𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝟏𝟕 : 𝐋𝐞𝐬 𝐬𝐚𝐯𝐞𝐮𝐫𝐬 𝐝𝐞 𝐧𝐨𝐭𝐫𝐞 𝐞𝐧𝐟𝐚𝐧𝐜𝐞

58 8 0
                                    

« C'est vrai ? » La question fit s'entre-regarder les gardes. « Vous lui avez fait des recommandations dont elle n'a pas pris compte ? précisa Ezra.

— Non, monsieur, répondit honnêtement le plus âgé.

— Nous ne l'avons pas fait, dit Peter pratiquement en même temps. »

Leur employeur opina dans une expression qu'il voulait fermée sans qu'il ne puisse ravaler son aigreur. « Pourquoi ?

— Parce qu'il a rapidement été clair qu'elle ne nous fait pas confiance, monsieur, révéla James. Jouer un rôle au-delà des attributions que madame nous concède n'aurait que renforcer ce clivage. Nous avons préféré rester à nos dévolutions de base, monsieur. Au risque de sa santé, oui, mais pour une meilleure entente en cas de réel danger extérieur.

— Elle a un putain de souffle au cœur ! s'écria hargneusement l'homme en exécutant plusieurs pas menaçant vers eux, faisant sursauter sa demi-sœur de peur. Vous imaginez l'effet que ce climat pourrait avoir sur elle ? Est-ce un danger suffisamment réel pour vous ? ajouta-t-il d'un ton glaçant. » Ils restèrent interdits, prenant compte du tourment qui perçait le blindage de leur employeur. « Quand je vous donne un ordre, je m'attends à ce qu'il soit suivi, qu'il soit compris ou pas. Je me fiche qu'elle vous donne du fil à retordre tant qu'elle est sauve. Comprenez-vous ça ?

— Oui, monsieur, firent-ils en un bel ensemble.

— Pourquoi es-tu toujours là ? s'en prit-il tout aussi durement à Albine. Tu attends que tes royalties fassent des p'tits ?! »

La cadette en côtoyait en masse des connards arrogants pensant pouvoir la prendre de haut. D'ordinaire, son sang n'aurait pas eu le temps de faire un tour avant qu'elle n'envoie le grossier aller se faire lanlaire. Mais Ezra n'était pas un homme ordinaire. Même après toutes ces années, il continuait de lui ficher une frousse bleue. 

Avec elle ou quelles qu'autres femmes, il n'avait, à sa connaissance, jamais été physiquement violent. (Après avoir vu de nombreuses fois sa mère couverte de contusions, le contraire eut été étonnant.) Elle gardait néanmoins un cuisant souvenir de son poing s'écrasant dans le ventre de son frère peu de temps avant l'accident qui devait l'emporter dans la tombe, ou encore des ravages qu'il avait causés après cette dite épreuve.

A cet instant, elle pouvait la voir dans les yeux si caractéristiques aux Edge : la lueur assassine qui ne demandait qu'à défouler la hargne de son impuissance face au sort. Celle qui disait qu'il tuerait pour sa famille. Ainsi braqué sur elle, ce scintillement haineux lui rappelait qu'elle ne faisait pas partie des privilégiés qu'il protégeait de ses ailes.

Une moue consternée tordit ses lèvres fardées. Élise avait eu tort : elle n'était pas des leurs...

Elle se détourna pour cacher les larmes montées à ses paupières. Ezra se désintéressa aussitôt d'elle pour en revenir à ses hommes : « Pourquoi ? Pourquoi m'a-t-elle menti sur votre désobéissance ?

— Parce qu'elle est comme toi, intervint Albine depuis l'arche. Elle ne supporte pas l'injustice ! claqua-t-elle. »

Là-dessus, elle quitta le hall, la tête haute, pour aller augmenter ce maudit thermostat de merde. Elle ne vit pas cette fameuse lueur s'éteindre au rythme où sa silhouette disparaissait.

Le muscle sous l'œil d'Ezra tressauta. Il s'était montré acerbe sur la mauvaise personne pour les mauvaises raisons. Il ferma les paupières et pencha inconsciemment la tête en se fustigeant mentalement. « Autre chose, monsieur ? » La fasciculation reprit. « Non. » grogna-t-il. 

Il n'ouvrit les yeux qu'une fois seul. Le miroir lui renvoya l'image d'un homme robuste, stable sur ses appuis, séduisant, élégant. Puissant. « Putain ! » Rien n'aurait pu être plus faux. Il passa nerveusement les doigts dans ses cheveux et décrocha le regard de cette image nocebo de lui-même.

L'Étui Vide [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant