Emmy à la sienne. Elle lui présenta une jolie petite pièce décorée de fleurs séchées, dont le grand lit semblait bien plus confortable que celui de la clinique.

- Voilà ma chérie, c'est ici que tu vas dormir cette semaine. Si tu as besoin de quoi que ce soit, n'hésites pas à venir me voir. 

Emmy la remercia d'un sourire et d'un hochement de tête. Elle s'assit au bord du lit et posa les béquilles qu'elle devait encore supporter pour les trois prochaines semaines. La vieille femme avait porté le petit sac d'Emmy jusqu'à la chambre et l'avait déposé au pied du lit. 

- Est-ce que tu veux venir dans le salon ? J'ai fait de la tarte pour tout le monde, ce sera plus convivial. Et puis tu as besoin de manger, tu es toute maigre mon enfant !

La jeune femme s'amusa de l'entrain de son aînée et la suivit jusqu'au salon où tout le reste de la famille et des invités s'était déjà installé sur des fauteuils et canapé. Félicie se précipita à la cuisine et appela son mari à l'aide. Les deux revinrent quelques secondes plus tard, portant des assiettes contenant des parts de tartes alléchantes qu'elle distribua à tout le monde. 

Evan avait raison. En observant tous ces gens manger en bavardant gaiement, Emmy eut une sensation de bien-être et de sécurité. D'autant plus lorsqu'elle croisait parfois le regard de son psychiatre par-dessus la petite table basse.

Bien qu'elle n'était pas souvent incluse dans la conversation (avec son accord, Evan avait expliqué à ses parents qu'elle venait tout juste de recommencer à parler, sans s'étendre sur les détails, et qu'elle n'était pas à l'aise), elle ne se sentait pas non plus mise à l'écart. D'ailleurs de temps en temps, Félicie qui était assise juste à côté d'elle lui demandait discrètement si elle n'avait besoin de rien, et Emmy répondait toujours d'un mouvement négatif avec un grand sourire. 

Elle était là depuis à peine une heure et elle se sentait déjà bien mieux et beaucoup plus entourée qu'à la clinique. Elle appréciait particulièrement la mère d'Evan, avec qui elle avait passé le reste de l'après-midi. Elles étaient allées s'occuper des fleurs, puis du repas pendant qu'André préparait la table du dîner. Même si Emmy ne pouvait pas énormément marcher à cause de son entorse à la cheville, elle faisait de son mieux pour aider lorsqu'elle le pouvait.

Avec toute cette agitation, elle n'avait d'ailleurs pas revu Evan ou Henri, qui semblaient s'être volatilisés après la dégustation de la tarte. Et elle n'osait pas demander à Félicie où était passé son fils pour aller le voir. De toute façon il était sans doute occupé, songea-t-elle tristement. 

Sa mélancolie disparut lorsque tout le monde se retrouva attablé autour du dîner. Le repas qu'Emmy et Félicie avaient préparé ravit tout le monde. La jeune femme s'était retrouvée assise à côté d'Henri, qui ne pouvait s'empêcher de parler entre chaque bouchée de nourriture qu'il prenait. En face d'elle, Evan aussi semblait se régaler. De temps en temps, leurs pieds se touchaient malencontreusement sous la table, et la jeune femme baissait les yeux sur son assiette en tentant tant bien que mal de ne pas afficher son trouble. 

Lorsque le dîner toucha à sa fin, le psychiatre s'occupa de débarrasser la table avec ses parents, ordonnant à ses deux patients d'aller se reposer. Emmy n'en avait pas envie. Elle remua la tête de gauche à droite pour exprimer son désaccord avec une moue boudeuse. Elle voulait rester encore un peu. Mais un bâillement trahit sa fatigue aux yeux de tout le monde, et Félicie la prit sous son aile.

- Venez mon enfant, vous avez besoin de repos, vous avez fait un long voyage. Demain vous serez bien plus en forme, lui dit-elle avec un sourire chaleureux en l'accompagnant à la chambre. 

La vieille dame l'aida à se préparer pour la nuit et s'assura qu'elle ne manquait de rien avant de lui souhaiter une bonne nuit.

- Si jamais, précisa-t-elle, mon fils est juste à côté, et mon mari et moi sommes au bout du couloir. N'hésitez pas surtout hein ! Bonne nuit mon enfant. 

Emmy la regarda partir avec un sourire épanoui. Étrangement, elle aimait bien le petit surnom que lui donnait la mère d'Evan. 

L'ange muetteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant