Il allongea et corsa sa séance sportive quotidienne ce matin-là. Flanqué de ses gardes du corps, Ezra conclut sur une course à faire brûler l'acide lactique, qui laissa Peter une bonne longueur derrière ceux qui trimaient déjà pour garder le rythme. « J'ai plus l'âge pour les marathons endiablés ! hacha-t-il ses mots une fois le peloton rattrapé. Pourquoi on ne s'en tiendrait pas aux p'tits footing comme tout américain moyen ?
— C'est à base de petits footing que tu mettais la main sur les malandrins, à ton ancien boulot ? taquina Boris.
— Pourquoi crois-tu que je me sois reconverti ?! »
Ils rirent. Hormis James (bien trop occupé à conserver son souffle sans perdre la concentration inhérente à son métier), et Ezra, dont tous les efforts du monde ne semblaient suffire à lui vider l'esprit.
Les tiraillements de son corps n'enterrèrent pas les interrogations qui s'imposaient immuablement. Les jets puissants de la douche ne purent pas davantage l'en laver.
Sa jambe trépignait en rythme soutenu sous son bras. Une main douce remonta le long de la sienne et entrecroisa leurs doigts. Sa jambe s'en immobilisa instantanément. Il examina avec étonnement cette agréable pression, puis la jeune femme qui la lui offrait. Il ne se souvenait plus de la dernière fois où il l'avait vue porter un masque médical. Il cligna, observa autour de lui, et tomba des nues.
Depuis combien de temps était-il assis dans le couloir de l'hosto ? Il consulta sa montre. Où étaient passées les trois dernières heures ?
Non !
Il n'était quand même pas redevenu cette putain de froide machine ? La panique l'étreignit et il tourna son agitation vers sa femme. « J'ai été un connard ?
— Euh, non...
— Vraiment ?!
— Oui, oui. Distant, mais normal. »
Il se prit la tête dans sa main libre et embrassa les phalanges enfermées dans l'autre. « Putain, faut vraiment que j'arrête de faire ça ! »
Presque face à lui, le battant blanc portait un écriteau au nom de l'andrologue qu'il venait consulter. Une nouvelle sueur froide le parcourut. Il n'était pas prêt ! « Je sais que je t'ai demandé de venir, mais, est-ce que tu pourrais... ?
— Je t'attendrai ici, agréa-t-elle avec bienveillance. »
Il n'en fut pas beaucoup plus soulagé. D'une manière ou d'une autre, lorsqu'il quitterait ce cabinet, son monde serait inévitablement différent qu'à son entrée. Celui d'Élise également. Pareillement à la dernière fois où ils avaient quitté un hôpital...
Si au lieu de la retrouver, il la perdait définitivement cette fois ?
Non, ça n'allait pas. Vraiment pas !
« Liz ? appela-t-il d'une voix sourde.
— Hum ?
— Je me suis trompé. Je veux l'entendre. Je veux savoir.
— Tu vas savoir, se fit-elle rassurante.
— Non, pas ça. Pas ça. Toi. » Il parvint à détacher le regard de la porte pour l'incliner sur elle. « M'aimes-tu ? M'aimes-tu comme on doit aimer un conjoint ? De la façon dont moi je t'aime ? »
Elle le fixait. Sans rien dire. Il déglutit douloureusement. « Monsieur Edge ? » le convoqua-t-on. Il se leva laborieusement sans quitter la jeune femme. « Tu m'as appelé "mon cœur", mais est-ce que je l'ai vraiment ? » la pressa-t-il. Les iris égarés fouillaient les alentours à la recherche d'une échappatoire. « Je sais que tu penses qu'entre des mains malveillantes, cette info peut devenir une arme. Mais je suis totalement désarmé face à toi, Liz. »
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L'Étui Vide [Terminé]
RomanceEzra ne passait déjà pas une bonne journée avant que ce malheur de comédie ne lui tombe dessus. Son conseil d'administration lui mettait la pression, et il risquait à présent d'être en retard à la répétition du mariage de sa demi-sœur. Il regrettait...